Aussi encensé que critiqué, depuis 40 ans, pour l'invention plastique et esthétique de chacun de ses spectacles, le dernier en date joué à Paris fin 2006, "Quartett" n'ayant pas failli à la règle, Robert Wilson, architecte, sculpteur, peintre, auteur, metteur en scène, décorateur, comédien, demeure une des références du théâtre avant-gardiste du 20ème siècle.
Son parcours artistique s'inscrit dans une démarche globalement analogue à celle d'Andy Warhol, qui ouvre La Factory en 1963, en ce qui concerne l'approche multidisciplinaire des arts avec la création de The Byrd Hoffman School en1968, puis du Watermill Center en 1992 fondés sur le principe de la liberté créatrice.
A l'issue d'une rencontre fortuite qui a débouché sur une réelle amitié, la réalisatrice Katharina Otto-Bernstein l'a suivi et filmé pendant plusieurs années pour simplement, dit-elle, faire un "film documentaire sur une vie bien remplie dont l'art fait partie".
Dès lors, il ne se présente pas comme un film sur l'art de Robert Wilson, mais le portrait d'un homme qui est un artiste et comporte peu de séquences sur sa manière de travailler avec les artistes.
Les brefs extraits de ses spectacles ne viennent qu'en contrepoint du propos résultant tant d'interviews de personnalités comme les musiciens David Byrne et Tom Waits, l’écrivain Susan Sontag ou la chanteuse Jessye Norman que d'entretiens avec Robert Wilson lui-même et des documents d'archives retraçant son itinéraire avec des images totalement "surréalistes" comme celle de Robert Wilson saluant sur scène en tenant par la main William Buroughs, le patriarche de la Beat generation avec qui il a collaboré pour "The black rider", ou des images de la performance "Ka mountain and guardenia terrace" qui se déroulait sur 7 jours consécutifs en Iran.
Par ailleurs, le film reste également très pudique sur la vie personnelle de Robert Wilson dont seule l'enfance est évoquée dans une vision fondatrice. Et cependant on perçoit nettement comment sa vie personnelle est très étroitement imbriquée avec sa vie professionnelle et ce, de manière prégnante, par ses rencontres avec des artistes comme le compositeur Philipp Glass ou des anonymes comme Raymond Andrews, l'adolescent noir sourd-muet, qui lui a inspiré "Le regard d'un sourd" son premier grand spectacle. Et sa vie professionnelle occupe tout le temps de cet homme hyperactif qui confie ne pas avoir le temps d'être amoureux sans en souffrir réellement.
En définitive, et paradoxalement au postulat de départ de Katharina Otto-Bernstein, c'est bien sur le plan de l'art que le film paraît être le plus révélateur.
Outre les points communs avec d'autres artistes de sa génération qui explorent le théâtre expérimental contemporain - la croyance en la vertu thérapeutique du théâtre et le travail de recherche sur la dissociation de l'art vivant de la littérature - une évidence s'impose : Robert Wilson pratique un art par essence abstrait dans lequel il insère des éléments humains et autobiographiques. Un art plastique dans lequel le geste et le mouvement supplante la parole.
Et c'est un plaisir de le voir danser sur scène ! |