C'est sous le nom de Bonnie "Prince" Billy, que Will Oldham a traversé Paris ce week end, pour donner 2 concerts le même jour successivement à Mains d'Oeuvres et à la Guingette Pirate (tous deux complets en un temps record).

A la différence de son concert précédent (l'évenement remonte déja à mars 2001 au Café de la danse), Will n'est plus entouré du groupe étoffé d'alors qui comprenait David Pajo himself, mais se présente seul et désarmé face à un public de fans - qui ne cesse de s'étoffer depuis les premiers albums de Palace il y a 10 ans - qui a choisi de se priver de la chaleur réconfortante du soleil d'un dimanche après midi en désertant le centre parisien au profit de l'obscurité polysémique de cette salle incontournable de la banlieue nord.

Au programme un Oldham possédé par ses chansons nous présente directement sur son visage une transposition en technicolor de son univers, ses crispations faciales continuelles et outrancières dépeignent en effet au plus près ce qui fait l'intérêt de ses prestations : la sincérité de l'émotion qu'il véhicule et qui vous touche de plein fouet (dans l'estomac plus que dans les jambes).

Au delà de son charisme surréel, son large crâne et son implantation capillaire chaotique livre ainsi un terrain de jeux sur lequel évoluent des garçons qui pleurent, des trahisons et des déceptions et surtout des gens qu'on aime et qui meurent (ceux qu'on tue et ceux qui nous quittent).

L'enchainement souple des chansons indique clairement l'homogénéité des différents incarnations du vieux briscard de Louisville que ce soit sous les noms de Will Oldham, Bonnie Prince "Billy" ou Palace(s). Will avoue en effet prêter plus d'intérêt aux oeuvres qu'à leurs auteurs, on ne se laissera donc pas leurrer par cette multiplication de pseudonymes qui contribue à masquer la production prolifique du garçon à barbe (si 'Master and everyone' est son troisième album sous le nom de BPB, il est le douzième en vérité!).

L'interprétation aura la particularité durant le concert de perdre beaucoup en rythme et en énergie pour se concentrer sur une introspection hypnotique. Sans atteindre au final la fulgurance de sa tournée précédente, son talent incernable et généreux nous livre un moment véritablement magique et rare.

En coda, Bonny ne pourra s'empêcher de nous rappeler que la plupart des américains (ceux qu'il fréquente en tous cas) s'opposent à la politique belliqueuse de l'administration Bush : si ce mea culpa est devenu un passage quasi obligé pour la plupart des groupes anglo-saxons en tournée actuellement, ce sera la seule véritable part de dialogue avec le public de cet homme solitaire et indispensable dont l'influence dépasse largement le pré carré d'une nouvelle scène country alternative.

On notera par ailleurs que l'on a pu patienter en première partie avec plaisir en compagnie d'une énième incarnation de Hermann Düne et des interventions expérimentales saxophonées de Quentin du label français Prohibited Records : des habitués des lieux qui se révéleront particulièrement inspirés dans une intercalation de leurs prestations qui restera toujours dynamique, vivante et jamais ennuyeuse malgré l'incongruité formelle de certains passages.

En sortant de la salle on n'était presque déçu de retrouver si brutalement le soleil et la vie qui continue, presque obscène dans sa trivialité: c'est peut être avant tout pour cela que les concerts ont lieu le soir?