Avec un nouvel album Gazoline, tout juste sorti, les No One Is Innocent sont de retour ! L’occasion pour nous de rencontrer Kemar et François !
Le rendez vous est donné dans un p’tit bistro à deux pas de Châtelet et des Halles…
Pour commencer, félicitation pour l’album…
Kemar : Merci beaucoup !
Pourrais-tu commencer par nous présenter ton parcours musical depuis le début des No One…
Kemar : eh bien, début de No One en 94 ou plutôt 93. Je commence, chez moi, à gratter et à faire les premières compos. Le groupe se forme parce que je balance des petites annonces chez mes potes à Pigalle. Ca se passe vraiment hyper simplement. Le groupe se forme, ça va assez vite ; dans le sens où on commence vite à répéter. On a la chance à un moment d’avoir quatre jours de studio gratos. C’est la première maquette du groupe. On commence direct à tourner et à faire des p’tits concerts et voilà, c’est parti !
Après, tout est parti de la scène…
Kemar : Ouais, avant de faire le premier album, y’avait déjà 70 dates au compteur. Et puis, s’ensuit le premier album et une grosse tournée…
Après, il y a eu "Utopia"…
Kemar : Ouais, on part aux Etats Unis pour faire ça. Grosse tournée, on part en Europe, en Amérique du Sud, on fait 3 spots aux USA. Voilà, on voit plus de choses que sur la 1ère tournée qui était restée très francophone. S’en suit une fatigue et humainement, ça va plus très bien.
Artistiquement, moi, j’suis plus trop en phase avec les gars par rapport à la suite… et plutôt que de faire un mauvais album, moi j’ai dis "J’arrête". Malgré qu’on soit assis sur une notoriété plutôt pas mal, j’ai pas envie de faire un album pourri avec ce groupe…
Tu as quand même continué à faire de la musique…
Kemar : J’ai continué à faire de la musique… j’ai la chance d’avoir des gens autour de moi ; des amis, qui m’ont encouragé à faire un album solo. Je l’ai fait et c’est bien parce que ça m’a permis de faire sortir d’autres choses qui me plaisaient en tout cas en musique, notamment, se rapprocher de gens comme Tricky, comme Gainsbourg…
Ne pas rester dans le même truc
Kemar : Ouais, surtout pas rester dans le même créneau ! Il y a eu quelques dates avec cet album qui reste un succès très confidentiel. Après, je rencontre K.mille avec qui on va pas mal bosser "Révolution.com", François (Shanka) arrive à ce moment là et c’est reparti…C’est vraiment K.mille qui me fait comprendre qu’on est peut être en train de faire le 3ème album de No One. A l’origine, c’est pas que je voulais pas… c’est qu’on s’amuse pendant 3 mois à faire un espèce de juke-box et à comprendre qu’on est vraiment fait pour faire de la zik ensemble et puis à un moment donné, il me dit "Ce serait bien qu’on commence à faire des morceaux", parce qu’il sait que j’ai des textes un peu énervés, tu vois.
Au fur à mesure, on se rend compte qu’il y a un pont… Y’a des morceaux comme "Révolution.com" et "US Festival" qui arrivent tout de suite et voilà, c’est les chansons qui amènent le truc.
Après, arrive un an et demi de tournée mortelle… On a déjà commencé la tournée de Gazoline et au bout de deux dates, y’a déjà un haut niveau de rigolade mais "Révolution.com", via le live et le DVD qu’on a sorti, c’est vraiment le témoignage d’un moment …
As-tu de meilleurs souvenirs avec le nouveau groupe qu’avec l’ancien ?
Kemar : Ouais ! J’ai passé des bons moments, tu vois, avec l’ancien groupe. Mais maintenant, humainement, y’a une espèce de complicité totale et même avec tous les gens qui nous entourent. Et là, contrairement aux autres albums, deux mois après la fin de la tournée, François nous dit qu’il faut y aller et on commence à sortir les premiers riffs pour le nouvel album. On se met direct au taf’ et on fait l’album en un an, pratiquement jour pour jour (début des compos / fin mastering).
François, alias Shanka vient nous rejoindre pour l’interview…
L’album "Gazoline" est sorti… Comment s’est déroulé l’enregistrement ? Où l’avez-vous enregistré?
Kemar : Juste en face !!! (un studio dans le quartier Châtelet / Les Halles)
François : on a enregistré en face, on a enregistré chez K.mille qui a un petit studio aussi. Après, on a fait des prises aux Studios Ferber pendant une semaine.
Avant d’entrer en studio, vous aviez déjà composé tous les titres ou ça s’est fait au fur et à mesure ?
Kemar : Quand on est arrivés à Ferber, on avait tous les morceaux. D’ailleurs, on a retardé la date de Ferber à un moment parce qu’on était pas prêts.
C’est toi qui écrit et qui compose tout ? Les autres membres du groupe y participent aussi ?
Kemar : Moi, j’écris avec un mec, un auteur, qui s’appelle Emmanuel De Arriba. La particularité, c’est qu’on est potes de lycée. Donc on se connaît par cœur, on a une complicité au niveau de l’écriture. C’est moi qui choisis les thèmes et après, ça tombe. Et en parallèle, François démarre les instrus. K.mille à un moment donné nous a rejoint…
C’est beaucoup la musique qui a influencé les thèmes des morceaux. Par exemple, pour "Gazoline", François sort une instru orientale, arabisante… alors moi, tout de suite, j’ai eu envie d’écrire sur le pouvoir excessif du pétrole. Quand il fait l’instru de "Salut l’artiste" sur Chirac, au départ, il se demande si ça peut devenir un morceau de No One parce que l’instru est quand même un peu décalé et au même moment, j’ai l’idée d’écrire un truc sur la révérence de Chirac.
Avec les affiches annonçant la sortie de l’album et le slogan "Voter nuit gravement aux sales idées", ainsi qu’avec le single "La peur", vous vouliez inscrire directement cet album comme un disque engagé, comme une entrée en campagne ? Il y a aussi le fait que l’album sort un mois avant les élections… c’était prémédité tout ça ?
Kemar : Prémédité… oui, dans le sens où contrairement à certains titres de "Révolution.com", on anticipait sur ce qui allait arriver.
Ce sont les élections qui t’ont amené de "la matière à chanter" ?
Kemar : Pas les élections, c’est plus le climat politique général… Après, on a toujours privilégié l’artistique plutôt que l’actualité. Si l’album n’avait pas été prêt, on l’aurait sorti plus tard. Après, le "Voter nuit gravement aux sales idées", c’est parce qu’on avait envie d’imposer à la maison de disque de mettre notre patte… Par forcément par rapport à cette campagne, parce qu’on est rien du tout, tu vois. Mettre 200 affiches dans le métro à Paris, par rapport à l’armada des partis politiques, c’est peanuts…
François : C’est plus un devoir civique… On se pose pas en porte parole… C’est plus l’occasion, tu sors un album à ce moment là, autant inciter les "d’jeuns" !
Kemar : Non, et puis, ça coûtait rien. C’est vrai que c’est un geste important de la part d’un groupe comme No One, avec tout ce que ça implique d’engagement civique… c’est vrai que ça aurait été con de se priver… Et puis, cette phrase correspond exactement à ce que le groupe a toujours voulu faire, à ce qu’il a toujours voulu dire dans ses chansons…
Justement, dans "Doggy Dead", tu t’en prenais violemment au F.N. Aujourd’hui, tu t’attaques à Sarkozy… la musique est moins violente, tu as voulu laisser plus de place au texte, que les gens écoutent plus le texte que la musique ?
Kemar : Y’a des fois, t’as pas besoin de mettre le volume à 11 pour te faire entendre… C’est un peu la démarche de ce morceau… J’me rappelle aussi qu’à un moment donné, on fait la zik du truc et j’vais au micro et j’avais les dents serrées en chantant ce truc là et peut être aussi que quand on fait un morceau sur Sarko, on a pas du tout envie de rigoler et faut se faire entendre d’une façon différente.
François : Y’avait d’autres titres comme ça, même sur le premier album, genre "Another Land", avec une musique assez soft sur un sujet super grave. C’est vrai que des fois c’est intéressant de pas forcément faire un truc super violent sur un point précis, pour vraiment faire passer l’idée de manière assez claire.
Kemar : Et puis, faut qu’à un moment, on rentre dans le paysage de la variété française…
François : Ceci dit, ce morceau là, on l’a réarrangé un tout petit peu pour le live et c’est un des pics de tension du live.
Kemar : Ouais, c’est marrant ! J’te jure, y’a un espèce de truc qui se passe… Nous, on kiffe le côté "Ok, on est un groupe de rock, on donne une certaine énergie pendant les concerts", mais y’a des moments où c’est bien de sentir les gens super attentifs à ce qui est en train de se passer !
Je voulais savoir si pour le titre "Je ne crois pas", il y avait eu un élément déclencheur…
Kemar : Ouais, c’est ce qui est arrivé à Charlie Hebdo avec les caricatures… Au départ, j’disais aux potes que j’avais envie d’écrire sur la religion mais j’me disais encore "un énième texte sur les religions…". Et puis tout d’un coup, il y a l’affaire des caricatures qui tombe et là, c’est la démarche de continuer à évoquer la religion, de dénoncer l’intégrisme, et de continuer à parler de notre athéisme et que la religion garde sa place dans la société et qu’elle ne rentre pas dans le politique parce que sinon, c’est le début de la fin…
Et pour "Laisse toi aller"… c’est autobiographique ? Tu en avais marre, t’avais envie de changer de sujet, l’impression de tourner en rond ?
Kemar : Non, pas marre… C’était pendant l’été dernier où tout ce que j’écrivais était minable… C’est à dire que tout ce qui a été fait de février jusqu’en juin, on est en pleine bourre et tout d’un coup, je gratte des trucs et j’trouve ça super pas bon ! J’tombe un peu au fond du trou et du coup, j’me dis, c’est un peu le gars qui, dans les domaines de prédilection de No one, est saturé. Et puis, c’est aussi un peu d’humour sur nous-mêmes. On sait aussi lever le pied !
Maintenant, vous repartez en tournée… Vous aller faire une tournée aussi longue que pour "Révolution.com" ?
François : Peut être un peu moins marathon ! "Révoution.com", c’était un peu particulier. C’était un peu le retour donc fallait retourner chercher les gens, les convaincre et tout !
Kemar : J’crois que ça dépendra de notre physique ! Pour l’instant, on a fait deux dates ; on est rentrés et on était un peu des robots !
Et la setlist ?
Kemar : On est encore en train de chercher… on a trouvé quelque chose de bien mais de toute façon, on va continuer à rendre ouf tous les mecs de la technique à changer les listes constamment.
François : Là, c’est génial parce qu’on a quand même quatre albums donc pour faire une setlist de concert, tu peux vraiment trouver le truc! Là où c’est particulier, c’est que No One est un groupe super physique sur scène.
En particulier le début du set est super important parce que pour rentrer dedans vraiment physiquement, il faut amener le truc… Si tu pars trop fort, ça te crève et ensuite t’as un creux… c’est vraiment une gestion du physique…
Kemar : Y’a peu de groupes ou d’artistes qui réfléchissent par rapport au physique alors que pour nous, c’est super important. Avec l’expérience qu’on a, on sait que si par moments on tient plus le coup physiquement, on peut perdre les pédales. Inconsciemment, j’pense que avant de monter sur scène, tous les quatre, on peut se dire que ça peut être le dernier concert… Tu vois cet état d’esprit de tout donner dès que tu montes, du début à la fin !
François : C’est là où c’est dangereux… Du coup, si ça part trop fort, au bout du 3ème titre, t’es essoufflé, t’en peux plus et tu te dis "Putain, y’a encore 45 minutes à assurer, y’a des mecs devant qui attendent que tu déchires tout et y’a encore deux concerts demain et après demain…". C’est là que c’est important de bien répartir les gros boulards sur le set pour que ça arrive à des moments clé.
Kemar : On a besoin de sentir un truc monter…
François : Là où c’est compliqué, c’est que c’est un truc impossible à anticiper en répèt’. En répèt’, tu peux faire n’importe quelle setlist et ça passe. C’est vraiment l’expérience des dates où tu peux prendre du recul…
Kemar : Tu vois, genre, en répèt’, le gratteux peux pas me donner de coups de gratte…
François : On a fait deux dates et y’a déjà le backliner qu’est tombé de la scène…
Kemar : Moi, j’ai pris des coups de gratte, j’ai défoncé deux micros…
Moi, j’sais pas… mais si ça s’passe pas comme ça, j’préfère rester chez moi !
Kemar : Quand tu fais 80 ou 100 dates sur une tournée, si y’a pas d’imprévus, d’inattendu, d’accidents ou de machin comme ça… ben à la fin, qu’est ce qu’on a à se raconter ?
Vous prenez votre pied à chaque concert… l’idée, c’est de vous faire plaisir d’abord…
François: En fait, il faut pas qu’il y ait de routine.
Kemar : y’a pas cette idée de "Ouais, on va communiquer avec le public"… tout ce discours de merde ! C’est pas péjoratif ce que je dis mais tu vois, le grand classique du "Oui, je communique avec mon public de telle façon"… Mais non, y’a pas de façon de communiquer avec les gens. Tous les soirs, y’a une communication différente ! Genre le premier soir, je passe une heure du concert avec une meuf devant moi qui me montre ses seins… Alors derrière, ils se foutent de ma gueule, ils sont morts de rire ! Moi, j’suis obligé de faire abstraction. Voilà, là au moins, on a des trucs à se raconter quand on sort de scène !!!
Voilà… les No One sont en forme et ils seront sur la scène de beaucoup de festivals cet été et à la Cigale le 19 octobre 2007.
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