Si le Grateful Dead devait se réincarner, il renaîtrait incontestablement sous la forme de The Earlies. En moins lysergique et plus électronique toutefois. En effet, la filiation entre la tribu anglo-américaine et les papes du rock psychédélique semble assez éloquente : nombre important de musiciens, diversité des influences, barbes poussant au même rythme que les bedaines …
Sorti en 2004 aux USA mais l’an dernier seulement en Europe, leur premier album, These Were The Earlies, n’avait pas manqué d’exciter les oreilles du fin amateur de pop-rock gentiment psychédélique. Début 2007 voyait débouler dans les bacs leur deuxième livraison : Enemy Chorus.
Pas de bouleversements majeurs à la première écoute, leur merveilleuse alchimie, alliant joyeusement instruments traditionnels et bidouillages electro vintage, fait toujours mouche. Toujours aussi riche, le son semble pourtant avoir fait l’objet d’un soin tout particulier. D’où cette impression de densité si caractéristique du krautrock ou de la musique progressive. "‘Pop psyché" disait-on pour définir les Earlies.
D’ailleurs, existe-t-il un terme plus galvaudé que "‘musique psychédélique" ? Extrait du petit Larousse : l’adjectif "‘psychédélique" désigne un élargissement de la conscience, sorte de rêve éveillé pouvant être provoqué par des substances hallucinogènes. Que l’on pourrait traduire musicalement par une approche s’éloignant des sentiers battus, des constructions, des schémas traditionnels.
On l’aura compris, le rock seul ne peut revendiquer l’appellation "‘psychédélique" mais force est de constater que communément, cet adjectif se réfère aux sonorités ou aux structures caractérisant les pionniers du genre. A savoir suivant diverses origines : folk (Moby Grape, Jefferson Airplane, Byrds …), blues (Yardbirds de la fin, Cream …), pop (Beatles, Beach Boys, Kinks …).
Depuis, le rock psychédélique a souvent été enterré mais s’est périodiquement vu remettre au goût du jour. Construit sur un kaléidoscope d’influences, Enemy Chorus des Earlies s’apparente à une ode au pop-rock psychédélique à travers les âges. Singles pop à la mode de Bombay comme Kula Shaker ou Cornershop en pondaient à la chaîne durant les années 90’s ("No Love In Your Heart" ou encore "Foundation and Earth").
Chœurs beachboysiens de l’époque bénie ("Burn The Liars"). Harmonies vocales directement héritées de "American Beauty" ("Enemy Chorus", "Broken Chair"). Synthèses inespérées des Stones Roses et Happy Mondays : "Bad Is As Bad Does" ou "Gone For The Most Part". Tout en respectant les larges canons de la pop : aucun titre de plus de six minutes, pas la moindre trace d’improvisation.
Dernier élément notable, la modestie, l’absence d’emphase caractérisant les compositions. L’absence de single ravageur aussi. Qui pourrait leur coûter un succès de masse.
Ainsi, les Earlies risquent de rester pour quelques temps encore, un des secrets les mieux gardés de la pop psyché. |