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Interview  (Paris)  10 mai 2007

Richard Kalvar, photographe américain et parisien, ancien membre de l’agence Vu, créateur de l'agence Viva, membre et ex-président de l'agence Magnum Photos, expose, du 14 mars au 3 juin 2007, à la Maison Européenne de la Photographie un travail personnel sous le titre "Terriens".

"Terriens" parce que, toujours à l'affût, il aime surprendre les moments singuliers du quotidien, un quotidien tendre, bizarre, surprenant.

Entretien avec un homme vif, empathique et plein d'humour.

 

Vous exposez actuellement à la Maison Européenne de la Photographie, sous le titre "terriens", des photos prises depuis vos débuts de photographe tout en récusant le terme de "rétrospective".

Richard Kalvar : Oui, mais je voudrais apporter quelques précisions sur ce point. "Terriens" est ma première rétrospective entre guillemets parce qu’elle comporte des photos qui ont été prises depuis 40 ans, mais sans ordre chronologique. Depuis mes débuts, j’avais une ligne visuelle inconsciente. J’ai commencé à constater qu’il y avait certaines photos qui entraînaient chez moi une excitation quand je les découvrais sur les planches contact et ce sont ces photos que j’ai, en quelque sorte, collectionnées, des photos parfois drôles, parfois bizarres ou émouvantes.

Chaque photo est une scène dont le sens et le fond ne sont pas attachés au lieu ou à l’époque. Elles sont intemporelles et universelles même si certains détails peuvent constituer des indices permettant de les situer ou de les dater. Mais là n’est ni l’essentiel ni leur intérêt à mes yeux.  Ce qui m’intéresse, ce sont les rapports entre les êtres humains, qui restent similaires quel que soit le pays ou l’époque. Ils appartiennent tous au genre humain. Depuis que l’être humain existe il y a des constantes qui n’ont pas changé.

Dès lors, il devenait logique que, si je faisais une exposition, elle serait sous cette forme. Les rétrospectives sont souvent chronologiques ou géographiques, et cela aurait entraîné la perte du propos de la photo, qui devrait être un monde complet en elle-même.  Une approche académique aurait tué l’effet recherché.

J’ai cherché pendant longtemps à rencontrer Jean-Luc Monterosso, le directeur de la MEP, et quand j’ai enfin réussi il m’a dit avoir cherché pendant longtemps à me rencontrer aussi !  Alors on s‘est vite entendu, et Il m’a donc fait confiance et m’a laissé toute latitude pour concevoir cette exposition à ma guise.

Cela veut-il dire qu’ensuite votre oeil avait tendance à rechercher ce genre d’événement ou de situations ?

Richard Kalvar : Ces photos figuraient parmi bien d’autres que je prenais et qui m’intéressaient. Mais c’est sûr que je gravitais plutôt vers des situations qui étaient plus propices à les produire.  J’isolais ces images des autres en les mettant dans une boîte noire qui était très connue de mon entourage. Je me disais toujours qu’il n’y en avait pas assez dans cette petite boîte mais après 40 années de photographie, je pensais enfin avoir la masse critique pour faire une exposition.

Vous faites clairement une distinction entre votre métier de photographe et la photographie que vous faîtes à titre personnel dont l’exposition "Terriens" est une concrétisation.

Richard Kalvar : Oui. Le métier, c’est un travail alimentaire pour vivre. Il faut dire que ce travail professionnel peut être intéressant à faire, mais c’est quand même différent de l’autre. La schizophrénie est la règle générale chez les photographes qui font un travail personnel. Sauf dans deux cas : les photographes qui ont une fortune personnelle, comme Cartier-Bresson, et donc qui peuvent se consacrer uniquement à leurs projets personnels, et puis ceux qui sont complètement détachés des contingences matérielles par leur choix de vie, comme mon collègue tchèque Josef Koudelka, qui est un nomade sans résidence fixe.  Il y a aussi quelques photographes qui arrivent à vivre de la vente de tirages, mais c’est souvent une entreprise commerciale comme une autre. 

Comment avez-vous trié et sélectionné les photos qui sont montrées aujourd’hui au public ? Les critères de choix étaient-ils émotionnels ou plus intellectualisés ?

Richard Kalvar : Les photos que je conservais dans ma petite boîte noire résultaient déjà d’une sélection. Ensuite, avant d'avoir l’opportunité de faire cette exposition, j’ai travaillé sur une maquette de livre pour publier ce travail. La sélection proposée résulte de tris successifs qui ont toujours constitué des moments difficiles car, d’une part, on est toujours attaché à ses photos et, d’autre part, il fallait peu à peu reconnaître que certaines d’entre elles n’étaient pas vraiment bonnes. Ce travail préparatoire a duré deux ans.

Et c’est cette maquette que j’ai proposée à Jean-Luc Monterosso.  Après avoir eu son accord, j’ai enfin trouvé un éditeur, après en avoir contacté des dizaines ; mis à part "La terre vue du ciel" (ndlr : de Yann Arthus-Bertrand), il est difficile de commercialiser les livres de photos car les éditeurs savent qu’au mieux ils ne feront pas de gros bénéfices sur ce genre de publication.  Mon projet a reçu un accueil favorable de la part des Editions Flammarion et ce d’autant que cette publication était en quelque sorte couplée avec l’exposition.

Pour la maquette, j’avais positionné les photos de manière classique avec deux, trois ou quatre images face à face, mais je me suis rendu compte que cette mise en page ne fonctionnait pas.  Elle créait de liens artificiels entre les photos, ce qui ne correspondait pas à leur sens.  J’ai compris que pour mes photos, qui racontent chacune une histoire différente, il fallait une mise en page avec une image par double page.  J’ai encore réduit le nombre de photos jusqu’au dernier moment, à quelques jours de l’envoi à l’imprimeur. Le livre comporte exactement le même choix de photos que l’exposition.

Ces photos ne sont pas de photos posées mais ne sont pas uniquement des photos prises à l’insu des personnes qui y figurent car vous dites que vous travaillez en tournant autour du sujet qui vous intéresse. Provoquez-vous les événements ?

Richard Kalvar : Non, je ne provoque pas la photo car cela irait à l’encontre de mes principes. Il existe une tradition de la photo percutante, un peu "coup de poing dans la gueule" comme le fait William Klein ou Bruce Gilden. Mais pour ma part, je suis plutôt du genre discret. Je peux bien sûr, pour certains travaux commerciaux, utiliser la mise en scène, la pose ou la provocation, mais jamais pour les photos qui ressortissent à mon travail personnel.  Cela tuerait ma crédibilité.  De plus, j’ai des difficultés à travailler dans un climat où existe l’hostilité. La seule chose que je fais parfois, quand il y a quelqu’un entre l'objectif et l’image que je veux saisir, est de donner un léger coup de pied au gêneur involontaire pour qu’il sente le besoin inconscient de se déplacer.

Comment procédez-vous concrètement pour capter ces images fugitives ?

Richard Kalvar : Je commence à faire des photos dans un lieu quand je décèle quelque chose de vaguement intéressant. Je tourne autour, à la recherche de quelque chose, je ne sais pas quoi exactement. Souvent ça ne donne rien. Mais parfois d’imprévu ou l’inspiration se produit subitement, et alors j’ai la chance, parce que j’ai déjà l’appareil à l’oeil, de pouvoir saisir cet instant. Il n’y a rien de prémédité ni de prédéterminé. Je peux revenir avec 3 photos comme avec 4 pellicules.

Cela veut dire que vous partez librement un jour donné pour faire des photos et advienne que pourra ?

Richard Kalvar : Oui, et le plus souvent je rentre bredouille. Je peux passer deux semaines à me promener sans rien voir, ce qui est très frustrant. Mais ce sont les difficultés et conditions propres à ce genre de photos.

Les personnes se rendent-elles compte que vous les photographiez ?

Richard Kalvar : J’essaie de faire en sorte qu’elles ne s’en aperçoivent pas. Et pourtant je suis très près d’elles puisque j’utilise un 35 mm, donc un objectif légèrement grand angle. Remplir le cadre impose une grande proximité. Je suis à 50 cm d’eux et ils ne me remarquent pas parce que je suis tout petit ! (ndlr : Richard Kalvar n’est pas vraiment tout petit et est doté d’un physique qu’on ne peut qualifier de banal). D’ailleurs je dis souvent que je prends les gens pour des comédiens à leur insu qui interviennent dans mes petites scènes de fiction.

Chacune de vos photos raconte une histoire, même une double histoire celle qui se passe réellement et celle que s’imagine le spectateur.

Richard Kalvar : C’est en fait l’histoire que pourra imaginer le spectateur qui m’intéresse le plus, et surtout quand c’est une histoire un peu ambiguë. La photo cristallise un moment dans le déroulement du temps, c’est pour moi l’essence même de la photographie. J’aime beaucoup cet effet de saisir, de "congeler" un instant dans la photo.

Les photos que vous présentez sont des photos argentiques. Pratiquez-vous la photo numérique ?

Richard Kalvar : Oui, j’y suis bien obligé pour le métier, c’est plus  commode et plus rapide. Mais pour mon travail personnel, je reste fidèle aux négatifs noir et blanc. Je ne recadre pas mes photos et j’assure le tirage sauf pour l’exposition et le livre pour lesquels je préfère m’adresser à un professionnel.

Pourquoi comme choix pour la couverture du livre mais également pour l’affiche de m’exposition de la photo représentant deux bonhommes, un peu sosies avec lunettes et moustaches, déguisés en fleur ?

Richard Kalvar : C’est un clin d’œil et aussi un choix un peu stratégique. Si elle n’est pas la plus représentative de mes photos, je pensais qu’elle attirerait l’œil parce que les personnes photographiées regardent l’appareil, et donc le spectateur.  Et je l’ai ensuite naturellement retenu pour l’exposition puisque le propos est identique.

On parle beaucoup d’écoles et de "familles" dans la photographie. Quels sont les photographes qui vous ont influencé ?

Richard Kalvar : Mon entrée, si je peux dire, dans la photographie est accidentelle puisque je cherchais du travail et que j’ai été engagé par Jérôme Ducrot, un photographe de mode français qui travaillait à New York, sans que je sache jamais pourquoi. Je n'avais jamais manifesté le moindre intérêt pour la photo. C’était un homme qui avait une grande culture photographique et m’a beaucoup appris malgré moi.

Les photos de Cartier-Bresson m’ont intéressé tout de suite mais c’est le recueil de Robert Frank, "Les Américains" qui a été l’élément déterminant de ma passion pour la photographie en me permettant de voir qu’elle pouvait être autre chose qu’un simple constat, et qu’elle pouvait constituer un moyen d’expression très personnel. J’éprouve toujours le même sentiment quand je revois ces photos de Frank. Pour moi l’intérêt de la photographie c’est de jouer avec la réalité et non pas de la reproduire.

Le pendant de cette question, comme vous indiquiez que vous aviez 40 ans de photos derrière vous, concerne les photographes que vous avez pu influencer. En d'autres termes, dans les nouvelles générations, y a-t-il des photographes dont le travail est proche du votre au moins dans l’esprit ?

Richard Kalvar : Je pense à un jeune collègue de Magnum, un photographe australien, dont j’aime beaucoup le travail, qui ressemble un peu au mien. Il s’appelle Trent Parke.

Votre actualité c’est dons l’album Terriens" et l’exposition éponyme à la Maison Européenne de la Photographie. Y a-t-il des projets de faire voyager cette exposition ?

Richard Kalvar : Oui, j’espère bien. Nous avons quelques pistes pour Lyon et Berlin. J’aimerai surtout exposer aux Etats-Unis mais je n’ai pas encore trouvé le lieu.

Avez-vous d’autres projets dont vous pouvez nous donner la primeur ?

Richard Kalvar : Parmi les photos exposées, il y en a un grand nombre qui ont été prises à Rome et j’aimerais reprendre ce travail. Pendant cinq ou six ans, j’y passais régulièrement plusieurs mois par an et puis j’ai cessé en raison d’impératifs familiaux et de ma présidence à Magnum. Maintenant mes enfants sont grands et je me sens plus libre de repartir.

Pourquoi cet intérêt pour Rome ?

Richard Kalvar : Je ne sais pas. J’aime les rapports humains dans cette ville, la couleur des immeubles, la lumière…et les pâtes !

 

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La chronique de l'exposition "Terriens"

Crédits photo : Richard Kalvar


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# 21 avril 2024 : Des beaux disques, des beaux spectacles, une belle semaine

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"Tant que nos coeurs flamboient" au Théâtre Essaïon
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"Lîle des esclaves" au Théâtre Le Lucernaire
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