Sans la tête mais droit devant, fingers in the noise, les trois frenchy de Sincabeza ("sans-tête" en espagnol et sans espace) s’acharnent tout au long de leur nouvel album à combler le hiatus qui séparait encore le math-rock virtuose de Don Caballero des répétitions expérimenteuses du Fly Pan Am. Le plus étonnant ? Ils y arrivent en se montrant à la hauteur de ces deux augustes références. Oui, oui, les deux à la fois, ma bonne dame ! Résultat : ça cogne et ça étonne, détonne et bastonne, ça prend, reprend, surprend, retourne.
Avec une finesse sauvage, E. Camara, D. Loquier et P. Rey cassent la baraque, pour le plus grand plaisir des amateurs d’un rock instrumental et libertin - du genre de ceux qui n’hésitent pas à tremper guitare, basse et batterie dans toutes les antres moites et décriées par le bourgeois conservateur.
Avec son titre merveilleusement fly pan améen cet Edit sur passage avant fin ou montée d’instrument succède à l’heureusement nommé Our untitled first album (Nature humaine, 2005), dont il conserve le sens du trait d’esprit quelque peu distant. Traits d’esprits qui ne sont pas sans faire songer, la french touch en plus, aux titres d’un Rumah Sakit ou d’un Don Caballero. Qu’on en juge : "Sucre ma bête", "Dimanchemartin" et autres "Sirosports" ; sans oublier la troisième piste, opportunément titrée "04"…
Ce qui se lit sur la pochette s’entend surtout sur la galette : un brin de folie, une irrévérence créative. Que l’on se rassure néanmoins, le trio a le bon goût de ne jamais verser dans l’inécoutable, loin de là. Il réussit au contraire le petit tour de force d’un rock dopé et archivitaminé qui se refuse à toute facilité : facilité de la surenchère et de l’agressivité, facilité de la sempiternelle répétition des mêmes plans faussement provoc’... C’est en toute mélodie que Sincabeza sait dévergonder ses compositions, sans aucune autosuffisance pour ses propres formules -– avec, tout au contraire, un esprit resté jeune.
De la jeunesse, Sincabeza n’a d’ailleurs pas seulement la fougue et la folie, mais, souhaitons-le, l’avenir. Un avenir qui pourrait bien porter le trio au niveau des plus grands. Un des albums incontournables du premier trimestre 2007, haut la main. |