Les préjugés et clichés ayant la vie dure, on pourrait bien se complaire à penser que Detroit n’abrite que le siège social de General Motors, les fondateurs morts de Creem Magazine et les papys rockers fan du son défunt des Stooges. Du bitume et des âmes. Ce qui est dans un sens vrai est en partie également faux, plus nuancé, riche en couleurs, contrasté sur la palette graphique des sentiments.
Blanche, justement, dont voici le deuxième album, prouve à qui mieux mieux que le groupe n’est pas voué à rester dans l’ombre de Jack White, dont ils sont proches, mais sort réellement du lot, dépasse le leader du Stripes sur bien des points, lui qui est aujourd’hui séché comme un poisson sur le bord de la Seine. Ceci est une autre affaire.
Little Amber Bottles. Voici donc l’objet du délit, espèce de disque gangster qui voit Dan et Tracie Miller revenir aux racines américaines, entre folk, country et bluegrass.
Little amber bottles s’avère être un disque moderne, une fois projeté dans l’Amérique des années 30, victime du Black Thursday. Disque intemporel en fait, enregistré on l’imagine à la maison, loin des multipistes, sur du matériel vintage d’époque, amplis à lampes et tout le barda. Sur "No matter where you go", Blanche tente le hold-up parfait en singeant le Dylan de "Highway 61 revisited", piano qui trémousse, banjo qui tressaille. Manque simplement le rocking chair et la Chevrolet passant dans le lointain.
L’ambiance martiale cérémonieuse est la composant de Little Amber Bottles, qui parvient en dépit de son anti-commercialité à produire un single parfait sous le déguisement de "What this town needs", aussi électrique que le passage de Dylan au Royal Albert Hall.
Et si Bob choquait voila 40 ans avec un set électrifié, le disque de Blanche l’est tout autant par son retour à la country électrique parfaitement soutenue par le duo vocal exhibé par Dan et Tracie. Qui pousse le vice jusqu’à la chanson paillarde sur "I can’t sit down" et son titre assez ambiguë.
Ce disque sent l’amour et la sérénité, sans empester la complaisance. Il suffira d’écouter "Little amber bottles", chanson éponyme, pour s’en convaincre, minaudé violemment par une Tracie plus farouche que Meg White. Du xylophone et une mélodie parfaite 60’ finissent le boulot au marteau-piqueur dans l’oreille de l’auditeur.
A cheval entre Nancy Sinatra et les Youngbloods, Blanche marque son territoire à la craie. Forcément blanche, comme cette craie permettant de délimiter le corps de la victime, le casque encore sur les oreilles, n’en revenant pas que l’on puisse encore produire cette musique en 2007.
Little amber bottles se chante en mode nasal, Woody Guthrie dans une narine et Willard Grant Conspiracy enfoncé dans le sinus.
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