Ce soir, c’est blues à la Maroquinerie. Du blues sans concession descendant directement des vieux bluesmen noirs des années 20 mais revisité, minimaliste et finalement foutrement moderne.
Afin de donner vie à Masquerade, album minimaliste et excessif, dépouillé et éclatant, Paulo Furtado, alias The Legendary Tiger Man, alias le leader de Wraygunn se produit ce soir dans la salle parisienne.
Médi and The Medicine Show se présente pour ouvrir la soirée. Le beau gosse est un habitué des premières parties. Il avait déjà assuré, avec son groupe, celle de Wraygunn au nouveau casino. Aujourd’hui il est seul et en acoustique.
Si l’on pouvait regretter le son trop propre, trop calibré FM de l’album, le live acoustique lui permet de faire émerger ses influences bluesy, rock sudiste.
La plupart des chansons de son premier album éponyme y passent, revisités avec une belle énergie. Toujours impeccable, le show se termine par le radiodiffusé "Yeah, yeah".
Les lumières se rallument, la salle ne se vide pas, bon signe. Le public attend patiemment sur des vieux airs de blues. La cigarette n’ayant pas encore été bannie, un nuage de nicotine s’élève doucement au dessus des têtes. C’est dans cette ambiance que s’avance doucement le frêle héros de la soirée.
Sans mot dire, l’homme aux bras tatoués enfile la sangle de sa guitare et attaque le riff de "Someone burned down this town" qui ouvre également Masquerade. Pas de paroles inutiles, de l’action, du gros son, entrons directement dans le vif du sujet.
Cheveux gominés, plaqués en arrière, chemise, cravate et veste cintrée, Paulo arbore son look old school agrémenté de ses désormais inséparables lunettes fumées qui ne laissent pas entrevoir son âme.
Assis sur un petit tabouret au devant de la scène, cerné de toute part par son matériel, Paulo est le chef de soirée.
Véritable homme orchestre, il s’est fait greffer au bout des pieds des percus, incontestables prolongements mécaniques de son corps. Avec à droite la grosse caisse et à gauche au choix la simili caisse claire ou le charleston, la section rythmique est au complet.
Le terme de One Man Band n’est pas usurpé. Tous ses membres font preuve d’une totale indépendance.
Il martèle les basses, impulse la rythmique, remplit les espaces à coup de riffs cinglants ou de slides désespérés et râle son texte en électrisant la salle.Tantôt LesPaul pour son gros son, tantôt Télécaster pour un son plus fin, Paulo navigue dans les atmosphères. Sur le mur de fond sont projetés des petits films le temps d’une chanson.
Lors de son interview, Paulo nous précisait leur nécessité afin de donner des ambiances différentes. Road movie portugais, images noir et blanc psychés, des femmes nues jouant aux cartes, des ombres, des mouvements accélérés, puis ralentis...
Les images produisent intérêt et fascination sur les spectateurs. Comme au temps du cinématographe itinérant, le lusitanien accompagne ses histoires filmées ... à moins que ce ne soit le contraire.
La musique est fiévreuse, hargneuse, sexuelle. De "Masquerade" à "Let me give it to you" Paulo envoûte le public. A coup de slide et d’éclats de voix, Paulo maintient son auditoire en alerte. Blues, rock, et même boogie avec "Walkin’ Downtown", aucun répit pour les braves. Un détour par son premier album permet d’entendre "Naked blues" et "Love Train".
Mais n’oubliant pas non plus ses références, il revisite "Route 66" de Bobby Troup et finit le concert par "She said" de Hasil Adkins, hommage d’un One Man Band à un autre.
Véritable festival de sons et d’images, The legendary Tiger Man nous a offert une plongée dans son univers sombre. Paulo concrétise le concept de One man band. Il ne se contente pas d’accompagner son chant à la guitare, mais restitue un groupe entier à la seule force de ses poignets et mollets.
Faiseur de bandes sons comme au temps des films muets, Paulo raconte ses histoires hypnotiques et fiévreuses. |