Le Centre Pompidou présente la première rétrospective de l'oeuvre de Pierre Klossowski avec l'exposition "Tableaux vivants", titre emprunté à un de ses receuils d'essais, qui a été initiée par la Whitechapel Gallery de Londres et le Museum Ludwig de Cologne.
Pour tenter d'appréhender son oeuvre picturale, singulière et fascinante, quelques éléments biographiques ne sont pas superfétatoires.
Pierre Klossowski, essayiste, traducteur, romancier et peintre, frère du peintre Balthus, est élevé dans un milieu d’artiste, son père était peintre, historien de l'art et décorateur de théâtre, et sa mère élève de Pierre Bonnard.
Il vient terminer ses études à Paris sous le tutorat d’André Gide, dans une relation qu’il qualifiera de "pédérastie pédagogique" et noue des relations étroites avec les milieux littéraires et psychanalytiques.
Après des études de scholastique et de théologie et une vocation religieuse avortée, il se consacre à l'exégèse des grands textes classiques et philosophiques.
Il ne devient romancier et peintre que dans le seconde partie de sa vie, vers la cinquantaine, après s’être marié, sur les conseils de Gide, avec Denise Morin qui prêtera son corps et son image à ses visions picturales.
Une femme dont le troisième prénom est Roberte, comme l'héroïne de son roman "Roberte ce soir", qui est au centre de ses fictions littéraires.
Une femme au physique androgyne, certes pas à la manière des queers du 21ème siècle, mais à la physionomie ambivalente et dont les traits androgynes ne sont pas sans rappeler ceux de Gide.
Klossowski se met à dessiner de manière presque fortuite pour illuster son premier roman.
Des dessins plats, à deux dimensions, aux personnages grandeur nature sans chair, sans corporéité, qui devien tun simulacre, dont le trait et la manière, si ce n'est la substitution des crayons de couleur à la mine de plomb, ne varieront jamais.
Des dessins forts d’anachronismes apparents résidant dans l'association de lignes diaphanes et de couleurs claires et de perversions sado-érotiques, de symbolisme érudit et d’exécution parfois presque simpliste, l’évidence du fantasme et la dualité profonde du désir, émanation satanique soumettant le corps, qui fonctionne selon un mode de culpabilité judéo-chrétienne et des rituels pornographiques érigés en vérité théologique.
Maurice Blanchot, romancier et philosophe, en a saisi toute l'essence en quelques mots : "un mélange d’austérité érotique et de débauche théologique".
La présentation de nombreux dessins et de trois sculptures, réalisées avec le sculpteur Jean-Paul Réti, dans des salles relativement petites, n'était pas évidente.
Agnès de la Beaumelle, commissaire de l’exposiiton, Marie-Odile Caussin-Peynet, chargée de la réalisation, et Anouk Matecki, architecte, ont réussi une belle scénographie en cassant l'accrochage classique sur des murs bleu pastel par des cloisons obliques très sombres.
L'austérité érotique
Ainsi, les aventures de Roberte, déclinées picturalement de manière presque cinétique.
Elles regorgent de fantasmes et plaisirs érotiques conventionnels par les poses explicites et cependant procèdent par mises en scène très intellectualisées fort éloignées du graveleux pornographique ordinaire.
En effet, le maniérisme, la gestuelle codifiée, et le recours aux artifices du symbolisme et aux académismes artistiques désamorcent toute obscénité.
La débauche théologique
Car Pierre Klossowski recherche l'extase mystique par le véhicule de l’extase érotique cérébrale, qui peut transporter l'homme au delà de sa condition humaine.
Eprouvé sur le mode possessif, obsessionnel et sado-masochiste, elle s'étabit hors de toute relation créatrice pour tendre à un état de conscience extrême.
Klossowski revisite de manière obsessionnelle tous les mythes, l’histoire antique, les écrits littéraires de Sade à Bataille pour alimenter sa réflexion métaphysique sur le sacré.
En vertu des "lois de l'hospitalité" qu'il a établies, Pierre Klossowski invite le spectateur à une étrange relation de complicité. A ce dernier de voir.
En parallèle, le Centre Pompidou propose une rétrospective cinématographique avec les films réalisés notamment par Pierre Zucca, Raul Ruiz et Alain Fleischer auxquels Pierre Klossowski participa et un catalogue non dispensable. |