Sous le titre "Pagodes et dragons : exotisme et fantaisie dans l'Europe rococo au XVIIIème siècle" le musée Cernushi consacre une exposition à la période, qui de 1690 à 1770, a connu un engouement frénétique pour l'art chinois après la seconde vague exploratrice en Extrême Orient, celle des marchands et des Jésuites.
Elle propose une découverte chronologique des "chinoiseries" résultant d'une vision évolutive mais toujours fantasmée de la Chine, de l'empire du bizarre à l'empire de la sagesse.
Cet engouement tenant à l'exotisme attaché à tout pays lointain et renforcé par les récits des voyageurs enthousiastes qui comportaient des visions idylliques s'est traduit en premier lieu par le développement de collections d'art chinois sous forme de cabinets de curiosités.
Pour satisfaire à la demande, les artistes et artisans européens ont pratiqué l'art de la copie avant de se tourner vers l'appropriation inventive qui s'est manifestée dans deux domaines et a conduit à un renouvellement de la création artistique.
La découverte de nouvelles techniques
L'Europe découvre la laque et la porcelaine, qui n'ont pas d'équivalent en Occident, ainsi que des couleurs nouvelles.
Les vernisseurs tentent d'imiter la laque avec des techniques de peinture comme ces 4 panneaux de bois vernis illustrant les 4 éléments venant de l'Hôtel de Richelieu et les manufacturiers, qui ne connaissent que la faïence, en perfectionnent l'aspect puis inventent la porcelaine tendre et un nouveau bleu, le bleu céleste.
Ce nouveau matériau est amplement utilisé pour satisfaire à la vogue des petits objets décoratifs inspirés des statuettes d’Extrême-Orient aux couleurs vives et aux sujets amusants comme cet "Empereur de Chine".
Renouvellement de l'art décoratif
Avec l'étrangeté des costumes et l'iconographie extrême orientale riche en contes et légendes, en figures mythiques comme les dragons ou en animaux pittoresques comme le singe, la Chine, source d’inspiration, renouvelle la création artistique.
Si la vague "chinoise" contamine les peintres comme François Boucher avec ses toiles chinoises ("Le jardin chinois", "La danse chinoise") et Jean-Baptiste Pillement ("Chinoiserie"), elle est particulièrement sensible dans les arts décoratifs jusque là circonscrits par la tradition classique et l'Antiquité.
Ce renouvellement affecte tant les motifs que les compositions et les couleurs avec des figures disséminées et des paysages stylisés, la mode des fonds noirs et des chinois d'opérettes aux faciès plutôt européen.
Bibelots, objets décoratifs, meubles, tapisseries et peintures sont exposées dans une lumière tamisée qui sied aux couleurs luxuriantes des pièces présentées et une scénographie sobre de Philippe Pumain privilégiant les aux couleurs "chinoises, le bleu lapis des porcelaines des bleus poudrés de l’époque Kangxi, le rouge et le noir des laques, le vert du jade, et dont le point d'orgue est la dernière salle qui comporte des vitrines en formes de pagodes carrées qui se reflètent à l'infini dans un mur de glaces. |