Comédie dramatique de Lars Noren, mise en scène de Claude Baqué avec Marion Bottolier, Pierre-Alain Chapuis, Michel Hermon, Serge Maggiani, Simona Maïcanescu, Marie Matheron et Nicolas Struve.
Avec ces "Eaux dormantes", Lars Noren, considéré comme considéré en Suède comme l’auteur le plus important depuis Strindberg, plonge dans les replis de la mémoire de la vie absente. Ce qui reste quand il ne reste plus rien, ces voix marécageuses qui ressassent pour l’éternité.
Emma (Marie Matheron), rédactrice dans une maison d’éditions, et son mari Daniel (Michel Hermon), avocat pénaliste, reçoivent à dîner des amis ou des relations, des journalistes (Pierre-Alain Chapuis et Marion Bottollier), une avocate civiliste (Simona Maïcanescu) et son mari psychiatre (Serge Maggiani) et un jeune homme autiste (Nicolas Struve).
Des convives pour un repas singulier et mortifère, celui de la mastication des mots, dans un huis clos infernal, noir et circulaire qui rappelle le texte d "Oratorio in progress" de Patrick Kermann qui a été adapté pour la scène par Pierre-Marie Carlier en 2006 sous le titre "Mastication".
Noir et circulaire comme le décor métal et miroir sans âme, les lumières lourdes qui laissent apparaître au sens premier du terme les visages et les corps. Des masques aux corps pétrifiés, comme le masque janusien du théâtre, comique et tragique, sortent des voix polyphoniques en soliloques déconstruits et récurrents. De ces voix sortent des propos dramatiques qui appellent parfois le rire par le biais d’un humour noir et les propos plus légers qui s’avèrent souvent plombants.
Tout est noir, tout est miroir, tout est englouti dans la confusion, dans le néant, dans l’éternité où tout se télélescope : "Ceux qui sont morts sont vivants, ceux qui sont vivants sont morts." Oublier c’est déjà mourir et le souvenir réside dans l’au-delà.
La mise en scène de Claude Baqué est allée dans le sens de l’abstraction et de la distanciation qui donne au texte une résonance terrible et angoissante que la prestation hors pair des comédiens rend tangible.
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