L’actualité 2007 sera chargée pour les italiens de Port Royal : après un nouvel EP (Honved EP, paru chez les québécois de Chat blanc Records en mars), s’annonce un nouvel album : Afraid to dance (à paraître en mai, chez Resonant Records). L’occasion idéale de revenir sur le premier et unique album de la formation à ce jour : l’injustement méconnu Flares (Resonant Records, 2005).
Le disque propose un post-rock planant et langoureux, hybride de Mogwai et Flying Saucer Attack ou d’un Sigur Ros aphone, par la façon dont il utilise et superpose des nappes de guitares cristallines et étirées pour atteindre à l’extrême densité du vide - le vide lui-même, assourdissant. En première écoute, distraite, l’oreille affairée à d’autres histoires plus importantes - un livre à lire, une chemise à repriser - on ne croit alors entendre qu’un disque de post-rock supplémentaire, heureuse variation sur le thème de la musique d’atmosphère pour fin de soirées romantiques entre post-punks avant-gardistes ou lendemains de cuites masochistes.
Comme bien souvent, cette première impression se révèlera fausse pour qui prêtera l’oreille attentivement. C’est que le post-rock, s’il est un pseudo genre, est tout au moins un pseudo-genre exigent - qui exige, pour commencer, excusez du peu, qu’on lui consacre un minimum d’attention. Ceux qui s’empresseraient, avec une précipitation presque comique de déclarer que "le post-rock, c’est toujours pareil" (complétant éventuellement par un "c’est chiant" de bon aloi) ne sont-ils pas les mêmes, d’ailleurs, que ceux qui n’entendent derrière les pianisteries de Satie et Chopin, Schönberg et Beethoven que de la "musique classique", des classiques, justement, aux compositeurs contemporains… ?
Dans les 77 minutes de ses dix pistes et six titres ("Zobione" et "Flares", les deux plus longues pièces de l’album, étant toutes deux divisées en trois parties), Port Royal ne se contente pas d’appliquer la recette bien connue d’un rock mis sous apesanteur par un excès de delay et de reverb. Aux voix d’introduction (celle de "Jeka", le titre d’ouverture de l’album, ou celle de la première partie de "Zobione"), lointaines et englouties dans les réverbérations de l’étirement de mélodies diffuses, le quintet sait parfois préférer, d’une façon inattendue, un certain groove, quelque peu teinté de dance.
Fait de rythmes venus de boîtes, d’étirements électroniques de résonances, d’enjolivements synthétisés, l’apport de l’électronique à des compositions fondamentalement rock est en cela fondamental. Discret et sous-jacent dans "Spetsnaz - Paul Leni", n’ayant rien à envier aux danceries clubesques de l’électro-indus en ouverture de la troisième partie de "Zobione", sporadique sur "Karola Bloch", ce groove contribue largement à faire que les compositions de Port Royal, pour aériennes qu’elles sont, ne s’abîment jamais dans l’auto-contemplation introspective, souvent trop poseuse. Il permet l’exploration de pistes inédites où la légèreté n’est pas synonyme de minimalisme et où le vide peut se donner à entendre, avec foisonnement, dans toute sa densité.
C’est cette densité qu’explore avec succès Flares, album lumineux, dans lequel il faut se laisser glisser, se laisser happer, engloutir par les chatoiements innombrables ; jusqu’à se laisser hypnotiser par l’éclat du silence - le silence lui-même, plein les yeux. |