Drame de Magnus Dahlström, mise en scène de Jacques Osinski, avec avec Michel Baudinat,Vincent Berger, Christine Brücher, Grétel Delattre, Sonia Floire, Alice Le Strat, Eric Petitjean, Thomas Rathier et Arnaud Simon.
Jacques Osinski dirige avec rigueur une troupe de comédiens épatants dans "L'usine" qui nous plonge dans le quotidien des ouvriers qui se croisent dans le local de repos d'une petite usine métallurgique qui a connu une douloureuse restructuration. Ceux qui restent, les sursitaires, vivent dans l'insécurité, l'angoisse et la soumission inexorable au système, qui les incitent à y déverser leurs haines et leurs rancoeurs.
Ils s'y affrontent de manière extrêmement violente et la mort d'une ouvrière suivie de l'arrivée d'une remplaçante curieuse, met le feu aux poudres.
Montrer et dénoncer les tensions au travail n'est pas un thème nouveau. Mais Magnus Dahlström pousse la situation à son paroxysme, jusqu'à la barbarie ordinaire, conduisant les personnages au bout de l'enfer, de leur enfer personnel et de celui qu'ils ont créé au sein de leur usine. Car rien ni personne, pas même le contremaître, le garant du respect des règles et de la cohésion du système (Eric Petitjean remarquable dans le burlesque) ne va désamorcer ce huis-clos pathogène.
Même si l'humour est parfois présent, cette traque du réelle mène dans un univers noir, dépourvu d'humanisme où la solidarité a été complètement exterminée par la peur du lendemain, la haine de l'autre et le vide existentiel.
Car comme son compatriote Henning Mankell, dont la pièce "Ténèbres" est actuellement à l'affiche du Théâtre Ouvert, Magnus Dahlström est un auteur qui ne se voile pas la face et ne prend pas de gants pour décortiquer l'indicible, ce qui dérange, ce qui est, pas plus qu'il ne pratique une écriture consensuelle pour faire délicieusement frémir le spectateur avant de le rassurer. Non, décidemment, tout le monde n'est pas beau ni gentil. Et le dénouement, pourtant inéluctable, fait l'effet d'un uppercut.
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