2006, l’année du son gitan.
D’abord démocratisé par Beirut (alias Zach Condon - jeune prodige de 20 ans désormais en repos forcé suite à une tournée mondiale bien trop intensive) avec un fabuleux 1er album Gulag Orkestra, suivi par l’intrusion de DeVotchka dans la B.O. de l’excellent "Little Miss Sunshin"e, et enfin la sortie du dernier opus de A Hawk and a Hacksaw (le duo James Barnes-Heather Trost), The Way the Wind Blows.
Comme Zach Condon, James Barnes est originaire d’Albuquerque au Nouveau Mexique. Vous vous posez sûrement cette question : comment de jeunes américains 100% hamburger, qui ont a priori autant en commun avec les traditions balkaniques que Joey Starr avec les bonnes manières, peuvent-ils réaliser aussi parfaitement des albums à la musicalité aussi dépaysante, que même Lajos (un ami de là-bas) s’y laisserait prendre.
Pour James Barnes, c’est évidemment une histoire de voyages et de rencontres. Après Albuquerque, il se rend à Chicago pour étudier. Il y commence sa carrière musicale et officie dans différentes formations telles que Neutral Milk Hotel, Bablicon, Bright Eyes and Broadcast. Avant de retrouver la bougeotte : Leicester en Angleterre. Il travaille un temps comme postier puis devient bénévole dans un camp de réfugiés où il rencontre des gens de toutes origines : Chine, Irak, Iran, Kurdistan, République Tchèque, Bulgarie et Roumanie. Ces rencontres éclectiques influencent énormément Barnes dans la réalisation de son 1er album éponyme A Hawk and a Hacksaw (enregistré en France).
D’Angleterre, il part à Prague pour réaliser son 2ème disque Darkness at Noon, avant de retourner au Nouveau Mexique. Il fait la rencontre de Heather Trost, violoniste, qui devient ainsi un membre permanent de la formation.
Avril 2006, Barnes s’embarque dans une incroyable quête du Graal. Avec seulement quelques économies en poche et le numéro de téléphone d’Henry Ernst, manager de la Fanfare Ciocarlia (groupe gitan ayant récemment reçu le prix du meilleur artiste de l’Europe de l’Est aux BBC Radio 3 World Music Awards), il file retrouver tout ce petit monde à Bucarest.
Le rendez-vous avec Ernst est très vite pris et les voilà tous 2 partis pour une virée de 9 heures sur les routes de campagne roumaines de manière à rejoindre un petit village près de la frontière ukrainienne, tellement petit qu’il n’a sa place sur aucune carte routière.
Après avoir retrouvé la Fanfare dans le village moldave de Zece Prajini, Barnes fait installer un studio d’enregistrement dans l’une des maisons du village, où ils composent et enregistrent pendant 2 semaines.
Le résultat : un album authentique et folklorique, porté par les cuivres et l’accordéon, un album possédant l’incroyable pouvoir de nous faire apprécier ces sonorités vraiment dépaysantes.
The Way the Wind Blows s’ouvre sur "In the River", conte en forme de balade musicale, "God Bless the Ottoman Empire" sa guitare flamenco, sa trompette hypnotique et ses chœurs d’inspiration grégorienne, "The Sparrow" fait la part belle au violon pour un morceau enjoué et festif, idéal pour ambiancer une salle de mariage…
The Way the Wind Blows vient de l’Est, incontestablement, c’est d’ailleurs son principal atout (à côté, Gulag Orkestra de Beirut passerait presque pour un disque pop) mais ce parti pris peut engendrer quelques réticences.
Une telle aventure musicale peut effrayer, la mélancolie des sonorités, les élans instrumentaux… pourtant l’expérience autant que le voyage en valent vraiment la peine.
Reste pourtant une part d’ombre qu’il serait intéressant d’éclairer. Qu’en est-il de A Hawk and a Hacksaw sur scène ? Serait-il aussi convaincant et fou qu’un Emir Kusturica et son No Smoking Orchestra ?
En attendant de se faire (peut-être un jour) une opinion en live, réfugions-vous dans cet album étonnant. |