Le 2ème cours public d'interprétation dramatique du cycle "Les Printanières" des "Master Classes" de Jean-Laurent Cochet est placé sous le signe du "Rendez-vous sous la muse".
Entendez qu'il était consacré à Musset par référence à la statue "La muse et le poète" de Mercié inspirée par "Les nuits de Musset" et relatant le dialogue entre la Poésie, incarnée par la figure de la Muse, et le poète, créateur accablé par ses souffrances, aujourd'hui installée au Parc Monceau, qui avait été érigée à l'angle de la Comédie Française dont Jean-Laurent Cochet était pensionnaire.
Pour peindre en quelques mots Alfred de Musset, il cite Paul Guth, auteur d'une "Histoire de la littérature française" de référence qui écrit : Musset est "le page éternel, le poète maudit", "celui qui retrouve l'art si français de la conversation, ses irisations de sucre, ses volutes de coquillage" et qui recueillant dans un entrechat l'héritage de Marivaux, "ordonne l'embarquement pour Cythère du théâtre des fées".
Le cours commence avec le délicieux petit texte sur "Les tracas d'une anglaise en diligence" tout à fait inattendu de la part de Musset. Ensuite, les scènes étudiées s'inscrivent autour des déclinaisons du libertinage, thème cher à leur auteur.
Cela commence par le libertin blasé avec Octave dans "Les caprices de Marianne". Et là, fait rare, la scène se déroule sous l'œil admiratif de Jean-Laurent Cochet qui ne dit mot, sans une interruption, sans un conseil. Un commentaire : "C'était parfait ! Le travail qui efface jusqu'à la trace du travail." Presque au grand dam de la salle privée des analyses commentées et illustrées du maître.
Ensuite vient le libertin épicurien avec Perdican dans "On ne badine pas avec l'amour". L'entrée en scène "à la Béjart" du jeune élève-comédien lui donne l'occasion d'analyser le sens des scènes où un des personnages, est seul en scène dans l'attente muette de l'arrivée d'un autre personnage. Moment où, dit-il, "on est en face de soi et de Dieu", afin d'éviter absolument l'ennui du spectateur.
La soirée se déroule donc merveilleusement bien jusqu'à l'incident, hélas inexorable et récurrent, du téléphone portable qui sonne et qui, ce soir là a sonné successivement à trois reprises avant que son propriétaire ne prenne les mesures adéquates.
Jean-Laurent Cochet, au bord de l'explosion, se lève d'un bond et vitupère, incendiant vertement le fauteur de trouble, ce "gâcheur", avec un sens inné de la répartie bien sentie, caustique, circonstanciée et pleine d'humour, d'un instrument qui doit servir au secours des victimes en montagne et non à s'enquérir de la cuisson des concombres !
Il est si fortement fâché que l'on craint un moment une interruption du cours mais il s'est déjà ressaisi et enchaîne avec la célèbre scène dite "des pourquoi" extraite de "Il ne faut jurer de rien".
Avec la scène du rendez-vous de Cécile et Valentin, Jean-Laurent Cochet nous offre un grand plaisir et un beau moment de théâtre quand il se lève de sa chaise pour endosser le rôle de Cécile. Et c'est un régal. Car ainsi qu'il le professe, dans l'absolu peu importe le décor, peu importe le physique, l'âge, un bon comédien peut tout jouer.
Il en fait une éblouissante démonstration : Jean-Laurent Cochet est cette jeune ingénue malicieuse et babillarde et le spectateur ne s'y trompe pas. C'est un régal.
Le cours se terminera avec la surprise annoncée au début de ces deux heures de ravissement avec une délicieuse scène de la pièce "Sur mon beau navire" de Jean Sarment qualifié par Jean-Laurent Cochet de Musset du 20ème siècle.
Les élèves viennent saluer. Jean-Laurent Cochet partira sur la pointe des pieds. Inutile de nous rappeler le prochain rendez-vous du 19 mars consacré à Victor Hugo. Nous y serons ! |