Brightblack ? Un souvenir à jamais lié à l'All Tomorrow's Parties de Slint. Salle du bas, après-midi du deuxième jour, la tête dans le sac, nuit trop courte ou gueule de bois, à ce niveau là, on ne sait plus trop.
Premier concert hors des Etats-Unis pour eux. L'occasion idéale d'oublier, l'espace d'une heure, les assauts soniques extérieurs en se laissant porter ce hippie-folk hypnotique, évocation de paysages désertiques de l'Amérique profonde tous droits sortis d'un western de John Ford. Encore coi et hypnotisé par la sérénité dégagée par cette succession de drones quasi-mystiques, on consent finalement à reprendre le cours normal du festival avec Mogwai.
Deux jours plus tard, retour à Paris, avec le ferme objectif de se rencarder sur Brightblack. Premiers résultats des investigations : le noyau dur se compose de Nathan "Nabob" Shinewater (guitares Gibson) et de Rachaels "Rabob" Hugues (clavier Rhodes), tous deux originaires d'un trou paumé de l'Alabama. Où le temps semble s'être arrêté depuis plusieurs générations.
On apprend également que le groupe a sorti un split single avec Will Oldham en 2002 précédent un album (ala.cali.tucky) enregistré par le frérot Paul dans le Kentucky. Le reste de la bande de l'ex-leader de Palace (Papa M, White Magic, Faun Fables...) n'étant jamais très loin. Par ailleurs, le duo s'est joint à une communauté vivant sous des tentes dans une forêt de Californie du Nord.
Printemps 2005, une pluie d'évènements accompagne la conception du deuxième album. Signature chez une nouvelle maison de disques tout d'abord, Matador. Ajout de personnel ensuite, avec l'arrivée de Andy Macleod (ex-White Magic), Paz Lenchantin (ex-A Perfect Circle) et Elias Reits (ex-Gojogo). Extension du nom enfin, de Brightblack à Brightblack Morning Light. Près d'un an plus tard, l'enregistrement touche à sa fin, l'occasion de sillonner durant quelques semaines le pays de l'oncle Sam avec la clique de Devendra (Espers, Vetiver, Vashti Bunyan, Joanna Newsom ...).
Tardivement après sa sortie nationale, ce nouvel opus arrive dans nos contrées. Disque dépourvu de titre, multitude de changements sur le papier : tout s'apparente à un nouveau départ pour Brightblack Morning Light. Rien de tout ça pourtant, juste un approfondissement des pistes explorées sur ala.cali.tucky. Ainsi, les morceaux ressemblent toujours à d'improbables jams cannabiques entre John Fahey et Traffic produites par un Ry Cooder au meilleur de sa forme.
Musicalement plus riche qu'auparavant, cette collection de nouveaux titres demeure totalement inclassable, truffée de reverb, secouée de délicates ondulations de clavier, de lumineuses parties de slide et traversée de magnifiques interventions de flûtes, clarinette, trombone, harpe ... Sans oublier ce formidable travail réalisé sur les percutions par certains des nouveaux venus : congas, tablas, cloches ... épaulant une batterie des plus minimalistes.
Côté sources d'inspiration, tout chez Brightblack reste lié de près ou de loin à la nature : rivières, forêts, pluie, soleil ... Et de convoquer tantôt l'esprit des écrits d'un Kerouac exilé dans une cabane à Big Sur alors en complète osmose avec son environnement, tantôt l'élégance contemplative des films de Terrence Malick, "La Balade Sauvage" notamment.
Un album magistral à écouter d'une traite, aucun morceau ne sortant vraiment du lot, exception faite de l'épique "Star Blanket River Child". Pour finir, si des larmes perlent encore aux paupières de vos parents à l'évocation du Dead, Quicksilver et autres Fairport Convention, offrez leur une cure de jouvence en ces périodes de fêtes en leur procurant ce magistral disque de folk baba d'une autre époque.
Preuve que le rêve hippie a encore de beaux jours devant lui.
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