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Interview  (Saint Etienne)  mai 2007

A l'occasion de la sortie d'Oulipo Saliva, deuxième album d’Angil & The Hiddentracks, nous avons rencontré Mickaël Mottet aka Angil et Xavier Pradel membre des Hiddentracks.

C'est dans leur ville de Saint Etienne, précisément au Snüg, café et "lieu au service de la création artistique" tenu par Xavier, que s'est déroulé ce passionnant entretien.

D’où vient l’idée d’un album avec un concept aussi fort ? Apparemment, ça te trottait déjà en tête sur le premier album.

Mickaël Mottet : En fait, "Teaser for matter", c’était déjà un sacré postulat quand même. Je parle à mon échelle, je dis ça en toute humilité. Pour moi, c’était déjà poser un truc, vraiment le challenge à l’époque. D’ailleurs, c’est ce que je disais, ce que je vous avais dit à ce moment là, je voulais vraiment faire un truc dont je sois fier dix ans après, poser un pavé. Et du coup, là, il fallait encore franchir une étape de plus, un échelon supplémentaire. Parallèlement à l’idée théorique de ça, il y a eu aussi deux trois ans de chocs artistiques divers, pas seulement musicaux en fait, via des choses dans la bande dessinée, des choses dans l’art plutôt graphique et puis des disques aussi. L’émission qu’on faisait, qu’on fait toujours sur Dio, "Le morceau caché", dans laquelle on essaie justement de faire un peu le bilan chaque semaine, des découvertes qu’on avait.

Du coup, pas mal de réflexions aussi autour de la notion de "qu’est-ce que c’est une œuvre d’art" voire "qu’est-ce que c’est un chef d’œuvre". Alors encore une fois, je dis ça avec toute la distance que ça impose. Comme on cherchait à décortiquer un peu comment ça fonctionnait, en quoi ça nous semblait être un … finalement la description enfin la définition d’une œuvre d’art ou d’un chef d’œuvre, ça nous a semblé être justement ce fameux échelon là qui était posé par quelqu’un à un moment donné, musicien, peintre, artiste… qui était une sorte à la fois de quelque chose qui s’imposait, pas forcément de son vivant qui laissait une trace dans la postérité pour lui, comme ça, et puis une sorte de défi lancé à tous les autres artistes aussi : "Voilà, ça c’est fait, alors montrez, vous, ce que vous êtes capables". On arrivait vraiment souvent à cette conclusion là en fait, à force de découvertes, à force de réflexions autour de ce concept là d’œuvre d’art alors pourquoi ne pas essayer de soi-même poser le truc, au moins de faire une tentative.

Justement, il y a eu des difficultés rencontrées en matière de composition de la musique et surtout d’écriture de textes sur cet album, ça a dû être assez énorme, non ?

Mickaël Mottet : Et bien non, au contraire, ça a été fluide. Enfin, à partir du moment où j’ai trouvé cette idée d’écrire sous la contrainte, j’ai été vraiment hyper stimulé, j’ai écrit tous les morceaux en, je ne sais pas, deux ou trois mois je dirais.

Sur ce disque est-ce que les textes ont été écrits autour des mots sans mettre la lettre "e" ou alors tu as d’abord cherché un thème, une idée, et puis après la contrainte sur le choix des mots ?

Mickaël Mottet : Plutôt la deuxième solution. C’est-à-dire plutôt le contenu d’abord, qu’est-ce que j’ai envie de raconter, de quoi je veux parler, et puis ensuite quels moyens je vais arriver à trouver, un peu en fait comme le cheminement normal de l’écriture d’un morceau ou d’un texte de toute manière, en tout cas telle que la logique voudrait que ce soit parce que j’écrivais pas forcément comme ça au départ en fait. Quand j’écrivais les textes au début, en premier, ce qui était déjà loin d’être la majeure partie du temps, je ne pensais pas toujours forcément au thème d’abord, effectivement. Peut-être plus à la sonorité, à l’enchaînement, l’enchevêtrement des phrases entre elles. Alors que là, pour le coup, non ça partait vraiment de qu’est-ce que je veux dire et quels moyens je veux mettre en place pour le dire. De toute façon, là, c’était obligé puisqu’il y a avait cette contrainte. C’était hyper stimulant d’avoir cette limitation. C’est fou la liberté que ça donne d’être entre ces deux limites.

N'est ce pas un risque de passer pour un "intello" à vouloir faire ce genre de truc ? Est-ce que c’est une question que tu t’es posée ?

Mickaël Mottet : Non, … non. On s’est super décomplexé par rapport à toutes ces questions via l’émission, parce que ça fait trois ans qu’on a à peu près les deux discours, sur "Le morceau caché", de certaines personnes qui nous posent les mêmes, qui nous disent d’une part c’est quand même super intello, super prise de tête ce que vous faites et puis d’une autre part, il y a une vraie réflexion sur la musique où au fond, ce que vous faites, c’est creusé. Et puis ça aboutit jamais à un truc juste esthétisant, juste comme ça histoire prendre une pose.

Ca aboutit à des conclusions. C’est un peu de la recherche (rire), en fait. C’est vrai, il y a de la recherche appliquée. Ce n’est pas de la recherche pure. Juste le fait de se prendre la tête, de se fixer des contraintes pour faire un disque, ce sont des bonnes hypothèses de départ mais il faut que ça aboutisse évidemment. Non, ça ne m’inquiète pas tant que ça d’être pris pour un poseur, parce que j’espère bien que quand on entend le résultat, on se rend compte que non, que ce n’est pas juste de la pose. Après, oui, c’est un risque à courir. Tant pis si c’est pris comme ça.

Peut-être que les gens aussi peuvent passer à côté de cet esprit créatif, penser que c’est plutôt un buzz. "Voilà, ils ont voulu créer un buzz…"

Mickaël Mottet : (rire) oui oui … ça m’a fait rire parce que je suis tombé sur un forum sur un autre webzine, où il y avait comme ça quatre cinq personnes qui partaient sur le sujet. Au départ, il y avait un mec qui a écrit pour dire "Ah, j’ai réécouté le premier Angil, ouais, c’est vrai qu’il y a des choses pas mal … il y a des trucs un peu chiants quand même". Et puis un autre qui répond : "Oh non, t’es dur, c’est vachement bien". Un autre : "oh non, j’suis plutôt d’accord, c’est quand même assez inégal mais bon c’est un premier album machin bidule …".

Et puis, de fil en aiguille, ça s’enchaîne. Il commence à dire : "il va faire un album sans mi alors vraiment, c’est de l’argument commercial, ça rime à rien". Parce que je pense que j’avais dû parler déjà de cette idée là, parce que je l’ai eu assez tôt en fait, l’air de rien, quand même. Du coup, c’était déjà transformé, déjà : "oui, il va s’en servir comme d’un argument…" Ca m’a fait rire de lire ces trucs là, ne serait-ce que le terme d’argument commercial, quand tu sais que We Are Unique Records, c’est un label associatif avec un mec à la tête du truc, que des Teaser for matter, on en a peut-être vendu, allez 1300… Tu voix, je veux dire, argument commercial … (rire).

Ca paraît complètement déplacé, un peu surréaliste. En plus, de toute façon, je n’ai pas de problème de conscience par rapport à ça, je sais que je ne l’ai pas fait pour ça, je l’ai fait parce que l’idée m’a été soufflée par Francis presque par hasard et puis aussi par admiration pour l’OuLiPo (ndlr : http://fr.wikipedia.org/wiki/Oulipo) mais pas du tout en me disant que ça créerait quelque chose.

Pour les John Venture, vous avez pris le concept de s’enfermer dans les studios et de faire l’album. Là, "Oulipo Saliva", c’est un concept aussi vraiment fort. Est-ce que c’est ta façon de travailler, est-ce que c’est toujours comme ça, se fixer des limites ?

Mickaël Mottet : Oui, c’est la recette que j’ai trouvée pour arriver à suivre "Teaser for matter", en fait. Je crois que je n’aurai pas pu repartir sur le même principe qu’avant "Teaser for matter" qui avait été "bon, maintenant c’est fini d’essayer de poser comme ça des démos qui sont plus des sortes de cartes postales d’un moment et d’un lieu de ce que je suis capable de faire à ce moment là". Non, on va essayer de faire quelque chose d’un peu fort. En fait, si j’avais voulu refaire ça, j’aurai eu un peu peur de tomber dans le gimmick ou dans une sorte de facilité.

Bon, il y a eu déjà la composition au piano, parce que jusqu’ici, je composais toujours à la guitare et le fait d’avoir récupérer ce vieux piano sur lequel j’ai composé quasiment la moitié des morceaux de "Oulipo Saliva, déjà ça a été un moyen de faire un pas de côté. Et puis justement, arriver à se poser des concepts de base comme celui de "Oulipo Saliva" ou comme celui du John Venture, c’est un moyen encore une fois de trouver une liberté qu’on n’aurait peut-être pas forcément si on avait l’absolu, si on était ouvert complètement. Là, on se restreint et donc, dans ces limites, on trouve…voilà.

Après je ne sais pas si je continuerais à bosser absolument comme ça. De toute façon, au fond, presque tout travail est un travail sous la contrainte. Je m’en rends compte même quand on est venu faire ici des improvisations sous le nom de Doo doo doo tsi tsi ta’s, on ne se fixait pas spécialement de limites a priori et puis on se retrouvait toujours finalement à essayer de faire des morceaux qui ressemblaient à de la pop music. C’était une contrainte, même si elle n’était pas tacite, tu as souvent les contraintes, les limites de ta propre imagination. Là, au moins, elles sont posées, c’est officiel. Il y a quelque chose d’assez simple. En fait, on assume un peu plus une fois que c’est posé. Ca dégage pas mal de contraintes non dites, sinon.

Une belle méthode pour travailler.

Mickaël Mottet : Mmmm, ça fait ses preuves, oui.

En fin de compte, on s’est aperçu que plus on avance dans l’album, plus les morceaux sont longs. Il se dévoile au fil des morceaux. Est-ce que c’est conscient ?

Mickaël Mottet : Pas du tout ! Non, je n’avais pas remarqué… (Silence). Oui, c’est vrai, oui… Je ne sais plus trop, c’est marrant parce que je ne me souviens plus vraiment comment j’ai construit l’ordre de chansons. Ce que je sais, c’est que c’était le premier truc prêt. Dès que j’avais les 10 morceaux, je savais que "Do not think" serait séparé en trois, qu’il y aurait trois versions de "You Most" dont deux courtes pour donner comme ça juste des petites impressions de ce que ça aurait pu être. J’ai vraiment posé l’ordre des morceaux super vite, plutôt assez spontanément en fait. Je crois que ce n’était pas très réfléchi, c’est pour cela que je ne me souviens pas parce que je n’ai pas dû me poser plus de questions que ça, ça me semblait ce qui allait le plus de soi. Non, je n’avais pas réagi : plus on avance, plus c’est long.

Avec cet album, tu t’aventures assez franchement vers le jazz, les compos mais aussi la façon de jouer, les arrangements. Il y a aussi la présence des cuivres. Pourquoi ? Parce que l’on te connaissait fan de Yo la tengo, de Sonic Youth.

Mickaël Mottet : Rien que chez Sonic Youth, il y a quand même une démarche qui est hyper proche du jazz et quelque part un peu chez Yo la tengo aussi. Ce sont des grands fans de Sun Ra par exemple, Yo la tengo. Ils ont fait une belle reprise de Sun Ra. En fait, finalement, si on remonte un peu l’arbre généalogique de pas mal de groupes que j’écoute depuis longtemps, on finit par retomber assez souvent sur le jazz ou le free-jazz déjà. Et puis, de toute façon, ça fait aussi des années que je suis pas mal tombé là-dedans. Au fond, quand tu commences justement aussi à réfléchir sur la musique, sur LES formes de perfection dans la musique et notamment sur le format pop, ce qui pourrait paraître bizarre, c’est que tu retombes sur le jazz, hyper souvent.

Par exemple, on avait un peu réfléchi sur cette idée avec Flavien dans une émission en se disant "bon, alors, c’est quoi qui fait la pop song parfaite ?" Il y avait plusieurs critères et puis parmi les critères, il y avait quand même l’idée de répétition ou de boucle. Et puis, on arrivait à la fin de l’émission à la conclusion que, si tu écoutes "A Love Supreme" de Coltrane, tu tombes sur des boucles avec à chaque fois un truc un peu différent qui se passe dans la manière de jouer de Coltrane et en fait, si on reprenait juste les codes, la théorie autour de la pop music qu’on avait faite, ça correspondait à une bonne description de « A Love Supreme », bizarrement.

Francis me faisait découvrir, lui, des trucs, c’étaient des espèces de chef d’œuvre genre "The Individualism of Gil Evans", c’est un album merveilleux, et puis "A Love Supreme", "In a Silent way", la musique de Sun Ra, Pharoah Sanders. Ca en impose tellement, ces machins là. Ce n’est pas parce que tu écoutes ça que tu as envie de reproduire la même chose mais en tout cas, ça inspire des idées, c’est ça, ça titille. On a quand même une relation très forte avec Francis, c’est mon cousin, on a grandi ensemble. Les premiers trucs que l’on a créés ensemble, artistiquement, c’était avec lui. On a toujours ensemble un groupe qui s’appelle Del, je l’admire beaucoup.

C’est pareil, une des premières idées de "Oulipo Saliva", d’ailleurs, l’idée de la contrainte, elle est venue de là, d’une conversation où je lui disais que j’avais envie de faire un album où tu sois le rôle principal, que ce soit basé sur le son des cuivres, des bois… Et c’est lui, à partir de ça qui m’a dit : " alors, à ce compte là, compose sans mi. Puisque c’est chiant à jouer pour un saxophone alto, donc tu n’utiliseras pas la corde mi".

Je me souviens qu’au début, une fois que j’ai composé les 10 morceaux, j’ai fait une sorte de liste d’intentions sur "Oulipo Saliva" pour avoir l’idée que je voulais que ce soit à l’arrivée, garder toujours ça en tête pendant l’enregistrement, et le 3 ou 4ème truc que j’ai pris, c’est "Oulipo Saliva" est un album de jazz, c’est dire que c’est vraiment une volonté assumée dès le départ.

Dans cet album aussi, est-ce que tu peux nous parler un peu des textes les plus marquants, les histoires qu’il raconte, des histoires cachées aussi s’il y en a ?

Mickaël Mottet : Oui oui, bien sûr, comme toujours. En fait, dans Teaser for matter, je parlais de l’indicible. Enfin, en gros je parlais du fait d’écrire ou plutôt du fait de ne pas à arriver à écrire vraiment le noyau de ce que l’on voulait dire, c’est de ça dont parle "A long way to be happy", "No more guitars", ce sont des textes là-dessus. Là, au début de "Narrow minds", je prends un peu le contre-pied de ça et je dis, cette fois, je ne vous dirai rien en fait, plutôt de parler du fait d’écrire, j’assume d’entrée de jeu que je ne vous dirai rien, que je trouverai des moyens plutôt détournés pour dire la même chose.

Par exemple, "In Purdah", c’est sur un héros de roman qui se trouve à la fin du roman un peu comme un con, qui espère bien être repris dans un autre roman du coup il s’entraine, il fait du jogging sur une espère d’île déserte aux anciens héros de roman."Took no drugs", c’est un peu sur Saint-Etienne au fond. Ca aussi, c’est un thème un peu récurrent sur la notion de labeur, de travail, de lutte des classes. C’est un album très social en fait, l’air de rien. Un des thèmes, c’est vraiment la lutte des classes parce que j’ai toujours en tête mes origines, c’est-à-dire que mes deux parents étaient ouvriers, je suis dans un contexte - Saint-Etienne - où c’est vraiment chargé aussi d’une histoire ouvrière et de la lutte des classes. Je n’oublie pas ça, c’est toujours des thèmes que j’ai en tête.

Je crois que plus généralement, si on prend un peu de distance sur les textes, c’est un peu un album sur la notion de perte en fait, par exemple la perte de l’enfance, ça c’est "Narrow minds" ou "Kids", sur les pertes… Quelque part, c’est presque obligé en fait d’en passer par ce thème là quand t’écris sans "e" parce que il y a un tel héritage avec "La Disparition" qui est très clairement là-dessus que tu ne peux pas vraiment passer outre. Et puis, je crois que j’avais un peu envie d’écrire là-dessus de toute manière. Bon, là, ça touche plus à l’histoire personnelle mais il y a quelque chose d’assez logique à vouloir faire un album sur Francis et à parler de la perte. Je ne rentre pas dans les détails mais …

Sur scène, on a l’impression que tu rentres dans une espèce de transe. Est-ce que tu te sens à l’aise sur scène ? Le public a la sensation que ça peut partir de façon complètement inattendue. Est-ce que c’est ce quelque chose que tu recherches ?

Mickaël Mottet : en fait, l’air de rien, on n’a peut-être jamais autant travaillé un set live qu’à la sortie de "Oulipo Saliva". On a fait un nombre de répètes en un temps restreint qui est plus élevé que toutes les répétitions sur "Teaser for matter". Sur "Teaser for matter", on répète le jour du concert parce que ça dépend de qui est là.

Xavier Pradel : C’est vrai qu’en trois mois, on a fait plus de répétitions qu’en quatre ans.

Mickaël Mottet : On est parti avec l’idée, à tous les concerts, il y aura donc Xavier qui joue de la batterie, il y aura Flavien qui jouera du Farfisa et il y aura Pauline qui jouera de la contrebasse. Et puis on invitera un ou deux hiddentracks différents à chaque concert. On savait déjà qu’il y aurait cette base rythmique de nous quatre : Xavier, Pauline, Flavien et moi. On a beaucoup répété déjà avec ce noyau là.

On a fait tourner les morceaux, il fallait bien trouver un moyen de les jouer en concert et de prendre le contrepied de ce qu’il se passait sur l’album parce que l’album est tellement arrangé. On ne pouvait pas reproduire ou donner l’illusion d’une telle richesse, donc on a plutôt pris le contrepied inverse, on a vachement resserré à la moelle et notamment à la moelle rythmique. Xavier et Pauline, ça me fait plaisir ce qui ressort à chaque concert quand on nous fait des compliments, c’est que rythmiquement c’est solide, il se passe un vrai truc entre deux.

Xavier Pradel : C’est vrai qu’on aurait pu faire un set plus ou moins identique à l’album. A ce moment-là, il aurait fallu tous les hiddentracks, à chaque concert. Si chaque concert était super bien payé, ce serait possible.

Justement ça répond à ma question. En fin de compte, dans les hiddentracks, vous êtes assez nombreux et vous ne jouez jamais tous ensemble …

Xavier Pradel : très rarement, oui.

… ou ce sont des contraintes artistiques, des contraintes économiques, géographiques peut-être ?

Xavier Pradel : géographiques.

Mickaël Mottet : et du coup économiques.

Xavier Pradel : Les hiddentracks sont éparpillés.

Mickael Mottet : Il y en a au Mans, à Chambéry, à Toulouse, à Lyon, à Hyères maintenant, à Toulon, …

Xavier Pradel : Et un en Islande.

Mickaël Mottet : Et un en Islande. Il nous a fait venir d’abord en tant que organisateur de concert et puis, quand il nous a dit qu’il jouait de la clarinette, on l’a engagé dans les hiddentracks (rire).

Xavier Pradel : Voilà. Si vous connaissez des potes musiciens qui organisent des festivals quelque part dans le monde, on les engage, il y a de la place.

Flavien, on ne l’a pas vu sur The John Venture.

Mickaël Mottet : Flavien, il est en ce moment à Brighton en fait. Il fait un stage dans une agence de traduction. Il y est jusqu’au mois d’août. Il revient pour le concert que l’on va faire là le 8 juin à Saint-Etienne. Là, il y sera. Après ça, il reprendra. Effectivement, on a un peu travaillé aussi sur la notion d’inattendu, c’est ce que tu disais. Quand on a bossé sur les versions concert des chansons de l’album, il y avait un peu ce souci là d’arriver à surprendre vraiment, à surprendre et les gens qui ne connaissaient ni d’Eve ni d’Adam ce que l’on faisait, et puis aussi les gens qui connaitraient l’album. Et ça, on espère bien que ça viendra maintenant, qu’il y aura une génération de gens qui auront écouté "Oulipo Saliva", qui vont arriver et qui vont faire : "Ah ouais !". C’est l’idée de surprendre, là aussi de trouver des chemins transversaux.

C’est vraiment important la scène.

Mickaël Mottet : Ah oui, plus qu’avant, en fait. Tous les concerts qui ont suivi "Teaser for matter", pourquoi est-ce qu’ils étaient basés sur ce concept de… un concert, une performance, un truc différent à chaque fois ? Parce que, au fond, répéter, ça me saoulait. Trouver une recette et puis reproduire, ça ne m’intéressait pas. Là, on n’est pas exactement là-dedans, on n’est pas dans un truc de reproduction. Déjà, le set du concert est différent du disque. On est plutôt dans une projection déformé que dans une répétition. En plus, on prend vraiment du plaisir. C’est con à dire mais on prend vraiment du plaisir à jouer ces morceaux, à jouer ensemble, trouver des nouvelles idées.

Xavier, ça faisait déjà un petit moment qu’il jouait de la batterie avec nous, en concert et pour "Oulipo Saliva", j’avais quand même des idées très très précises de batterie et de manière de prendre les batteries, je veux dire de prendre le son des batteries, donc j’ai fait les parties de batterie et Xavier est venu faire les percussions à la fin de "Oulipo Saliva", de l’enregistrement. Mais par contre, c’est évidemment lui qui réinvente et qui se réapproprie toutes les parties de batterie de "Oulipo Saliva" en concert, avec un jeu assez particulier. Moi, j’aime beaucoup le jeu de Xavier.

En fin de compte, vous vous remettez en question à chaque concert. On a l’impression que c’est différent…

Xavier Pradel : C’est vraiment en fonction de l’endroit, du moment, des personnes qui font partir du set Hiddentracks et selon les enregistrements qu’il va y avoir, selon l’ambiance du lieu, selon notre ambiance à nous aussi. Il peut y avoir un côté où on va se dire soit plus soft, soit on se lâche.

Mickaël Mottet : Et maintenant, il n’y a plus autant qu’avant l’aspect remise en question complète, table rase du concert précédent. D’une certaine manière, on prend moins de risque mais tout en se mettant tout le temps en danger.

Xavier Pradel : C’est ça, ce que l’on va changer je pense, c’est simplement une question de douceur, on va atténuer le son, on va jouer moins fort, on va jouer plus lentement ou on va jouer rapidement. Vraiment, on joue sur la nuance près.

Mickaël Mottet : Voilà, c’est ça, on est plus dans des détails, maintenant. Avant, c’était vraiment… je me souviens de concerts radicalement différents. Je me souviens d’un concert que l’on avait fait au Batofar où c’était le chaos sonique et puis, genre le mois suivant à la Guinguette Pirate, avec aucun hiddentrack en commun entre les deux concerts, super doux, calme, acoustique.
Alors que là, pour le coup, maintenant, ce n’est plus vraiment ça, l’idée c’est de changer les détails, la manière.

Xavier Pradel : Etant donné que tu n’es plus tout seul, ça ne change pas radicalement. Maintenant il y a une base, il y a un travail établi.

On va parler de la pochette. Guillaume Long s’est occupé de la pochette, avec un dessin pour chaque chanson. Est-ce qu’il a eu carte blanche pour faire tout ça ou est-ce que tu t’es occupé un peu de ça aussi ?

Mickaël Mottet : Non non, déjà, je suis très content que tu me parles de l’aspect graphique parce que tout le monde en dit du bien, je veux dire les gens dans mon entourage, les gens à qui on a l’a fait écouter et tout et tout. Pourtant dans la presse, on n’a pas lu grande chose dessus et je trouve ça super dommage parce que déjà, dans l’absolu, je le trouve extrêmement doué Guillaume mais en plus là, je trouve qu’il a fait un truc qui colle parfaitement au disque. Alors, Guillaume, on l’a rencontré ici même (ndlr : le Snug de Saint-Etienne). C’est vraiment lié à ce lieu, plus qu’à Saint-Etienne qu’au Snug. Xavier, en fait, il travaille ici, s’occupe de ce lieu, c’est lui qui l’a monté, et c’est aussi par Xavier que j’ai connu Guillaume.

Il le raconte d’ailleurs dans un de ces albums.

Xavier Pradel : C’est vrai, dans le quatrième (ndlr : Anatomie de l’éponge).

Mickaël Mottet : Alors, c’est romancé (rire).

C’est très romancé.

Xavier Pradel : Mais la base est vraie. On se connaît depuis pas mal de temps avec Guillaume. Moi, je connaissais pas mal de gens là-bas et du coup, 5 mois plus tard, on était ensemble avec Michaël et …

Mickaël Mottet : Voilà au départ, on commence à discuter l’idée qu’il dessine sur scène avec nous, que l’on finit par faire - ce sera le cas au Glaz’Art. Un jour on se parle de nos grands rêves et lui, il me dit : "moi, mon grand rêve, ce serait de faire la pochette d’un disque". Et moi, je lui dis "moi, mon grand rêve, ce serait que David B. fasse la pochette de "Oulipo Saliva" et puis je réfléchis 30 secondes et je me dis : "t’es super con de lui avoir dit ça, en fait " (rires) Parce que, au fond, voilà, j’étais vraiment en admiration devant une série de BD de David B. qui s’appelle "l’Ascension du Haut Mal", et je le suis toujours. Mais, en même temps, j’avais sous la main un mec hyper doué avec qui on était en phase.

Xavier Pradel : Au contraire, tu l’as valorisé parce que lui étant aussi un grand fan de David B., quand tu lui as dit "bah, finalement, je te prends toi …"

Mickaël Mottet : Oui, c’était le challenge !

Xavier Pradel : Alors qu’au départ, tu pensais vraiment le prendre. Mais, c’était pour le faire mousser un peu, c’est ça !

Mickaël Mottet : J’hésite entre toi et David B…

Xavier Pradel : Allez, j’te prends toi ! (ndlr : rire général)

Mickaël Mottet : Je trouve qu’il a vraiment chopé un truc. Lui, ce qu’il a fait, c’est qu’il m’a demandé une sorte d’explication de texte sur chaque morceau. En fait, moi, je lui ai envoyé les morceaux en anglais avec des flèches et puis quelques mots, quelques idées, parfois des dessins autour du texte.

Et à partir de là, lui en a fait un peu ce qu’il en a voulu, avec carte blanche complète. C’est lui qui a eu l’idée de faire que du noir, pas de couleur. C’est de lui qu’est venue l’idée de la pochette du mec avec le t-shirt. Toute la conception…

Je ne sais pas si tu as fait gaffe mais il a tout redessiné : le logo du label, c’est lui qui l’a dessiné. A l’intérieur, sur le cd on fait une espèce de note légale recomposée, réécrite sans "e" avec en gros les notices Creative Commons. C’est pareil, même les logos de Creative Commons, c’est lui qui les fait. Moi, j’aurai bien aimé qu’il dessine les codes barre.

Mais ça ne passerait plus après…

Mickaël Mottet : Oui, c’est ça. (rires)

Qu’est-ce qu’il apporte sur scène avec ses performances quand il fait des dessins ? Est-ce qu’il y a une interaction entre lui et le groupe ?

Mickaël Mottet : A chaque fois qu’il l’a fait, ça s’est passé comme ça, oui. Alors, je lui envoie la liste des morceaux que l’on va jouer ce soir là, je lui réexplique un peu au besoin les thèmes des morceaux. Après, selon les concerts, il y en a certains où il a fait des dessins distincts d’une chanson à l’autre, d’autres où il a fait une vraie évolution narrative sur tout le concert. Donc là, je ne sais pas trop ce qu’il fera encore le 13, on est en train d’en discuter. Ca va dépendre un peu de la set liste, justement.

Régulièrement, en fait même à chaque fois, ce qui s’est passé, c’est que je voyais ce qu’il faisait. Parce que la manière dont on se dispose sur scène, on est vraiment en demi-cercle parce que moi, j’ai envie d’avoir un contact visuel avec tous les musiciens. Donc là, je jetais assez régulièrement des coups d’œil sur ce qu’il était en train de faire et je réagissais dessus. Ca pouvait prendre la forme d’une espèce d’impro au milieu des paroles. Du coup, il avait un trait un peu nerveux alors ça influençait sur la manière de jouer le morceau. Oui, il y a toujours eu un truc interactif au bout d’un moment dans le concert.

Tu es distribué parallèlement sur La Baleine, sur un réseau "classique" mais également sur CD1D qui propose des cds "directement du producteur au consommateur. Comment cela est perçu par le public et par le distributeur, est ce que le volume de vente est significatif ?

Mickaël Mottet : Pour l’instant, il y a autant de ventes sur cd1d qu’en magasin. La Baleine, je ne crois pas qu’ils soient opposés à cette idée parce qu’ils ont l’intelligence de voir que ce n’est pas du tout… que ça ne s’annule pas, que ça reste un truc complémentaire. De toute façon, dans l’esprit, ils ne reprochent pas à We are Unique d’avoir un magasin en ligne entre guillemets, parce que l’on peut faire une commande en ligne sur le site de We are Unique.

Et donc au fond, c’est un peu le même principe, cd1d. Ca donne ce côté plateforme avec plein de labels indépendants et puis essayer de défendre le truc, essayer de faire de la pub au maximum autour de ça, ça pourrait gêner les distributeurs et pourtant il y en a aucun qui gueule. Dans tous ceux qui sont représentés dans les labels de cd1d, il y en a aucun qui se la raboule en disant : "ça va pas, vous nous piquez des… " Parce qu’au fond, ils savent que non, ce n’est pas le cas.

C’est peut-être aussi parce que cela constitue un mini laboratoire où l’on observe la façon dont cela va évoluer.

Mickaël Mottet : Mais oui, c’est ça, je pense que tout le monde est curieux de voir l’évolution que ça va avoir parce que potentiellement, c’est énorme, cd1d. Ils sont en train de réfléchir à, peut-être avant la fin de l’année, le fait de passer au dématérialisé, pas par le mp3 plutôt par le wave. Ce serait encore une étape. Potentiellement, ça peut être un site énorme. Je pense qu’il y a une vraie curiosité aussi des distributeurs sur ce que cela peut donner. Mais en tout cas, je ne pense pas que ça s’annule avec le travail traditionnel des distributeurs en magasin parce que de toute façon, ce travail là, il est rendu tellement difficile aujourd’hui.

La Baleine, il y a eu un changement d’équipe récemment, il y a un nouveau DA, entre autres. Le Directeur Artistique, il est vraiment à bloc sur Oulipo Saliva, il a adoré le disque. C’est la première fois que La Baleine nous demande des copies promo du disque pour pouvoir eux-mêmes faire de la promo. Je pense qu’il est ravi plus que de n’importe quoi d’autre de voir que les ventes sont le double de ce qu’elles pourraient être aujourd’hui grâce à cd1d. Je pense que les gens qui achètent sur cd1d, oui, ce sont des gens qui pourraient aller l’acheter en magasin. Moi je pense qu’il y a une grosse partie de gens qui ont un rapport au disque maintenant, qui peut être encore assez respectueux de l’objet mais il faut que ça se passe chez eux en fait.

Il y a ce truc là de : "de toute façon à la FNAC, ils n’ont plus le disque donc pourquoi je me bougerai le cul à aller… "Le disque reste 4 jours en rayon, je vais aller le commander, ils vont me dire : "ouh la la, La Baleine, là, il y en a pour 3 mois ". Bah non, je vais rester chez moi, je vais télécharger le bordel et puis si j’ai envie de soutenir l’artiste alors j’irai l’acheter en ligne. Au fond, ce n’est pas forcément le même public.

Avec le premier album, "Teaser for Matter", tu avais été un peu chouchouté par les Inrocks. Et là, comment a été accueilli cet album ?

Mickaël Mottet : Super bien encore, super bien. Les premières réactions…

Xavier Pradel : Encore mieux même.

Mickaël Mottet : C’est même au-delà en fait parce que… C’est vrai, je suis assez d’accord avec ce que tu dis. Vraiment, on sent qu’ils nous ont pris sous leur aile. Ils se sont dits : "ce sont des petits jeunes qui n’en veulent, on va les aider". Là, du coup, il doit y avoir, je pense, de leur part une espèce de satisfaction, de se dire : "bon bah, ça se concrétise". Effectivement, cet album, ils ont l’air de le trouver réussi. On a déjà eu un super article de Cazenave sur les Inrocks.com.
Xavier Pradel : la semaine dernière aussi dans les Inrockuptibles. Je n’étais pas au courant moi non plus. Il y a le dessin de Guillaume d’ailleurs où on est tous les trois avec Flavien, toi et moi.

Mickaël Mottet : Ah, c’est l’annonce du focus sur Inrocks.com.

Xavier Pradel : Il va y avoir l’interview par contre dans deux semaines sur les Inrocks papier.

Mickaël Mottet : Je ne sais pas encore quand, en fait.

Xavier Pradel : C’est peut-être la semaine du concert au Glaz’Art, peut-être. Logiquement, dans trois semaines.

Mickaël Mottet : Magic, pareil. Ils avaient déjà fait un article qui était vraiment bien sur "Teaser for Matter". Là, ils ont fait un truc, ils ont mis... Il manque juste le petit point pour qu’il y ait le nombre de points complet. En fait, ils mettent le nombre de points complets à un seul disque par mois qui est LE disque du mois, l’article est hallucinant. Puis pour la première fois, je crois, depuis le premier Mélatonine, il y a Rock’n Folk qui chronique une sortie de We are unique Records et même ils vont jusqu’à prendre un morceau sur un de leurs samplers. Donc ça aussi, c’est énorme !

Et puis les webzines ont super bien réagi. C’est pareil, le Mélatonine, Gérald, il avait un peu pesté contre certains webzines au moment de la sortie du deuxième Mélatonine puisqu’il disait : "oui, d’habitude ils sont réactifs mais là… ". C’était une période où il y avait beaucoup de disques, les chroniques sont arrivées quand même assez étalées alors que là, il y a eu un blog sur deux trois semaines. Pareil, tous les webzines ont joué le jeu. C’est génial de se retrouver face à des chroniques assez créatives, genre celle de David de Froggydelight, on a halluciné quand on a lu ça ! Pour l’instant, les réactions, on est ravi.

Et avec tout ça, tout ce phénomène, est-ce que tu te sens de faire partie d’une scène française ou tu es complètement détaché de tout ça ?

Mickaël Mottet : Pas du tout. Honnêtement, je me sens plus à la limite inscrit dans une scène locale, pas forcément par affinités musicales mais vraiment par affinités humaines avec, par exemple, une petite nana qui fait des chansons un peu dans son coin qui s’appelle Raymonde Howard et puis forcément des gens comme Broadway, un gars qui s’appelle Deschannel qui vient de sortir un disque hip hop instrumental que je trouve super bien. Voilà, plus par affinités humaines.

C’est peut-être aussi du fait de Saint-Etienne, le milieu associatif y est très présent…

Mickaël Mottet : C’est ça, on se connaît. C’est une bulle très créative.

Xavier Pradel : C’est pour ça que je suis venu ici. Parce qu’il y a un potentiel, vraiment ! C’est une ville qui n’est pas chère, les artistes peuvent vivre ici et créer ici sans que ça leur coûte un rond.

Mickaël Mottet : À St-Etienne, il y a le festival des Musiques Innovatrices que l’on va faire, plusieurs festivals dans ce style là.

Xavier Pradel : Oui, et puis il y a beaucoup de concerts. Toutes les associations qui organisent des concerts, des lieux qui ouvrent et qui ferment, des lieux indépendants qui bougent, qui font des choses, c’est bien. Mais dans notre registre, d’une manière musicale, c’est vrai qu’il n’y a personne, il n’y a pas grand monde.

Mickaël Mottet : Sur Saint-Etienne ?

Xavier Pradel : Je parle même en France. C’est plutôt une scène américaine, anglo-saxonne.

C’est vrai qu’on vous a plus rattaché à des groupes comme WHY? Qu’à une scène française…

Mickaël Mottet : D’ailleurs, j’ai eu cette semaine un message de Why et un message des Radar Brothers à qui j’avais envoyé l’album parce qu’ils sont remerciés sur le disque. Tous les deux m’ont dit qu’ils avaient adoré l’album et notamment Jim Putnam, le chanteur de Radar Brothers qui me fait un long message en me disant : "j’ai adoré les arrangements, la production, super bien, est-ce que c’est toi qui as écrit les arrangements de cuivre ? Mais tu dois connaître un orchestre ! " Il fait tout un truc. Why, il est un peu plus laconique. Pareil, il me dit : "super bien, je vais le réécouter ".

Xavier Pradel : Ils ne veulent pas que l’on joue ensemble ?

Mickaël Mottet : Radar Brothers, si ! Il m’a dit : "on vient jouer en 2008 en France. Ce serait trop bien si on pouvait jouer ensemble". Maintenant, s’il le garde en tête et qu’il gère un peu ça avec son tourneur… Moi, je vais essayer de bien garder le contact.

Xavier Pradel : Oui, carrément.

Mickaël Mottet : Je ne sais pas encore ce que Laetitia Sadier (ndlr : chanteuse de Monade et de Stereolab) en a pensé. En fait, quand on a joué en Islande, on a joué avec Monade et donc on lui a envoyé l’album.

Xavier Pradel : Là, elle vient de rentrer. Elle m’a envoyé un mail en disant : " j’espère que vous êtes bien rentrés et que tout va bien. J’ai hâte d’écouter l’album".

Mickaël Mottet : OK. Bon, on verra ce qu’elle en pense.

Tes influences sont plus à chercher outre manche et outre-Atlantique. Et si on te demandait de faire un album en français ? Est-ce que tu y as déjà réfléchi ? Ne serait-ce qu’une commande, ça pourrait se faire ou pas du tout ?

Mickaël Mottet : Alors je pense que ça pourrait se faire. A coup sûr, en l’état actuel des choses, ce ne serait pas moi qui chanterai. Par exemple, l’idée qui me vient, c’est que je vais faire une performance mercredi 6 juin, c’est-à-dire juste avant notre concert aux Musiques Innovatrices, dans une maison au Crêt de Roc à Saint-Etienne, avec un metteur en scène qui s’appelle Mourad Haraigue. Ca s’appelle "Invisiblement". C’est une expo photo autour du pavillon psychiatrique stéphanois, de ce thème là. Les photos ont été prises aux alentours du pavillon psychiatrique stéphanois. En l’occurrence, près de ce lieu, il y a une zone commerciale. Voilà ce que l’on propose aux patients quand ils sortent de l’hôpital : le monde de la vie des zones commerciales. C’est une série de photos qui est magnifique, tirées en assez grand format.

Moi, je participe au vernissage. Je vais faire de la musique à partir de boucles, en jouant beaucoup avec la boomerang que je n’utilise plus du tout par contre dans Angil. Et par-dessus ça, il va y avoir des lectures de texte qui ont été en gros réécrits à partir de témoignages soit de soignants, soit de patients en psychiatrie par Mourad donc. Finalement, j’y trouve un petit côté un peu "Programme". On a déjà commencé à travailler dessus, il y a ce côté-là : moi, je pars dans des trucs qui peuvent vraiment être assez barrés, lui aussi.

Il y a des moments où ça m’évoque un peu surtout le troisième projet de Programme, "Bogue". Ce travail un peu sur le son, sur la déformation de la voix. Je me dis que ce truc là, si j’essayais de l’isoler et de ne garder que le côté sonore du truc, ça a un côté visuel aussi, ça pourrait s’envoyer à, j’en sais rien, "Tôt ou tard" ou à "Ici d’ailleurs". Pourquoi pas, tu vois je ne serais pas contre. Après moi, écrire en français, chanter en français : non. Dans l’état actuel des choses, non.

Ca reste ouvert. Après tout, il y a eu une époque où on avait fait plusieurs concerts avec une nana, une stéphanoise qui lisait des textes que Flavien et moi avions écrits, entre les morceaux, pendant les morceaux, en français, avec un peu cette idée justement d’apporter le français au milieu quand même des morceaux. Donc on n’est pas fermé non plus. Juste ça ne passera pas par moi : le filtre personnel. (rires)

A l’époque de "Teaser for matter", tu avais joué avec des cordes. Est-ce que tu tenterais l’expérience de jouer carrément avec un orchestre de jazz ?

Mickaël Mottet : Oui, oui bien sûr. Déjà, le fait d’arriver à réunir tous les Hiddentracks pour un concert ou deux, ce serait génial. C’est dommage, il y a eu un projet de concert avec un orchestre de chambre qui a été abandonné quasiment au dernier moment, qui devait se faire en Islande. Je devais retourner en Islande, fin avril. Le projet a été annulé, tant pis… J’ai quand même gardé les premières partitions que j’avais commencées à écrire.

On va arriver quand même à quelque chose d’approchant. On va faire un concert à Toulouse début juillet. On descend avec Xavier qui jouera de la batterie et ensuite, à part ça, il n’y aura que des cordes. Donc, il y aura Pauline contrebasse, Jean-Christophe qui jouera du violon et les deux joueuses de corde toulousaines des Hiddentracks, Marie et Géraldine qui jouent de l’alto et du violoncelle. J’aurai un vrai quatuor à cordes. Je m’accompagnerai sans doute avec un petit peu de guitare, il y aura Xavier qui fera la rythmique et ce sera un peu dans cette idée là de réorchestration des morceaux.

Si on arrivait à faire un concert où on réunisse de nouveau tous les Hiddentracks comme cet été, déjà nous, on serait trop heureux. Oui, ce serait génial. Il faudrait une petite résidence de deux ou trois jours tous ensembles avant. On a réussi à le faire sur "Teaser for Matter", alors… Imagine rejouer "Oulipo Saliva" tous ensemble !

Xavier Pradel : Oui, ce serait beau.

Pour vous comme pour le public. Je pense qu’on serait demandeur.

Mickaël Mottet : On l’a un petit peu évoqué à Bourges avec un gars, l’ancien programmateur du Brise-glace à Annecy qui, maintenant, essaie de monter un lieu à Grenoble où il a vraiment envie de monter un lieu de résidence pluridisciplinaire, pas seulement la musique. Et il m’a dit : "évidemment, un premier projet auquel je pense, ce sont les hiddentracks parce que tu es complètement dans ce délire là". Lui, c’est le premier à m’avoir vraiment soutenu, à avoir joué le pari de mettre Angil en première partie de Joseph Arthur, oui ! Lui, il a toujours ce truc là en tête aujourd’hui, il a vu le parcours que l’on a jusqu’ici, donc ça passera peut-être par lui.

Si tu devais reprendre à l’improviste une chanson de quelqu’un d’autre dans un de tes concerts, est-ce que tu le ferais ?

Mickaël Mottet : On le fait, on le fait assez souvent, régulièrement. La dernière reprise que l’on a faite, c’est "Off you" des Breeders sur leur dernier album qu’on a finalement abandonné mais pour reprendre ce que l’on en avait fait parce qu’on essaie toujours de transformer un peu, c’est l’intérêt de la reprise. On a repris le thème de ce que l’on avait fait pour une autre chanson, du coup, une nouvelle composition. Avant ça, on avait fait une reprise de Broadcast, Yo la tango assez souvent, Sun Ra, le 15 mars on a fait une reprise de Blonde Redhead… On joue régulièrement… On essaie de jouer Wowee zowee de Pavement.

Xavier Pradel : Un album que l’on écoute en boucle.

Mickaël Mottet : C’est une bonne façon de se chauffer en fait avant de commencer les répèts !

Xavier Pradel : Et bientôt du Sonic Youth ! (rire général)

Une petite dernière question plus personnelle… J’ai écouté il y a bien longtemps un album qui m’a beaucoup marqué qui est "Relics"» de Pink Floyd, je ne sais pas si tu connais…Relics est une compil sortie en mai 1971, ce sont tous les singles de l'ère Syd Barrett. On y retrouve notamment Arnold Layne et See Emily Play. Je trouve le parallèle entre cet album et Oulipo intéressant.

Mickaël Mottet : En l’occurrence, j’ai pas mal écouté Ummagumma, c’est un peu la même période. Et puis un peu de cette époque là aussi, j’ai beaucoup écouté un disque qui s’appelle "Centipede". C’était un collectif, ils avaient juste fait un album, ils étaient assez nombreux sur ce disque là, qui regroupait plein de musiciens de la scène canterbury entre autres avec Robert Wyatt, et vraiment toute une flopée de gens. Enfin tu verras, si tu cherches un peu, si tu farfouilles sur Internet, tu trouveras des liens. Il y a ce côté disque collectif voix, une espèce de gospel blanc. Ca, je l’avais un peu en tête.

De cette époque là et même avant, c’est pareil, il y a une référence dont je ne parle pas assez souvent parce que je parle souvent de références actuelles, je parle des derniers chocs, on parle de "Why ?"… Au fond, il y a un groupe sur lequel je reviens constamment, en permanence et ça n’a absolument rien d’original, ce sont les Beatles. Au moment où je composais "Oulipo Saliva", j’écoutais à mort Abbey Road, vraiment beaucoup beaucoup, c’est peut-être l’album que j’écoutais le plus à ce moment là.

Le fait de fractionner par exemple les morceaux, c’est la face B d’Abbey Road. Il y a ce côté, je trouve un peu, je ne sais pas comment dire, peut-être relâché de cette époque là, décomplexé. Que je retrouve dans certains albums contemporains genre, il y a un groupe qui s’appelle "The Instruments", un groupe américain. C’est le projet d’une nana, qui a plus ou moins rapport avec les "13th Floor Elevators", avec des groupes psychédéliques des années 90-2000.

C’est pareil, ils retrouvent, eux, ce côté Castagnette, C’est un collectif Castagnette de San Diego, je crois. Avec ce truc là de : "allez, on va tous se rassembler", cette espèce de truc de disque communautaire, avec des voix multiples. C’est vachement les choses que j’avais en tête, en écrivant. Justement, Syd Barrett, genre le premier morceau d’Ummagumma, c’est exactement ça, c’est tout basé sur une forme uni vocale bizarre. J’essaierai de jeter une oreille sur "Relics", je pense que Flavien connaît par cœur !

 

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Crédits photos : David


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# 17 mars 2024 : le programme de la semaine

De la musique, des spectacles, des livres. Aucune raison de s'ennuyer cette semaine encore. Ajoutons à cela nos chaines Youtube et Twitch et la semaine sera bien remplie.

Du côté de la musique:

"Almost dead" de Chester Remington
"Nairi" de Claude Tchamitchian Trio
"Dragging bodies to the fall" de Junon
"Atmosphérique" de Les Diggers
quelques clips avec Nicolas Jules, Ravage Club, Nouriture, Les Tambours du Bronx, Heeka
"Motan" de Tangomotan
"Sekoya" de Tara
"Rita Graham partie 3, Notoriété", 24eme épisode de notre podcast Le Morceau Caché
et toujours :
"Scars" de Greyborn
"Rooting for love" de Laetitia Sadier
"Quel est ton monde ?" de Olivier Triboulois
"Letter to self" de Sprints
"TRNT best of 1993 2023)" de Tagada Jones
"Beyond the ridge" de Wildation
Quelques clips chez YGGL, Down to the Wire, Malween, Lame, For the Hackers et Madame Robert

Au théâtre

les nouveautés :

"Une vie" au Théâtre Le Guichet Montparnasse
"Le papier peint jaune" au Théâtre de La Reine Blanche

"Lichen" au Théâtre de Belleville
"Cavalières" au Théâtre de la Colline
"Painkiller" au Théâtre de la Colline
"Les bonnes" au théâtre 14
et toujours :
"A qui elle s'abandonne" au Théâtre La Flêche
"Les quatres soeurs March" au Théâtre du Ranelagh
"Mémoire(s)" au Théâtre Le Funambule Montmartre
"N'importe où hors du monde" au Théâtre Le Guichet Montparnasse
"Quand je serai un homme" au Théâtre Essaïon

Du cinéma avec :

"El Bola" de Achero Manas qui ressort en salle

"Blue giant" de Yuzuru Tachikawa
"Alice (1988)" de Jan Svankmajer
et toujours :
 "Universal Theory" de Timm Kroger
"Elaha" de Milena Aboyan

Lecture avec :

"La sainte paix" de André Marois
"Récifs" de Romesh Gunesekera

et toujours :
"L'été d'avant" de Lisa Gardner
"Mirror bay" de Catriona Ward
"Le masque de Dimitrios" de Eric Ambler
"La vie précieuse" de Yrsa Daley-Ward
"Le bureau des prémonitions" de Sam Knight
"Histoire politique de l'antisémitsme en France" Sous la direction d'Alexandre Bande, Pierre-Jerome Biscarat et Rudy Reichstadt
"Disparue à cette adresse" de Linwood Barclay
"Metropolis" de Ben Wilson

Et toute la semaine des émissions en direct et en replay sur notre chaine TWITCH

Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

           
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