Jeudi
7 août
Premier jour sur place et déjà premiers concerts à l’occasion
de la soirée d’ouverture qui s’établit cette année
dans l’enceinte du festival en lieu et place du Vélodrome de Benicassim
qui l’avait vu débuter neuf ans auparavant.
Pas de grosses têtes d’affiche, mais l’occasion de découvrir
de nouveaux artistes comme les espagnols de Sunday Drivers.
Comme leur origine ne l’indique pas, ils s’adonnent à une
pop à l’anglaise sous forte influence Travis, Stereophonics (avant
tout pour le jeu de scène du chanteur) ou Ocean Color Scene n’ayant
sur ce concert rien à envier à ceux pré-cités, au
contraire. Histoire d’agrémenter sa prestation, le groupe se fend
d’une reprise de "The Weight" du Band : un seul conseil
pour ces conducteurs du dimanche, s’embarquer sur un rafiot et demander
l’asile musical chez nos voisins britons où ils seraient sans l’ombre
d’un doute reconnus à leur juste valeur.
De Calc subsistait ce semi-ratage de l’Olympia en première
partie de Supergrass, où les cinq bordelais, crispés par l’enjeu,
avaient délivré une prestation
sans grand relief. Visiblement beaucoup plus en jambes sous le soleil ibérique,
le groupe s’est montré assez efficace dans l’interprétation
d’extraits de ses trois albums illuminés de la superbe voix de
Julien Pras. Pourtant, le meilleur moment restera sans conteste la relecture
de "Starman" de David Bowie (millésime Ziggy 72),
repris en chœur par un public espagnol toujours très chanteur.
Le combo suivant, Deluxe, très excitant sur papier,
déçoit un peu, non par leur très efficace jeu de scène,
mais plutôt par l’utilisation pas forcément très heureuse
des claviers allant d’un orgue sixties (dans le meilleur des cas) à
des nappes de synthé à l’effet pas toujours très
judicieux. Reste néanmoins une prestation agréable, ponctuée
par une inattendue reprise de "Baba O’Riley" des Who
qui démontre une fois de plus, l’intérêt devant être
porté à la scène rock espagnole.
Malheureusement, la suite avec Budapest, sorte de clone des
infâmes Coldplay, s’avèrera pénible au possible, évoluant
entre du sous-Radiohead aux mélodies d’une faiblesse inouïe,
aux riffs mille fois entendus le temps d’une bien trop longue heure de
show.
Seule formation déjà bien établie, Pernice Brothers
donnera la meilleure prestation de cette soirée. En effet, en dépit
du parti pris rock gommant la finesse de certaines compositions, le groupe conclut
en beauté cette soirée d’ouverture, notamment grâce
à la voix de son leader Joe Pernice (ex-Scud Mountain Boys), lançant
en quelque sorte musicalement le festival.
Vendredi 8 août
La communauté de festivaliers entre enfin en effervescence ce vendredi
avec le lancement véritable de cette édition 2003. Une fois les
repères et la mesure pris de l’endroit – agrandi depuis l’an
passé –, il est temps de se diriger vers le Fiberfib.com pour les
premiers shows.
C’est devant une audience quasi nulle que débute Bondage,
formation espagnole armée de très efficaces guitares démontrant
que la nouvelle vague rock a également déferlé sur les
côtes ibériques. Pas originale pour deux sous et fortement influencée
par les années soixante, leur musique possède un côté
très instantané, immédiatement jouissif comme en témoigne
l’amoncellement de spectateurs devant la scène. Voici un festival
qui débute bien avec des surprises là où on ne les attend
pas forcément.
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Arrive le tour de la belle Beth Orton au
look sherilcrownesque avec bermuda et chapeau de cow-boy. Dorénavant
plus connue pour ses collaborations diverses (Ryan Adams, Beck ...) que
pour ses projets solo, son set, dont on pourra déplorer la brièveté,
mêlant titres de son dernier-né ("Daybreaker")
et chansons plus anciennes s’avèrera d’une bienfaisante
fraîcheur surtout grâce aux musiciens de qualité l’accompagnant.
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Les absents ont toujours tort, c’est bien connu, bienheureux sont donc
les veinards à avoir assisté au set de Daniel Johnston,
imposante figure mythique de la scène alternative américaine et
également parrain du mouvement antifolk new-yorkais. C’est guitare
sous le bras, arborant un no-look total (jogging gris informe et ignoble polo
orange moulant avec grâce son imposante brioche), qu’il se présente
au Fiberfib.com. Aucun débordement ne sera à mentionner tout au
long de ce show lo-lo fi – comme le soulignait Loopkin à Mains
d’Oeuvres –, composé de chansons époustouflantes dont
lui seul possède la science de l’interprétation : "Babyyyy
!! you make me crazyyyy !!!". Le spectacle est tout bonnement irréel : guitare sèche reprise
à l’aide de deux micros aboutissant à des conditions acoustiques
déplorables (à dix mètres de la scène, l’accompagnement
est à peine perceptible), des compositions incroyables massacrées
(dans la voix et surtout dans le jeu) tandis que notre homme lit les paroles
sur un cahier posé devant lui (il n’hésitera d’ailleurs
pas à stopper une chanson le temps de tourner la page). Après
une bonne demi-heure à la six-cordes, le temps est venu de passer au
piano (dont il joue à hauteur de la poitrine) pour des titres toujours
sublimes enjolivés de quelques soli pour finir (hum).
Il va de soi que devant un parterre pas forcément composé d’initiés,
Daniel Johnston n’a pas rallié à lui tous les suffrages,
mais qu’importe, certains ont eu cette vision : Daniel ‘God’
Johnston est un mythe vivant proche de la béatification.
Pour ce qui est de la suite, les Delgados (au quatuor original
s’est ajouté un quatuor à cordes ainsi qu’un clavier)
réaliseront le concert parfait dans la lignée de celui de la Boule
Noire en février dernier.
Evoluant entre passages mélancoliques et envolées lyriques, le
groupe interprète à la perfection, loin de son Ecosse natale,
la magique pop orchestrale de ses efforts studios. Porté tour à
tour par la voix de Alun Woodward et de la charmante Emma Bollock, le combo
gratifie de nombreux extraits de ses deux dernières livraisons ("The
Great Eastern" et "Hate") : "All You Need
Is Hate" ou "Coming In From The Cold" avant de
clore ces cinquante minutes de prestation par la plus belle chanson du monde,
à savoir "No Danger".
Vêtu de son traditionnel bonnet de laine vissé jusqu’au-dessus
des yeux (même durant la balance en plein cagnard), Badly Drawn
Boy se présente seul, des guitares et un clavier disposés
autour de lui, contrairement aux Festins d’Aden où il évoluait
en groupe. Histoire de se mettre le public dans la poche, il s’attaque
d’emblée au "I Want You Back" des Jackson 5.
Exercice difficile et risqué que celui de la prestation solo car l’artiste
s’y rend vulnérable mais Damon Gough (aka BDB), connaît son
sujet – il est vrai que sa maîtrise de l’instrument joue en
sa faveur- , commençant un morceau par-ci, le finissant quelques minutes
plus tard, après en avoir joué un autre.
Côté répertoire, il pioche un peu dans tous ses disques,
joue "Something To Talk About" extraite du film "About
A Boy", tape une reprise de "Let The Sunshine In", dévoile
quelques inédits, appelle son tour manager pour l’accompagner au
clavier et termine son set par sa plus belle chanson, "Once Around
The Block", tirée de "The Round Of Bewilderbeast",
son premier effort avant de quitter la scène le sourire aux lèvres,
comme le public d’ailleurs …
Sans bouger le moindre orteil, l’occasion se présente ensuite de
voir Echo & The Bunnymen. Pas d’attente particulière,
juste l’occasion de découvrir
un vieux dinosaure qui a connu son heure de gloire dans les années 80.
Musicalement, la surprise est plutôt bonne, les tubes attendus ("The
Cutter" et "The Killing Moon") sont joués
mais la jeu de scène et l’attitude du chanteur Ian McCulloch finiront
par noircir le tableau. Possédant un ego qualifié en euphémisme
de démesuré, il passe le plus clair de son temps à se plaindre
de l’intensité des projecteurs braqués sur lui afin qu'elle
soit diminuée. Personnage assez incommodant mais sympathique prestation
tout de même …
Qu’attendre d’une prestation de Placebo en 2003
après deux albums studio inégaux et décevants au possible
comparés à leur incroyable premier disque éponyme et surtout
à "Without You I’m Nothing" de 1998 ? L’ombre du
concert de Muse de l’an passé plane en ce vendredi soir, mais fort
heureusement l’issue sera toute autre.
En effet, après un court instrumental introductif, Brian Molko et ses
compères sortent d’emblée le grand jeu avec "Allergic"
(leur titre le plus performant) et le désormais classique "Every
You, Every Me". L’efficacité dont le groupe fait preuve
dans l’interprétation est tout bonnement surprenante : Brian Molko,
telle une puce derrière son micro, Stefan Olsdal, assurant le spectacle
en plus de la consistance du son Placebo et Steve Hewitt bourrinant derrière
ses fûts. Un best of des deux derniers albums, étrangement très
efficace, constituera le reste du set : "Taste In Men", "Slave
To The Wage", "Special K", "Black Eyed"
de "Black Market Music" ainsi que "This Picture"
et "The Bitter End", leur dernier simple de "Sleeping
With Ghosts ".
Une relecture de "Pure Morning" conclura en beauté
cette prestation d’une redoutable efficacité dont personne ne les
croyait encore capable. Un premier semblant d’explication pourrait être
la vitalité insufflée à certains titres dont les versions
studios manquaient cruellement ou bien encore ce son si caractéristique
qui trouve toute son ampleur sur les planches, comme lors de leur passage au
Zenith en mars 2001.
1h30, c’est sans la moindre minute de retard que les anglais de Blur,
accompagnés par trois choristes, pénètrent sur la grande
scène verte de Benicassim : arborant lunettes noires ainsi qu’un
t-shirt estampillé ‘Peace’, Damon Albarn cristallise, dès
son entrée, l’attention des spectateurs – près de
la scène, l’hystérie collective étant proche–.
L’entame du concert est la copie carbone de celui du Bataclan en mai :
une mise en jambe avec "Ambulance", du bien consistant avec
"Beetlebum" suivi de l’hymne de toute une génération
"Girls And Boys" sur lequel Damon se débarrasse prématurément
de ses binocles teintées.
Après "Gene By Gene", il semble évident que
Blur se présente en 2003 sous la forme d’un hydre à deux
têtes : une machine de scène connaissant ses classiques sur le
bout des doigts et une autre menée par un charismatique Mr Albarn à
la guitare, faisant la part belle à son backing band pour jouer les chansons
souvent magnifiques de "Thinktank". Après avoir copieusement
arrosé les premiers rangs à l’aide d’une bouteille
d’eau, Damon annonce une vieillerie, à savoir "For Tomorrow"
extraite de "Modern Life Is Rubbish", leur meilleur disque sorti voilà
dix ans, rien à redire, le public nage en plein bonheur.
Un peu plus loin, les premières notes de "Tender"
sont accueillies par quelques sifflets bientôt étouffés
par les hurlements des midinettes en pâmoison vexées d’un
tel sacrilège envers leur hymne absolu : même si souvent décrié,
force est de reconnaître que le groupe assume sa discographie.
La suite du show fera la part belle à leur dernière livraison
pour une interprétation consécutive de ses trois meilleurs extraits
: "Caravan", "Out Of Time" et
surtout "Crazy Beats " réalisant la transition parfaite
avec "Song 2". Les deux minutes de ce single de 1997 resteront
probablement comme les plus marquantes de ce festival : Alex debout sur son
ampli, Simon Tong sortant de sa torpeur habituelle, Damon en contrebas de la
scène - se faisant par la même occasion arracher son bracelet dans
un larsen déchirant - face à un public, illuminé par les
projecteurs, pogotant à 40 000.
Surprenante est l’interprétation, tout comme à Paris, de
"Trimm Trabb" extrait de "13" avant les grands
classiques que sont "The Universal" et "To The End".
Après un tonnerre d’applaudissements de plusieurs minutes, le groupe
revient clore le set en beauté en interprétant deux titres du
dernier album "On The Way To The Club" et "We’ve
Got A File On You" avec son final ravagé qui voit Dave Rowntree
balancer les toms de sa batterie au milieu de la scène.
Avec 75 minutes d’une prestation quasi-parfaite alternant régulièrement
classiques et extraits de "Thinktank", Blur démontre, s’il
était encore nécessaire, que le temps ne semble avoir aucune influence.
Peut-être la météo est elle plus clémente et l’air
moins pollué à Londres ou au Mali qu’à Manchester
?? Le mystère reste entier …
Setlist : Ambulance / Beetlebum / Girls and boys / Gene by gene / For tomorrow
/ Good song / Tender / Caravan / Out of time / Crazy beats / Song 2 / Trimm
trabb / Battery in your leg / The universal / To the end --- On the way to the
club / We’ve got a file on you
Il convient de remercier les organisateurs d’avoir programmé
Beth Gibbons en fin de soirée, histoire de terminer
en douceur une journée aussi dense. En aparté de Portishead, la
dame vient présenter son projet solo (enfin presque étant donné
que l’ex-Talk Talk Paul Webb (aka Rustin’ Man) a cosigné
le disque). Même si le répertoire diffère notablement de
celui du groupe de Bristol, la voix de la chanteuse, d’un statisme impressionnant,
arc-boutée sur son micro plane toujours loin haut au-dessus ("Mysteries"
ou "Show"). Superbe réussite à attribuer également
aux vieux briscards l’accompagnant ainsi qu’aux éclairages
parfaitement dans l’ambiance.
Samedi 9 août
Même si sur le papier, cette deuxième journée apparaît
comme la moins attractive des trois, la qualité de la programmation sur
les scènes secondaires fait qu’au final, elle s’avèrera
d’un niveau similaire.
La première bonne surprise de la journée s’appelle
Camera Obscura, combo écossais proche de Belle & Sebastian
(dont Stuart Murdoch a d’ailleurs produit le dernier album). Du mythique
groupe de Glasgow, Camera Obscura garde un penchant appuyé pour les mélodies
tuantes mais avec un parti pris nettement plus rock très agréable
en cette fin d’après-midi. Après "Biggest Blues Hi-Fi
", un nouveau disque, dont de nombreux extraits furent joués en
milieu de set, s’apprête à sortir.
A suivre dans les bacs …
L’ambiance retombe ensuite avec la performance de Tahiti 80.
Malgré quelques titres sympathiques relativement ensoleillés ("Heartbreak
" notamment), la pop de nos quatre français s’avère
à la longue un brin ennuyeuse voire quelque peu pompeuse. Un concert
déclenchant le trémoussement des demoiselles mais qui nous a malheureusement
laissé de marbre … les goûts et les couleurs …
Alors que le mouvement semble s’essouffler, quel bilan tirer de la "New
Wave Of Rock’n Roll" deux ans après la sortie de "Is
This It ?" ? Probablement le même que sur la Britpop en 1996 ou sur
le grunge en 1992 : l’apogée est passée mais de bonnes surprises
peuvent encore se produire sachant que seules les premières formations
apparues semblent pouvoir (bien) résister aux outrages du temps. Initiateurs
(involontaires ?) du mouvement, les Strokes se devront de tracer la ligne à
suivre avec la parution de leur deuxième album le 21 octobre.
Et les Raveonnettes dans tout ça ? Ils assurent sévère,
c’est incontestable, pas de tromperie sur la marchandise. Originaires
du Danemark, ils démontrent une fois de plus l’excellente santé
de la scène rock scandinave (Hives, International Noise Conspiracy, Flaming
Sideburn …). Il est de bon ton d’associer au duo composé
de Sharin Foo (physiquement un mix entre Hotel des Kills et Nicolas Zinner des
Yeah Yeah Yeahs) et Sune Rose Wagner (Debbie Harry jeune) celui des Cramps (Lux
Interior et Poison Ivy), ce qui est somme toute assez limitatif, une certaine
imagerie plus années 80 (Jesus And The Mary Chain au hasard) se dégageant
également, tout comme l’influence de certains pionniers du rock
("Everyday" de Buddy Holly sera d’ailleurs reprise en ouverture
du show).
Pour le reste, le groupe se présente sous la forme d’un combo rock
classique (deux guitares - basse - batterie) où le duo tient les vocaux.
Même si d’une redoutable efficacité, leur répertoire
manque cruellement d’épaisseur, de nombreuses similitudes existant
entre les titres au point qu’il sera impossible de dire tel ou tel titre
n’a pas été joué plusieurs fois. Après un
show excellent mais émaillé de nombreux problèmes techniques,
le quatuor danois offre un long final ravagé, incluant un simulacre de
cassage du matériel : ces jeunes n’ont décidément
pas l’audace des Pete Townshend et consort … ni peut-être
le compte en banque il est vrai …
L’occasion d’applaudir Donovan, troubadour mythique des 60’s
dont l’influence ne cesse de se faire ressentir, prend le pas sur la prestation
des prometteurs gamins de The Coral (qui joueront aux Inrocks
en novembre, tout comme les Raveonnettes d’ailleurs). Donovan Leitch n’est
malheureusement pas venu tout seul mais avec un backing band dont il dirige,
comme un petit tyran, les ultimes réglages avant le début du show.
Même avec des arrangements pas toujours à la hauteur des versions
originales, il serait dommage de bouder son plaisir de voir interprétés
par leur créateur les mythiques "Sunshine Superman",
"Hurdy Gurdy Man", "Lanela" ou encore
"Catch The Wind".
Notre homme, pas encore totalement sclérosé, profite même
d’une telle opportunité pour glisser quelques nouveaux morceaux
avant l’incroyable final : "Mellow Yellow" et le magistral
"Season Of The Witch" dont Mike Bloomfield et Al Kooper avait
déjà enregistré une phénoménale version dès
1968.
Comme de bien entendu et dans la plus pure tradition sixties, Donovan présente
tour à tour ses musiciens, chacun y allant d’un court solo. Après
avoir remercié son monde, il s’éclipse pour revenir achever
le travail avec "Atlantis", interrompue puis recommencée
pour cause d’accordage défaillant. Prestation gagnant en groove
ce qu’elle perd visuellement ou au niveau des arrangements : 7/10.
Pour cause de Death In Vegas blindé (l’organisation reproduit l’erreur
de Belle & Sebastian en 2001) au Fiberfib.com, force est de se rapatrier
sur la grande scène pour applaudir les gentils écossais de Travis.
Pas grand chose à attendre sur le papier, mais au final la mayonnaise
prend presque entre interprétations de leur nouvel album à paraître
et leurs précédents succès : "Sing",
"Writing To Reach You" et surtout l’incroyable "Why
Does It Always Rain On Me ?", avant lequel le chanteur avait judicieusement
mentionné qu’il pleuvait visiblement moins à Benicassim
qu’en Angleterre (!). Surprenant est également le jeu de scène
du groupe tout en bonds de kangourous, un brin forcé et surtout en décalage
avec la musique (comme si les Hives interprétaient Simon & Garfunkel).
Il va de soi que dans pareilles circonstances, le naturel revient au galop plus
souvent qu’à son tour illustré notamment par les déclarations
nunuches d’entre morceaux du chanteur (qui ne se limite malheureusement
pas à des considérations météorologiques) du genre
‘la guerre c’est pas bien’ ou dans le même style ‘nous
vivons vraiment dans un monde de merde’. A vouloir essayer de s’extirper
de leur cocon ‘pop anglaise inoffensive et bien polie’, les Travis
perdent toute crédibilité (pour les raisons sus-citées)
et frisent le ridicule. Dommage car la bonne surprise de ce concert était
musicale …
Après avoir trimbalé sur les routes d’Europe un show solo
acoustique frisant la prosternation (certains ne se sont toujours pas remis
de son passage au Grand Rex en avril dernier), Beck reprenait
cet été la tournée promotionnelle de son dernier-né,
le sous-estimé et trop souvent décrié "Sea Change".
C’est donc cette fois-ci accompagné de son groupe que le petit-fils
de Al Hansen prend la scène verte d’assaut pour se lancer dans
"Mixed Buziness" tiré de "Midnite Vultures".
Complètement survolté (de même que son guitariste), les
piles chargées à bloc, il bondit, exécutant avec une folle
dextérité des pas de danse directement hérités de
James Brown ou Bo Diddley.
Première partie de concert interprétée façon funk
: "Get Real Paid" ainsi que "The New Pollution",
"Novocane" ou encore "Nicotine & Gravy".
Visiblement en manque de communion avec le public (relativement frileux malgré
la canicule), Beck s’inquiète à deux reprises devant le
peu d’enthousiasme du bon déroulement des opérations. Après
deux titres de "Sea Change" et la sublime "Nobody’s
Fault But My Own" exécutée seul à l’orgue,
le californien effectue un magistral retour au source avec le tiercé
gagnant : "Loser" (seul titre qui déclenchera une
longue ovation), "Hotwax" et "Beercan"
avant de proposer un invraisemblable medley d’où l’on semble
distinguer Tatu ... Autre sommet avec la chanson suivante, extraite de son chef
d’œuvre de 1996, "Odelay", "Where It’s At".
Il faudra patienter quelques minutes pour que les musiciens ne réapparaissent
vêtus de blanches combinaisons de pompiers phosphorescentes pour délivrer
une décoiffante version de "Devil’s Haircut"
qui voit la scène se transformer en une piste de cirque d’où
seul Beck subsiste, triturant un clavier en se roulant par terre. C’est
alors qu’il se relève et quitte la scène comme un voleur,
sans un remerciement ni un regard pour le public, accentuant par la même
cette impression de malaise précédemment ressenti. C’est
effectivement animé d’un sentiment de déception relative
que l’on rentre se coucher sans voir JJ72, mais il faut avouer que rétrospectivement,
cette performance apparaît comme tout à fait réussie : verdict
définitif cependant le 23 août à Reading.
Setlist : Mixed bizness / The new pollution / Novocane / Minus / Get real paid
/ Nicotine and gravy / The golden age / Lonesome Tears / Lost cause / Nobody’s
fault but my own / Loser / Hotwax / Beercan / Rock your body (Justin Timberland)
/ Crazy in love (Beyonce) / Hot in herre (Nelly) / Erotic city (Prince) / Where
it’s at --- Devil’s haircut
Dimanche 10 août
Que les bons moments passent vite … le festival touche déjà
à sa fin, et comme l’an passé, cette dernière soirée
sera des plus épuisantes vue la tapée de groupes passionnants
prévus à l’affiche.
La kyrielle de français présents cette année à
Benicassim (assurément plus de 5000) prouve leur chauvinisme aigu en
répondant présents à l’appel de Katerine
au Fiberfib.com. Loin de la musique minimaliste de ses débuts et visiblement
pas trop imbibé ce soir, Philippe Katerine et son groupe (guitare –
basse – batterie – clavier) proposent une relecture très
easy listening dans l’esprit de son répertoire, comme si Bertrand
Burgalat se chargeait de l’interpréter. Le moment le plus drôle
restera, comme il était hautement prévisible, son exécution
de "Je Vous Emmerde", featuring les messages ‘bien
chargés’ éructés par son magnétophone portatif.
Les occasions de voir sur scène Black Box Recorder n’étant
pas légions, une telle opportunité ne devait être manquée
sous aucun prétexte. Rappelant parfois Garbage pour le concept et formé
de Sarah Nixey au chant autour de Luke Haines (The Auteurs) et John Moore (The
Jesus And Mary Chain) tous de blanc vêtus, Black Box Recorder vient de
sortir "Passionaia" un des disques les plus passionnants de cette
année, dont l’auditoire mériterait de s’agrandir.
Emaillé d’une multitude de petits pépins techniques, leur
set peinera à démarrer avant que leur classieuse pop sophistiquée
ne trouve sa vitesse de croisière. Pléthore de concerts cette année pour Joey Burns et John Convertino
avec Calexico, qui après une tournée en Europe
et aux USA ce printemps, trimbalent leur musique aux influences cosmopolites
aux quatre coins des festivals estivaux. Se présentant dans la même
configuration qu’à l’Olympia en avril dernier, le combo commence
par un medley de deux titres extraits du fantastique "The Black Light"
datant de 1998 ("Frontera" et "Trigger").
Même si majoritairement porté sur les chansons de "Feast Of
Fire", leur dernière livraison ("Across The Wire",
"Not Even Stevie Nicks" ou "Black Heart"),
Calexico n’oublie pas pour autant ses pépites passées :"Stray"
et "Minas de Cobre ".
Cette fin d’après-midi à Benicassim offre des conditions
ainsi qu’un cadre proches de la perfection pour cette musique truffées
d’influences mexicanisantes, toutes trompettes et mariachis en avant.
Comme à son habitude, le groupe joue "Alone Again Or"
de Love, composition hors du commun et hors du temps, probablement la mieux
accueillie de la setlist, que Calexico a réellement su la faire sienne
(cf. le final remodelé). Même si on peut déplorer l’impasse
réalisée sur leur deuxième opus ("Hot Rail"),
ce concert restera sans conteste comme le meilleur de ce dimanche. Setlist : Frontera/Trigger / Across the wire / Quattro / Jesus & tequila
/ Stray / Minas de cobre / Woven birds / Not even stevie nicks / Alone again
or / Black heart / Crystal frontier / Güero canelo
Vient ensuite le moment de se diriger vers la grande scène pour applaudir
Hoggboy, emballant combo sheffieldien – sous l’aile
de Richard Hawley – récemment aperçu au Café de la
Danse en première partie des mythiques Seeds de Sky Saxon ou au Nouveau
Casino en début d’année.
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Pantalons serrés, bousons de cuir – ce qui par
ce temps relève soit de l’exploit, soit du masochisme –
ces jeunes mauvais garçons, possédant la putain d’attitude,
s’avèrent très efficace dans l’interprétation
des titres de leur album "Or 8 ?" : mentions spéciales
à "Upside Down" et "Don’t Get Lost".
Ils n’apportent évidemment rien à l’édifice
rock’n rollien mais leur synthèse de l’histoire (disons
du post-punk sous influence sixties) mérite l’attention. |
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Changement radical de climat avec les islandais de Mum au
FIB Club. En effet, le climat sombre, nébuleux, voire un peu torturé
a du mal à prendre compte tenu des conditions climatiques mais après
quelques titres tout s’arrange. Même si proche de celle de leurs
compatriotes de Sigur Ros, la musique de Mum comporte une touche électronique
établissant un lien invisible entre post rock et musique électronique.
Décidément quel drôle de pays que l’Islande …
Déjà présents l’an dernier sur la grande scène,
la prestation des Super Furry Animals restait comme une des
plus déjantées vues avec celle du Beta Band. A l’occasion
de leur sixième album "Phantom Power", nos cinq gallois frappent
plus fort encore. Musicalement d’abord, incluant passages electro voire
techno dans leur noisy pop - psyché. Visuellement ensuite avec une première
pause au milieu du set qui voit le groupe s’éclipser pour laisser
la place à deux yetis venant s’acharner sur des tambours disposés
de chaque côté de la scène. Bien peu de choses comparé
au final délirant qui voit cette fois les cinq musiciens revenir dans
le même apparat pour un titre bruitiste et brutal : peut-être l’image
du FIB 2003 ? en tout cas au moins deuxième après "Song 2
" !
Abonné
au festival de Benicassim et pour la quatrième fois présent à
l’affiche, Suede restait sur une décevante apparition
karaoké l’an passé sur le début de la tournée
de "A New Morning", leur dernier-né. Après une année
passée sur la route, le groupe revenait au meilleur de sa forme pour
dispenser une prestation d’un tout autre niveau. Commencé tambour
battant avec "So Young" en deuxième position, le show
atteint sa vitesse de croisière quelques titres plus tard (époustouflant
"She’s In Fashion") avant de voir l’intensité
retomber quelque peu au profit d’interprétation de chansons récentes
ou inédite ("Attitude").
L’orientation ouvertement très rock choisie (avec deux guitares)
permet de défricher efficacement les tubes à la machette, confectionnant
un appui
sur lequel Brett Anderson peut asseoir son show. Et une chose est sûre,
il ne se ménage pas, parcourant sans cesse la scène de long en
large, sautillant sur place, un pied posé sur l’ampli de retour,
descendant vers le public chanter les refrains.
Après une grosse demi-heure de show, le groupe entame l’ascension
finale, sortant du même coup l’artillerie lourde "Everything
Will Flow", "Can’t Get Enough", "Trash"
et "Beautiful Ones", leur grand classique dont les ‘la
la lala la la’ se poursuivront jusqu’au retour des londoniens….
Fatalement, le rappel sera d’un niveau inférieur avec un petit
inédit ("Love The Way You Love It") et "Saturday
Night" pour finir. Malgré le creux d’intensité
du milieu du set, tout est bien qui finit bien : une seule petite heure aura
suffit pour se réconcilier avec Brett Anderson et ses acolytes.
Setlist : Europe is our playground / So young / Animal nitrate / Filmstar /
Lost in TV / She’s in fashion / The drowners / Metal Mickey / Obsessions
/ Attitude / Everything will flow / Can’t get enough / Trash / Beautiful
ones --- Love the way you love it / Saturday night
Superstar ayant fait des musiques de pub son créneau de prédilection,
Moby hérite de la lourde tâche d’assurer
la clôture de cette édition 2003 de Benicassim mais surtout de
jouer une heure avant les 2 Many DJs. A bien y réfléchir, il est
vrai que l’anglais s’est forgé en quelques années
un répertoire tubuesque devant lui permettre d’assurer une prestation
de qualité. Et effectivement, nombreux furent les hits resservis depuis
bien-sûr "Natural blues " et "We Are All Made
Of Stars" en passant par "Find My Baby", "Why
Does My Heart Feel So Bad", "Porcelain ", "Honey"
ou encore "In This World", "Extreme Days", "Southside",
"Sunday" sans même parler de la reprise de "I
Wanna Be Your Dog" des Stooges.
Même si son show demeure assez jubilatoire, Moby n’est guère
impressionnant (déjà par sa taille quoique son espagnol soit très
correct) mais s’amuse beaucoup alternant grattage de guitare, percussions,
scratchage de platine ou encore arpentage de scène. Dans ces conditions
la véritable vedette du concert est son backing band, notamment la chanteuse
délivrant une performance de premier ordre sur "Why Does My
Heart Feel So Bad". Pas de quoi crier au génie, mais ce fut
somme toute assez agréable …
Et voilà c’en est fini pour ce FIB 2003 (et accessoirement pour
cette chronique), rendez-vous est pris début août 2004 à
80km au nord de Valence, avec une programmation d’un niveau similaire.
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