La seconde édition des Nuits de L’Alligator, festival de blues au succès grimpant, se tient cette année encore à la très haute perchée, salle de la Maroquinerie. En ce mercredi, la programmation est éclectique. En effet, bien que la ligne directrice soit le blues, les quatre groupes de ce soir offrent des sons teintés d’influences plus ou moins éloignées du thème d’origine.
Pour preuve, SSM, trio originaire de Détroit.
Au chant, aux claviers et à la moustache José Bové, John Szymanski. A la guitare et aux 8 pédales à effets, Marty Morris. A la batterie et à la chemise à carreaux vintage Dave Shettler.
Sous le look garage-rock se cachent quelques sonorités électro très plaisantes, aussi bien apportées par une batterie épileptique que par 2 claviers maniés par un chanteur motivé.
Quelques notes très psychédéliques également, grâce aux fameuses pédales à effets du guitariste ainsi qu’à son… téléphone portable ! Oui c’est tellement mieux qu’un bottleneck de vieux.
Ce qui au départ ressemble à une formation garage rock des plus old school, se révèle être une réinvention originale du genre. Au final, SSM, une bonne surprise.
S’en suit un véritable freak show, avec le duo King Khan and the BBQ Show. Déjà, avec un nom pareil…
Le chanteur-guitariste, King Khan, se présente très naturellement en trav bien vulgos. Perruque violette, collier de crevettes en plastique autour du cou, et robe dos nu paillettée or, laissant élégamment dépasser une série de petits bourrelets.
BBQ, quant à lui, n’est pas en reste côté accessoires. Turban visé sur le crane (rasé), assis sur son petit tabouret, il fait face à sa mini-batterie DIY.
Dans des paniers en osier se trouvent 2 petites caisses. Celle faisant office de grosse caisse à en guise de pédale, un tambourin. Monsieur BBQ joue en sus, de la guitare ou de la basse, selon les besoins.
A part quelques personnes ayant déjà vu King Khan à l’œuvre avec The Shrines, l’ensemble du public, bien qu’amusé, reste interloqué et surtout curieux d’entendre ce qu’il va pouvoir musicalement sortir de ces 2 énergumènes.
Et bien c’est un grand écart. Tantôt rock sixties à base de chœurs en "doo whoua doo whoua my baby", tantôt punk avec un King Khan hurleur "I don’t give a fuck, I don’t give a shit", tantôt garage-psychédélique et tantôt blues-country, Johnny Cash réincarné en la personne de BBQ lorsqu’il déploie sa voix au timbre sombre et profond.
Bref un spectacle tout aussi plaisant pour les oreilles que pour les zygomatiques.
Alors bon forcément quand Archie Bronson Outfit prend le relais de pipo et molo sur scène, l’ambiance festive retombe franchement.
En même temps, les ABO ne sont pas connus pour leur spectacle de clowns (ce n’est d’ailleurs pas ce qu’on leur demande) mais bien pour leur incroyable talent de musiciens. Ce soir encore, ça se confirme.
Ces 3 anglais, Sam "The Cardinal" Windett, Dorian "Dog" Hobday et Mark "Arp" Cleveland, maîtrisent parfaitement leur son blues très rock, à tel point qu’on les prendrait presque pour des ricains.
A l’arrière plan, Arp Cleveland artilleur, tape frénétiquement sur sa batterie les yeux révulsés l’air possédé, plus en avant Sam The Cardinal et sa barbe ZZ Top enchaîne les riffs surpuissants, Dog Hobday est aussi efficace que discret, et un 4ème larron venu filer un coup de 2 mains pour jouer de 2 saxophones à la fois (tant qu’à faire), envoûte la salle.
La performance est très puissante et immédiate, le public est tout aussi concentré. C’est à la limite de la perfection, à la limite car il n’y a aucune interaction avec le public, à peine quelques regards… nos anciens étudiants en art ne sont plus très loin de l’autisme.
Frustrant à la vue de l’ambiance plutôt bon enfant de cette soirée de festival.
Last but not least, les néo-zélandais de The Datsuns. A priori la tête d’affiche très attendue du festival.
Du rock primitif, autrement dit du hard rock pour la Maroquinerie ce soir. Et nom de nom, c’est fichtrement bon et bien fait. Quatre gamins, Dolf de Borst, Phil Buscke, Ben Cole (remplaçant de Matt Osment) et Christian Livingstone, envoyant du bois comme si leur vie était en jeu. Les répercussions sont immédiates dans la fosse.
Pogos d’anthologie pour tout le monde, tiens pour toi aussi la fille. Du chevelu à veste en jean écussonnée dans la salle, du guitariste coton-tige équipé de moule-burnes sur la scène, la vraie vie quoi. Au delà du look, la musique bien sûr.
Dolf fait cracher sa voix haute et éraillée, Phil balance des riffs électriques presque agressifs pour une efficacité maximale. Une énergie incroyable que les 4 kiwis sont allés puiser à la source : MC5, AC/DC, The Who, Led Zep. Les Datsuns sont des héritiers plus que crédibles du genre.
Certes, l’ambiance festive est légèrement plus ardente qu’au départ et ça ne séduit pas tout le monde, mais c’est la musique du diable qui envahit la salle ce soir. Et c’est bien connu, le diable n’a jamais fait l’unanimité. |