Adaptation théâtrale d’un roman de Christiane Singer, mise en scène de Clara Ballatore avec Christel Willemez et Birgit Yew au violoncelle.
Que sait-on vraiment d’Héloïse et Abélard hors l’imagerie d’Epinal de deux amoureux mythiques et la petite histoire de la castration de ce dernier ? A son soixantième hiver, avant de n’être plus qu’un regard dans l’immensité, Héloïse, va se remémorer son destin de femme et son amour pour Abélard, son maître d’étude, théologien, philosophe et compositeur, entre lesquels naît une passion fulgurante, non pas une passion ordinaire, une passion supra humaine, transcendée par la foi.
Le chanoine Fulbert, son oncle et tuteur, furieux de constater par la découverte de cette relation charnelle que sa pupille restait une femme alors qu’il l’avait sortie de la condition de son sexe en l’élevant au rang de clerc, se venge de cet affront en appliquant à Abélard la castration, punition réservée aux violeurs. Le scandale qui s’ensuit conduit Abélard à leur imposer la conversion monastique.
Suivent des années de réclusion et de méditation pour les deux amants séparés à jamais aux termes desquelles la passion ne s’est jamais affaiblie chez Héloïse. Car après le doute et l’amertume "pourquoi gémir de ce qu’on a perdu et non jubiler de ce qu’on a eu".
"Entre ciel et chair", le texte de Christiane Singer est d’une grande beauté. Limpide, éclairé, profond, émouvant, il peint le plaisir extatique de l’amour divin qui pour Héloïse est indissociable de l’amour charnel avec son double, le lettré et mystique Abélard ("Jamais, Abélard, et je te le jure devant le ciel et la terre, je n’ai été plus près de Dieu que dans nos embrassements… la voie du divin a passé pour moi par les entrailles.").
Dans une mise en scène très éthérée de Clara Ballatore, accompagnée au violoncelle par Birgit Yem, Christel Willemez habillée d’une simple robe de toile bis, aube monacale et toilette de noces, longue silhouette diaphane, transfigure une incarnation sublime de la passion flamboyante et éternelle, celle qui a satisfait à l’aspiration ultime, la fusion avec Dieu, par la réunion des deux êtres que Dieu a façonné à son image.
D’une beauté lumineuse, presque irréelle, elle est bouleversante. |