Station Joya nous avait envoyé une démo qui avait retenu notre
attention. Nous avons voulu en savoir plus et nous avons rencontré deux
de ses membres, John Martinez et Sylvain Vaugeois dans un petit rade suranné,
d’un quartier populaire du 10 ème arrondissement en voie de boboïsation,
à la décoration incertaine, où les instruments de marine
cohabitaient avec des guirlandes de pommes de pin et de vraies plantes dans
de fausses statues antiques de jardin.
Quelle est la genèse du groupe ?
Sylvain : Station Joya a un an d’existence et à l’origine
c’est plutôt John et Steve Bourlet .
John: Steve, le guitariste, avait passé une annonce sur les
Inrocks avec des influences rockn’roll, Cake, MC5 et nous avons répété
ensemble . Ça s’est bien passé et nous avons décidé
d’agrandir la formation. J’avais un ami batteur, Julien Chastang,
qui a collaboré avec nous et ensuite nous avons une nouvelle annonce
pour trouver un bassiste et Sylvain nous a rejoint.
Le nom du groupe résulte d’une association de mots que
nous aimions ; il y a un côté festif qui ne se retrouve peut être
pas dans la musique (rires)… "Joya" est le nom d’un album
de Will Oldham et Station parce que l'association faisait un peu collectif d’art
déglinglé. C’était une station sur une ligne imaginaire...
Quelle est votre formation musicale au départ ?
John : Au lycée j’ai joué dans un groupe punk gothique
pendant cinq ans et je faisais des concerts dans les lycées techniques,
dans les salles polyvalentes et le summum un concert au Gibus. Le groupe s'appelait
"Handle with care". Et puis le groupe s'est arrêté pour
des raisons diverses, mais ça n'avait jamais été très
sérieux. Après j’ai continué à jouer de la
guitare chez moi, dans ma chambre, en écoutant Bob Dylan et il y a quatre
ans j’ai remonté un groupe post-rock "Amateur", qui portait
bien son nom, où je chantais. Ce groupe n’a fait qu’un seul
concert au "Pop in" un bar près du Cirque d’hiver et
on a splité juste après.
Ensuite, j’ai continué à jouer dans ma chambre et j’en
avais un peu marre. J’ai racheté une guitare électrique
d’occasion à un pote et je me suis dit essaie de trouver des gens
avec qui jouer et c’est comme cela que j’ai répondu à
une annonce sur les Inrocks.
Donc maintenant c'est plus sérieux?
John : Oui
Savez-vous lire la musique ?
John : Moi je joue à l’instinct, je joue à l’oreille,
à force d'écouter des disques dans ma chambre.
Sylvain : J’ai une formation musicale plus classique parce que
j’ai appris à jouer du violoncelle pendant dix ans et comme il
était difficile d’amplifier le violoncelle dans le groupe, j’ai
appris à jouer de la basse au Liberty rock là où on répète
car ils louent des basses. Je n’en ai pas chez moi mais j'en joue dans
le groupe ....Mais nous n’écrivons pas la musique.
Le groupe a été formé de manière aléatoire
et ça a marché du premier coup ?
John : Avec le guitariste j‘ai senti assez vite que cela se passerait
bien car moi j’ai des influences pop indé anglaise et Steeve écoute
plus du rock traditionnel mais malgré cela, nous avions une certaine
ouverture d'esprit. J'ai vu ce qu'il jouait et on s'est bien accordé.
Le batteur a des influences plus rock indé US genre
Pavement. Sylvain écoute pas mal de trucs aussi. Les membres sont des
esprits très ouverts.
La démo est la seule production que vous avez faite pour le moment
?
Sylvain : Oui, c'est la seule que nous avons réalisé
en studio, et puis des trucs acoustiques dans une chambre mais le son n’était
pas très bon.
John : Nous avons démarché quelques festivals avec cette
démo et nous enregistrerons une seconde démo au début de
2004. Ensuite nous démarcherons des labels, des petites productions.
On a vraiment envie d'aller plus loin, plus sérieusement avec ce groupe.
Pourquoi ne pas démarcher les labels maintenant ?
John : Nous voulons tout d’abord acquérir une expérience
scénique et nous projetons de jouer dans des bars et des salles un peu
obscures…euuuh…enfin…confidentielles. Bien sûr nous
pourrions jouer pendant 5 ans dans un studio de répétition et
penser "on est formidable" mais je crois qu'on apprend beaucoup de
choses en jouant même devant dix personnes.
Une date importante pour nous est le concert prévu le 20 décembre
à "l’Abracadabar" sur une scène pop rock punk.
Avez vous déjà un stock de chansons ?
John : Nous avons environ une douzaine de morceaux vraiment finis.
Qui écrit ?
John : Moi j’arrive avec des morceaux et des paroles, ou bien
le guitariste arrive avec une musique sur laquelle je mets des textes mais il
y a aussi plein de morceaux qui naissent lors des répétitions.
Nous en avons facilement une douzaine aussi des comme çà, pas
encore travaillés.
John écrit tous les textes ?
John : C’est moi oui, quoique le batteur écrive des textes
aussi que je compte bien sûr utiliser. Mais c’est une collaboration
ouverte, il n'y a pas de leader et je ne joue pas encore (rires) le dictateur.
Comment écrivez-vous ?
John : Le plus souvent ce sont des notes spontanées, instinctives
que je prends un peu partout, dans le métro, etc.... Je fais ensuite
du copier-coller. Je n’arrive pas à écrire une histoire
en entier. Je remplis des cahiers et je pioche dedans ensuite.
Quelles sont vos influences pour les textes ?
John : Je ne sais pas si je peux prétendre à citer des
noms mais bon, disons très humblement Anthony Reynolds (j'aime la manière
dont il écrit), Gainsbourg, Reggiani, Léo Ferré, mais digéré
à ma sauce, Nick Cave, Léonard Cohen pour les textes en anglais.
Dans quel créneau s’inscrit votre musique ?
John : Par rapport aux groupes français auxquels on pourrait
se comparer....
Sylvain : Il n’y en a pas
John : Dans les groupes français que j'écoute à
la radio, rien ne me plaît...
Vous faites de la pop ?
John : Pour l’instant c’est de la pop
Sylvain : Oui "Foyer Vietnam" c’est de la pop. "Speed"
c’est plus brut, plus rock.
John : C’est une sorte de mélancolie amicale.Mais les gens
ont des réactions très tranchées sur nos chansons. Ainsi
nous avons bénéficié de deux passages radio sur Radio Aligre
et c’est "Speed" qui a plu. Le mec était plus réservé
sur les autres morceaux.
Comment s’effectue le choix : écriture en anglais ou en français
?
John : Pour tout ce que j'ai écrit, je pioche dans mes cahiers
où je prends des notes de chansons éventuelles. Les notes sont
prises d'origine en anglais ou en français, c'est selon. Je voulais éviter
de chanter uniquement en anglais. C'est difficile de chanter de la pop en français,
ça passe mal, il faut plus de rigueur qu’en anglais.
Mais l'anglais comporte également des difficultés notamment
pour exporter si les textes sont trop légers…Y a-t-il une "stratégie"
internationale?
John : Et pourquoi ne pas viser l'international oui ! (rires). Multiplions
les opportunités...
Sylvain : De toute façon, au départ rien n’était
prémédité, c'est pour se faire plaisir avant tout. Mais
maintenant il faut y penser...
John : Oui bien sûr ! Nous avons eu la chance que ça parte
du fait qu'on écrit tant en anglais qu'en français alors c'est
bien. Et puis il y a des musiques qui m'inspirent plus dans une langue ou une
autre.
Sylvain : D'ailleurs les Little rabbits font les 2, ou bien AS dragon
qui chante autant en anglais qu'en français...
Quelles sont vos influences musicales ?
Sylvain : Elles sont très variées en fonction des membres
du groupe.
John : Moi c'était très indé anglaise (Pulp, Blur)
et plus je vieillis plus je m’oriente vers des trucs jazz, cubain et puis
longtemps j'ai eu du mal avec les chansons françaises , j'ai découvert
le génie de Gainsbourg il y a peu. Sinon j'écoute pas mal le Murat
et Badly drawn boy en ce moment.
Sylvain : Moi pop indé, un peu de classique, en ce moment je
suis plus Soul -Funk , George Benson ... mais j'ai aussi craqué pour
Alfie, le nouvel album, j'écoute pas mal de jazz....
John : Au niveau des chanteurs j'ai été beaucoup influencé
par Morrissey, Chet Baker, ce sont des grosses influences, et puis j'accroche
beaucoup avec les crooners, Tony Benett, Scott Walker, j'aime beaucoup les Tindersticks.
Julien est fan de 3 trucs en particulier : Pavement, Léo
Ferré et Sonic Youth et c'est aussi un grand cinéphile. Quand
à Steeve, c'est Cake, les Clash, Sex Pistols et Black rebel motorcycle
club, il adore ça.
Avoir des influences et des goûts musicaux très variés
et différents vous permet-il néanmoins de dégager une certaine
ligne musicale se dégagera de vos albums ?
John : L’homogénéité d’un album n’est
pas une priorité, si on part sur des trucs funk on ne va pas s'arrêter
en disant ça ne va pas. Nous laissons les portes ouvertes.
Trop d'éclectisme ne constitue-t-il pas un handicap ?
John : Oui mais nous avons conscience d'un format pop comme "Foyer
vietnam" (couplet / refrain) donc même si on peut partir sur des
longs morceaux plus expérimentaux, on fait aussi pas mal de chansons
"classiques".
Quelles sont vos inspirations pour les textes ?
John : Des histoires de mon adolescence, des histoires d'amour, des
observations de gens, de la vie dans une ville... C'est bien d'être anonyme
parfois, parfois ça devient déprimant, selon la période,
ça vient de tout cela. Mais je n'arrive pas à écrire de
A à Z ; j’écris des phrases qui me plaisent, au gré
des jours et ensuite je me dis tiens cette phrase là, avec celle ci etc...
Victor Hugo disait "Les mots sont les passants mystérieux de l'âme"
... cette phrase me plaît bien.... ce sont des collages mes textes, des
sentiments, l'instinct...
Les musiques viennent plus facilement par contre. Musique d'un côté,
mots de l'autres mais j'ai plus de mal avec les mots, qui sont plutôt
jetés comme ça et j'essaie de leur trouver une ligne directrice....
Enfin je n'ai pas de méthode en fait...
Avez-vous une certaine ambition ?
John : Oui nous espérons faire des tremplins comme Bourges...
nous attendons les réponses en ce moment...
Et si les réponses sont négatives ?
John et Sylvain : Cela ne nous empêchera pas de continuer, ce
serait un plus mais ce n'est pas un obstacle. Nous ne vendrons pas nos instruments
pour aller vivre au Portugal . D'ailleurs on fait de la musique pour gagner
de l'argent pour aller vivre au Portugal :) et puis acheter la caravane :)
Vous faites de la musique à quel moment ?
Sylvain : C'est un a-coté, après le boulot etc...
Vous aimeriez en vivre ?
Sylvain : C'est très ambitieux, même signé sur
un label n'est pas évident pour en vivre. Faut garder un travail alimentaire
et garder la musique comme notre bulle d'oxygène... quitte à sortir
des disques (rires).
John : Par exemple le chanteur des Wampas bosse encore à la RATP,
tout est possible.
Vous êtes tous parisiens ?
John : Euh ... oui à peu près... certains depuis plus
longtemps que d'autres
Envisagez-vous d’utiliser plus les cordes à l’avenir,
pour vous démarquer, vous donner un "son" ?
Sylvain : Eventuellement. Nous l’avions fait sur une démo
acoustique. Ça peut donner des idées pour les arrangements, une
identité. Mais c'est vrai que la basse c'est une facilité technique,
c'est plus aisé pour jouer et pour amplifier dans les bars. J'ai fais
10 ans de violoncelle, mais je jouais déjà de la guitare.
John : J'aime le violon chez Deus par exemple. Utilisé dans
ce sens là cela pourrait être intéressant.
Y a-t-il quelque chose d’autre que vous aimeriez dire ?
John : Je pense qu'il y a un manque de fantaisie dans la scène
pop française que ce soit Biolay ou Bénabar, il y a un manque
de rock'n'roll attitude, et bizarrement moi qui ne connaissait pas Christophe
autrement que par Aline, j'ai adoré son attitude , il arrive avec son
univers, son monde à lui, dans son délire, ça c'est super.
Fantaisie dans quelle acception du terme?
John : De la fantaisie dans l'approche de la musique, dans leur manière
de se présenter, ils sont si respectueux ... politiquement corrects....
Même Luke font des choses intéressantes mais ils sont très
lisse dans leur façon de se présenter, même si je n'ambitionne
pas d'être le nouveau Christophe, mais c'est une image très lisse,
sans aller jusqu'aux ongles noirs de Placebo ou des trucs comme ça...C’est
sûr que je me sens plus proche de Christophe que de Air ou autre.. (très
modestement).
Quel sera votre public ?
John : Pourquoi pas tous ceux qui écoutent Lorie, Tindersticks
etc... il y a beaucoup de petites chapelles et pourquoi pas regrouper tout le
monde autour de Station Joya ! Venez vers nous ! (rires) !
Même si après on est étiqueté par les médias,
surtout au début... enfin voyons où cette fantaisie nous mène
!
Si vous deviez résumer votre musique en 3 mots, quel serait votre
choix ?
Sylvain : Ah .. c'est la colle de fin d'interview ...
John : Je vais lancer un mot et puis Sylvain un autre... alors je dirais
"Pop"
Sylvain : Euhhhhh.... "Energie"
John : et "Mélancolie" !
Tiens…nous aurions penser qu’il y aurait le mot "Fantaisie"...
John : Ah ... mais nous l’avons dit plein de fois dans l'interview
:)
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