Le trio Dirge est un peu notre Arab Strap local, c’est vrai. La même mélancolie lascive et presque poignante. La même conviction que tout va mal et qu’il n’y a rien de mieux pour écrire de bons titres qui accrochent là où çà fait mal.
Sur leur nouvel album récemment paru sur l’excellent label Another Record (Jullian Angel, Wedding Soundtrack, Dana Hilliot, Odran Trummel et all…), Dirge se réapproprie la tristesse pour s’engager sur des territoires connus mais pavés d’arrangements d’une classe ultime, d’une discrétion qui n’a d’égal que leur pertinence (les cuivres aériens et jazzy de "Summer single").
L’absence, le départ de l’être aimé et la profonde désespérance qu’il entraîne, sont au centre de cet ode à la disparition ("You’ve grown away from me") qui file une chair de poule d’enfer quand les paroles limpides et dénudées de toute métaphore pudique livrent un dialogue avec un fantôme insolent ("Bottles of memory") sur fond d’arpèges lancinants et violoncelle plaintif et classieux.
On se rebelle, on se remotive, on croit voir le fond du trou et puis la lumière revient et puis on se reprend une claque derrière l’oreille. On pensera ainsi à un soupçon de Mansfield TYA sur les nappes qui s’enchevêtrent dans un chassé-croisé ambitieux mais minimaliste.
Un géant qui marche à pas de loup dans une jungle dangereusement vide d’habitants et remplies d’âmes et de souvenirs (le troublant "Tourette"), écrasant du poids des années, du choc des volontés divergentes. Flux de négations, reflux de menaces.
Puis batterie effleurée par le balai qui nous débarrasse du superflu et de l’angoisse ("My north eye"). Le regard flotte dans le vide, la camera fait le point, les notes de guitare claire offrent un répit léger, a envie de s’évader vers les contrées d’Explosions in the Sky.
On est (déjà !!??) à la fin du disque et c’est dans le dénuement le plus total d’un clavier asthmatique (faisant penser à un Casiotone for the painflully alone) que, reposé mais à bout de souffle, l’on se dit que tout cela valait la peine. Déçu, trahi, Dirge prend la tristesse à bras le corps pour exorciser la lâcheté du délit de fuite.
Excellent. Vite la suite ! |