Texte et mise en scène d'Adel Hakim avec Chad Chenouga, Malik Faraoun et Louise Lemoine Torrès
Pier Paolo Pasolini, à travers l’exceptionnelle diversité des registres qu’il a investi (poésie, roman, cinéma, essais critiques et théoriques, interventions journalistiques) et dont la mort tragique, et non élucidée, lui a conféré une stature quasi mythologique d'artiste maudit, fut un intellectuel engagé, un marxiste hétérodoxe, un anticonformiste subversif, un mystique hédoniste qui n'a jamais pu être récupéré par la culture dominante.
Avec "Après Pasolini : politique-visions", Adel Hakim s'appuie sur son œuvre basée sur représentation de la réalité par la réalité, sa conception du théâtres et de l'art, son engagement en faveur des "damnés de la terre" que furent, et sont, le monde paysan, le sous-prolétariat des banlieues urbaines, dont il fut le seul intellectuel à dénoncer le scandale dans l'après guerre en Italie, et le tiers-monde pour explorer le sens et la finalité du théâtre qui doit demeurer un art subversif et s'ériger, encore et toujours, en art du questionnement.
Avec le personnage de Pier Angel Socrates, avatar gréco-andalou d'un Pasolini ressuscité à la manière christique pour être un passeur en éclairant un jeune cinéaste en quête de réalité qui deviendra peut être un fils spirituel, il explore notamment l'engagement de l'artiste qui se nourrit de la réalité mais aussi de son expérience directe c'est-à-dire de son implication personnelle en tant qu'homme dans les événements historiques et politiques de son siècle.
Ce spectacle s'inscrit dans le registre du théâtre expérimental qui réfléchit sur le sens et l'évolution du théâtre qui tout en pérennisant sa vocation de miroir, montrer l'homme à l'homme et susciter sa réflexion, doit être s'écarter du théâtre bourgeois, le pouvoir dominant ayant investi non seulement le monde mais également sa représentation, en bannissant toute mission civilisatrice pour devenir un théâtre de parole.
Si on ajoute à cela le travail en la forme du spectacle qui inclut notamment des images, avec un écran en fond de scène, et inclut des métaphores poétiques et oniriques, force est de constater qu'il s'agit d'un spectacle intelligent, fort, dense, ambitieux par les thèmes abordés …et salutaire.
Adel Hakim, auteur et metteur en scène de "Après Pasolini : politique-visions" dont un des enjeux est de "produire du discours et fonder la scène comme espace où s'affrontent les idées et, au delà, les idéologies", propose au public - averti - un travail remarquable avec la participation de comédiens totalement investis dans cette démarche Chad Chenouga, Louise Lemoine Torrès et Malik Faraoun.
Et il faut absolument saluer l'incarnation fascinante de Malik Faraoun dont la puissance d'interprétation est tout à fait saisissante. |