Dixième édition du Festival Les Femmes S’en Mêlent, et une programmation anniversaire de premier plan, alternant le nouveau et les valeurs sûres.
Interview de Stéphane Amiel, directeur du festival LSFM, et retour sur un travail titanesque qui nécessite plusieurs mois de préparations.
Et si la journée de la Femme, la vraie, se jouait à la Maroquinerie, à l’Elysée Montmartre ou au Bataclan ?
Bon d’emblée on a envie de dire "belle programmation pour les dix ans des Femmes s’en mêlent"…. Frida Hyvonen, The Slits, Emilie Simon, CSS, Plastiscines, Electrelane, Terry Poison, Au revoir Simone….
Stéphane Amiel : Oui, j’en suis assez content, il y a des choses assez culotées… C’est bien.
Comment l’avez-vous abordé cette dixième édition, c’est forcément un peu symbolique, dix ans d’activités…. Une pression supplémentaire ?
Stéphane Amiel : Avec angoisse comme d’habitude ! (Rires). Plus de pressions car cette année nous avons trois grosses salles, et généralement nous n’en avons qu’une seule. Plus de risques financiers disons, mais toujours le même plaisir.
Dix ans c’est aussi le bilan des premières années. Que retiens tu des neuf dernières éditions ? Y a-t-il eu une édition plus marquante que les autres ?
Stéphane Amiel : 2001 a été l’année charnière, c’est une évidence. L’année où tout a recommencé, car en 2000 il n’y en avait pas eu. 2001 a permis de revenir en force et d’installer le festival dans le temps, Elysian Fields, Kim Gordon, Brigitte Fontaine, Drugstore, c’était une sacrée programmation.. Il n’y a pas pour cette édition 2007 une envie particulière de se dépasser, il y a tellement de facteurs qu’on ne contrôle pas. Je remarque simplement que l’édition 2007 est plus pêchue que l’année dernière par exemple. J’apprends de chaque édition c’est l’essentiel.
La croissance des Femmes S’en Mêlent cela explique aussi le passage à trois salles cette année ?
Stéphane Amiel : Non pas vraiment…J’ai surtout des artistes plus importantes cette année, qui permettent un remplissage plus important. Nous sommes aujourd’hui sur des salles entre 500 et 1000 personnes, avec CSS par exemple qui devrait faire sold-out.
Comme tu le disais en introduction, il y a des artistes en défrichages, comme Frida Hyvonen ou Haldfis Huld (l’ex-chanteuse de Gus Gus), c’est assez culotté non…Comparé à CSS…
Stéphane Amiel : C’est l’idée du festival, nous sommes un festival de ville, pas en plein air, ce qui permet de faire des choses qui plaisent à 100 personnes comme à 1000. Frida Hyvonen nous la programmons dans un auditorium avec une ambiance intimiste c’est très bien. Pour moi Frida est aussi importante que CSS par exemple.
Comment arrives tu à mixer le défrichage et les valeurs sure, en tant que promoteur ?
Stéphane Amiel : Parce que je fais ce que je veux ! (Rires) Il m’arrive également de me planter, des choses qui me font plaisir avec un goût du risque. Mais un risque limité. Frida par exemple joue dans une petite salle. L’idée est de proposer un plateau alternant les deux, le remplissage et la nouveauté. Tu vois par exemple Yelle, nous l’avons booké en nous disant que l’album sortirait en même temps, et puis j’apprends que c’est repoussé à septembre ! Du coup promotion zéro !
Du coup vous devenez totalement des défricheurs mécènes !
Stéphane Amiel : (Rires) Oui totalement ! Terry Poison est un peu pareil. Il y a vraiment des choses que j’ai envie de faire, comme The Slits par exemple. C’est incroyable que nous les ayons. C’était un challenge de les faire venir, il faut de la patience, du temps, des intermédiaires…. Faut tout prendre en charge, c’est un sacré travail. Ne serait-ce que les rencontrer, je suis impatient ! Frida également, Ebony Bones, que je n’ai jamais vu sur scène. Elles sont un peu dans l’esprit des Slits, c’est donc parfait comme programmation.
On parle des groupes que vous êtes contents de faire venir, et si on parlait des groupes que tu rêverais de voir sur le festival ?
Stéphane Amiel : (Il montre son T-Shirt) Siouxsie and the Banshees, forcément…. Et puis Stina Nordenstam, que j’essaye de faire tous les ans. Je persévère. On essaye d’être raisonnable, même si nous ne fixons aucune limite. Il n’y a aucun dogme, après certains groupes sont inaccessibles…
Une rumeur parlait de PJ Harvey pour les dix ans….
Stéphane Amiel : Oui, effectivement, je l’ai approché. On m’a un peu rigolé au nez… Je ne propose pas un Zénith ou un Bercy, comme Pj les remplit facilement. Même si je savais qu’elle faisait assez régulièrement des shows acoustiques. Mais pas en France. J’ai proposé qu’elle fasse une semaine de live. Mais en vain. Notre objectif n’est pas de proposer des concerts au Zénith, alors tant pis. Nous essayons de proposer une alternative, un contre-pied, c’est important.
Vous avez lancé "En attendant les femmes s’en mêlent" cette année. Pourquoi ? Envie de faire un teasing autour de la date ?
Stéphane Amiel : Il y a tellement d’artistes à présenter. C’était également une réaction à toutes ces soirées féminines qui se montent un partout. Et puis cela fait dix ans qu’on propose ce festival, c’est une autre manière de proposer en amont les artistes que nous proposons sur le festival. Cela permet de faire plus de choses, c’est quelque chose qui devrait rester. L’idée c’est de conserver cet esprit là, une fois par mois, ou tous les deux mois. Je voulais faire venir Maria Taylor, du coup je l’ai fait après avec Lisa Germano, la chanteuse de Metric…
Cela devient une activité à temps plein…
Stéphane Amiel : Oui exactement. Et puis en plus européen, avec Berlin qui devrait suivre le mouvement, Londres également… Au départ il y avait la Suisse et la Belgique. Et puis les choses avancent, il faut trouver les bons partenaires. Peut-être que nous lancerons prochainement l’édition à Montréal, cela devient un peu comme une franchise, encore que nous sommes les seuls, mais nous devons faire attention à ne pas trop occuper le devant de la scène.
Comment se passe le travail avec les artistes que vous avez dans votre catalogue, chez Imperial Prod, et ceux que vous allez chercher chez d’autres tourneurs ?
Stéphane Amiel : Ce n’est pas difficile. Par exemple Frida est chez nous, et on ne va pas attendre que les choses arrivent, on en profite. On serait bête de faire le travail pour les autres. Les Inrocks font pareil… Nous travaillons en direct avec nos artistes, et du coup cela peut-être plus simple. Mais je suis aussi souvent beaucoup plus content lorsqu’un autre tourneur veut travailler sur l’un de nos artistes. On signe un contrat, ils s’occupent de l’administratif. Ce qui est le plus dur c’est le travail de producteur en France, avec les taxes. J’adore lorsqu’on me propose des choses, je suis même triste lorsqu’on me propose rien ! (Rires).
Et l’idée d’un festival "Les hommes s’en mêlent", ça ne vous a pas tenté, pour rétablir la balance sexuelle ?
Stéphane Amiel : C’est le running gag tous les ans, beaucoup de gens me demande. Mais nous ne sommes pas un carnaval, nous essayons de garder une cohérence, une ligne artistique. Beaucoup d’artistes me disent "Viens on met une perruque on joue", mais ça ne m’intéresse pas. Par contre, Katerine a déjà joué, mais il chantait avec des femmes. Et puis il est tellement fou.. (Rires).
Pour finir, on voit beaucoup de groupes masculins dans la nouvelle scène parisienne. Y a-t-il un groupe de nanas qui te fait vibrer là ?
Stéphane Amiel : Ah bah Soko (www.myspace.com/thesokos), qu’on a déjà fait jouer avec Au Revoir Simone. C’est folk, c’est un garçon et une fille, et c’est très bon. Je miserai tout de suite sur ce groupe, c’est de l’anti-folk sensible. Je la ferai sûrement jouer avec Anna Teinheim le 31 mai. Tu seras terriblement gentille également, je ne sais pas où ça finira, mais aujourd’hui c’est très bon. Pravda est déjà installé, mais il y a à Paris toute une scène féminine qui s’est décomplexée, qui a du voir Peaches et se lâcher.
Enfin ! Plus les années avancent, et plus j’ai l’impression que les femmes explosent en tant qu’artistes. Guitares, lap-top, elles se mettent plus à la technique, c’est plus facile, et on sort du coté "acoustique à la guitare pour chansons triste" qui a longtemps été un carcan réducteur. Tout va bien. Tu prends Regina Spektor ou Frida Hyvonen, elles en imposent direct. Plein de tabous sont tombés, et c’est très bien comme ça ! |