Comment rester subversif dans une société où tout, y compris la subversion, est transformé en produit ? La question posée en introduction de la biographie de Radiosofa vaut son pesant d’or. 2007. Année morose pour le rock français, marginal ou mainstream, sans équilibre, entre tête de gondole et bacs à soldes.
L’autre énigme est donc la suivante : Peut-on faire du rock en français et garder la tête haute ? Peut-on seulement l’espérer ? Y croire simplement.
Ce premier album de Radiosofa, jadis nommé sobrement Sofa, donne quelques éléments de réponses positives.
Car si faire le rock dans la langue des Naast ou de Christophe s’est toujours avéré être un chemin de croix, Radiosofa s’en tire avec les honneurs là où d’autres se font tirer dessus. Naïveté, incandescence de la jeunesse qui croit en son optimisme, guitares romantiques partant à l’assaut des châteaux espagnols, la musique de Radiosofa ferait presque oublier les mots français qui collent au palais pour libérer sa sève.
Car hélas c’est ainsi les refrains de ce premier album sont autant de tubes qui entêtent. Au milieu de toi, ses accords jouvenceaux en arpège, la batterie qui monte innocemment, son chant de jeune premier ayant sans doute lu Musset et la grande trame romantique.Tout prête ici au sourire, au pied qui danse sous la chaise. Car le disque est parfaitement produit. Un peu trop peut-être.
Et des refrains de la qualité de "Au milieu de toi", le groupe de Rouen semble en avoir plein sa boite à mediator. Car si les influences du groupe font dans un premier temps doucement rigoler (The Doors, Led Zeppelin, The Who, Deus, Black Rebel Motorcycle Club, ce genre..), l’auditeur ici présent se prend une claque sévèrement sincère sur "Tant de soleil", qui rappellera au trentenaire la beauté d’un Jeff Buckley, la guitare qui irradie les enceintes, la voix montante dans les aigus sans limite. Même rage, même envie, et sans doute mêmes influences.
Un groupe français peut donc encore aujourd’hui s’inscrire dans l’anti scène rock parisienne, compter dans ses pères spirituels Jim Morrison et Ray Davis, et le tout sans rougir. Même les singles commerciaux archi-produits (Rudy Coclet, faiseur du son d’Arno et Sharko entre autres) pénètrent le cortex sans lubrifiant. Surprenant. Plus surprenant est encore "Quelque part", perdu entre Roch Voisine et Noir Désir. Romantisme de bord de mer et poésie des guitares qui se noient dans le bleu des yeux d’Hélène.
Radiosofa, en bon paradoxe, enchaîne les titres rageurs ("Le parfait Devenu pire" et sa basse technoïde) et les ballades mid-tempos, au final les plus réussies car versant dans le mellow / spleen le plus inspiré ("Je reste", superbe dédicace à Buckley le fils) sur fond de guitare qui gratte dans le cou.
La France avait son chanteur solitaire Joseph d’Anvers, elle possède maintenant un groupe capable de marcher sur les terres de la médiatisation sans renier ses racines anglo-saxonnes. Capable même de finir son album sur le trip mystique indou style Ravi Shankar rencontre Bertrand Cantat.
Une réelle originalité et du sang froid, de la grâce et du français. Radiosofa peut marcher dans le quotas sans soucis. Cela lui portera bonheur. |