Après le Centre Pompidou qui au printemps 2006 a consacré une exposition à Hans Bellmer, "Hans Bellmer : anatomie du désir", le musée de la Halle Saint Pierre rend hommage à Unica Zürn qui fût sa compagne.
Dans l’immense salle aux murs gris sous une lumière tamisée, les dessins d’Unica Zurn sont accrochés dans une scénographie circonvolutive particulièrement adaptée pour nous entraîner dans les méandres spirituels d’une femme et d’une artiste singulière.
Poète, écrivain, dessinatrice, peintre, celle qui devint l’icône des surréalistes produisit une œuvre profondément autobiographique et marquée par la maladie mentale qui la conduisit au suicide.
A côté de ses écrits, dont le célèbre "L’Homme-Jasmin", sous titré "Impression d’une malade mentale", son œuvre picturale composée de dessins est impressionnante tant par la forme que par le fond.
Dans "Les insectes", dessin daté de l’année de sa mort, figurent des inscriptions en français dont "Il est dur de mourir au printemps" et "Dessins à regarder de tous les côtés". Unica Zurn est morte en octobre 1970 et ses dessins sont, à l’instar de ses Anagrammes, labyrinthiques.
Lacis, enchevêtrement de traits à la fois surs et déterminés et hallucinés comme s’ils suivaient le cheminement d’une pensée obsessionnelle et cependant mue par une logique délirante, les dessins en apesanteur d’Unica Zurn témoignent d’une thématique obsessionnelle récurrente.
Ses dessins, pour la plupart à l’encre de chine, sont d’une extrême finesse, sans arrière plan ni fond, comme une bouffée délirante surgie de nulle part et affleurant à la conscience et la silhouette ainsi tracée est complètement emplie de traits ou décors minuscules.
Et ce qui est également étrange et fascinant est qu’Unica Zurn était à la fois spectatrice d’elle-même, conservant une part de conscience lui permettant de retranscrire les émotions vécues dans l’état confusionnel, et actrice dans la mesure où elle va essayer de jouer de cette folie subie tant pour séduire l’homme salvateur qu’est Hans Bellmer que pour créer une œuvre sous influence, la folie agissant comme une drogue.
La folie, dont elle disait qu’il s’agissait d’une merveilleuse aventure, à l’instar d’une substance hallucinogène, est source de création artistique qui l’amène à donner corps à ses angoisses, ses fantasmes et ses refoulements.
Les éléments récurrents de ses dessins, tels la prééminence de l'oeil, les mains en forme de serres, le serpent sur la tête de femme, s’éclairent à la lumière des événements autobiographiques essentiellement liés à l’enfance : le non dépassement du complexe d’Electre, le rejet de la figure maternelle, l’énucléation et l’éventration de la poupée offerte par une amie de son père ou l’abandon de ses propres enfants après son divorce.
Le mythe de l'enfance merveilleuse à jamais perdue
Unica Zurn décrit l’enfance comme le pays des merveilles. Et ces merveilles comprennent des créatures fantastiques et inquiétantes, hybrides de la faune aquatique et de la faune terrestre, monstres mythologiques, dragons et gargouilles, et parfois des micro organismes unicellulaires qui pourraient également représenter des cellules nerveuses.
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Les jeux à deux avec l'homme-jasmin
Comme chez Hans Bellmer, on trouve des dessins représentant l’hermaphrodite fusionnel dont un superbe où le corps hybride tient un enfant.
Hans Bellmer, obsédé par le retour à l'eden primal, et Unica Zurn, à la recherche de l'homme qui lui permettra de retrouver l'état d'enfant, formaient-ils un couple sado-masochiste ?
Ils jouent à la princesse et aux brigands qui se transforment en peaux-rouges, de nombreux dessins d'Unica Zurn représentent d'ailleurs des têtes d'indiens, et la femme victime ligotée au totem s'apprente à la poupée bondée de Bellmer.
Et puis il y a le beau visage étrange d’Unica Zurn peinte par Hans Bellmer en 1954.