Des lors qu’un musicien pratique l’ "Experimental Pianomusic", ne sort pas avec un top-model à jean slim de chez Diesel, et qui plus vient de Dusseldorf, il est tentant de parler de musique abstraite, ambient et onirique.
Craig Armstrong a parfaitement ouvert la brèche sur ce créneau. Hauschka est allemand, pianiste, ne sort pas avec Kate Moss, mais sa musique est tout sauf abstraite.
Et Room to expand est concrètement poétique, plein jusqu’à la gueule de génériques qui pourraient illustrer l’émission "Faites entrer l’accusé", avec ces flashbacks sur les victimes en souffrance. Peut-être même ce moment fatidique où l’animateur se lève et sort de la pièce, relevant le col de son imper pour affronter la pluie.
Room to expand, à sa manière, permet de passer entre les gouttes d’eau qui tombent. Car si les mélodies sont instrumentales, elles n’en sont pas pour autant dénuées de sens. Ni de mots. Techniquement, rien de neuf, dans le jeu d’Hauschka. Steve Reich et Philip Glass ont ouvert la voie depuis longtemps, dans l’utilisation des boucles répétitives.
Mais là où le jeu des vieux pionniers peut parfois être lassant, laissant peu de place à l’improvisation, Hauschka parvient à insuffler de réelles constructions, de vrais sentiments. Des couleurs et des nuances, comme dans "Kleine Dinge". La prolongation, dans un sens, du Piano Solo de Gonzales, excellent recueil de mélodies intimistes jouées en jazz modal.
Hauschka, histoire de ne pas copier ses pairs de Paris, y ajoute des cuivres, un peu de corde, le pantin-strumental tenant sur ses deux jambes sans aucun problème. Proche des enceintes, on entendrait presque ses compositions marcher, le toucher des doigts sur le piano, les poumons qui se retiennent de prendre l’oxygène.
L’ombre d’Erik Satie et de ses compositions minimalistes plane sur Room to expand, comme un repère. Et le merveilleux La dilettante, avec son introduction sucrée au violon, prouve encore une fois que le concept du "less is more" marche à tous les coups. Dans la lignée des instrumentalistes récents, comme Adrian Klumpes ou Tunng, Hauschka démontre que le piano, instrument noble, peut encore dépasser les poncifs et se jouer moderne.
A condition de prendre le temps de l’écouter en entier, et comprendre les subtilités de Room to expand, qui reste dur à placer en playlist dans l’Ipod tant les 12 pistes n’en forment au final qu’une seule. Il y a du Gonzales et du Pascal Comelade chez cet allemand.
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