Comment vous vous êtes décidé à vous lancer en solo, puisqu’au départ vous faisiez essentiellement un travail de collaboration ?
Peter Von Poehl : Pour être complètement honnête, c’est quelque chose que j’ai soigneusement évité. Sans blague, ce n’était pas complètement facile comme exercice.
Il y a 4 ans, j’ai carrément fait un disque qui n’est jamais sorti, après je me disais "je ne vais jamais refaire cela… " J’habitais à Paris à l’époque, c’était en 2003, à cette époque j’ai fait un voyage à Berlin, j’ai trouvé un studio d’enregistrement, c’est là que j’ai pris la décision de louer un appartement là-bas et de me dire "je ne sors pas avant que mon album soit fini !".
Y a-t-il des gens qui vous ont poussé à faire cet album ?
Peter Von Poehl : Non, c’est plutôt le fait d’avoir fait un projet il y a 4 ans et de ne pouvoir le sortir. Je ne me suis pas laissé de choix.
Vous avez collaboré avec des artistes français comme Vincent Delerm par exemple…
Peter Von Poehl : Oui cette collaboration a été très agréable, j’ai fait le travail de réalisation, d’arrangements avec lui.
Quelles sont vos inspirations, vos références ?
Peter Von Poehl : C’est assez particulier, cela peut paraître une blague, mais ce sont vraiment des chansons traditionnelles suédoises, comme les chansons de noël suédoises. Pour expliquer cela, le fait que tous ces disques tournent un peu autour du même thème, depuis que j’ai 16 ans, je suis systématiquement en voyage, j’ai habité dans pas mal d’endroits, déjà pour quelqu’un qui n’aime pas voyager à la base…c’est assez curieux et j’ai donc une relation avec mon pays qui est assez curieuse, c’est à la fois quelque chose qui m’est très familier et en même temps hyper étrange.
Ce que j’ai essayé de faire à travers ce disque, je pense que c’est de comprendre tout cela, d’essayer de chercher ce qui pour moi représentait cette sensation assez contradictoire. Ces sonorités de chansons de Noël où les arrangements sont "très cuivres, liés à l’armée du salut" m’ont vachement marqué quand j’étais petit : On chantait dans la chorale, le prof qui se mettait à l’harmonium et l’on chantait des chansons traditionnelles… Par contre mes amis suédois ne trouvent pas du tout que mon disque sonne suédois donc ce n’est pas hyper réussi mon coup ! (Rires)
En France il y a un festival suédois sur Paris, cette année au Printemps de Bourges, beaucoup d’artistes suédois sont programmés. On s’aperçoit que les suédois sont très appréciés en France, d’où vient ce phénomène ?
Peter Von Poehl : C’est vrai qu’il y a beaucoup de groupes suédois, il y a des raisons connues à la base qui sont politiques, par exemple moi quand j’étais ado, la ville nous payait un local de répet’ et même je crois bien 50 euros par mois pour s’acheter les instruments. On achetait plutôt de la bière (Rires), du coup soit on jouait au foot soit on se lançait dans un groupe de rock comme moi. Je jouais du MC5, Stooges... Après il y a plein de groupes qui ont continué comme moi ... je pense que cela vient à la base de ça. La Suède, c’est le 3ème exportateur mondial de musique après les USA et l'Angleterre, pour 8 millions d’habitants, cela représente beaucoup de groupes !
Finalement vous ne vous sentez pas vraiment suédois, en tout cas pas vraiment attaché à un pays ? Vous avez beaucoup voyagé, actuellement vous vivez à Berlin…
Peter Von Poehl : Oui c’est ça, cela fait bizarre puisqu’à la fois je paye mes impôts en Suède, officiellement je n’ai pas déménagé, mais en même temps je n’y suis pas très souvent et quand j’y suis c’est assez étrange… ce n’est pas hyper clair cette histoire !
Vous vous sentez bien à Berlin ? C’est une ville culturellement agréable ?
Peter Von Poehl : Je suis dans le quartier turc, c’est très mélangé, je me sens bien. Je ne me sens pas hyper à l’aise quand c’est trop homogène.
Pourquoi au début vous vouliez intituler votre album "Mummenschanz" ?
Peter Von Poehl : Oui, parce que c’est un vieux mot allemand qui signifie "mascarade", ou plutôt "bouffon" je voyais un peu l’album comme cela, ce n’est pas hyper flatteur ! (Rires) Je le voyais plutôt comme quelqu’un qui va de place de village en place de village. A l’époque je jouais beaucoup tout seul. Justement il y a 4 ans quand j’ai laissé tombé mon projet d’album pour travailler avec les autres, un ami a eu la bonne idée de me demander pourquoi je ne jouerais pas seul, guitare, voix harmonica, …
C’était l’arrangement musique le plus chiant de toute l’histoire! (Rires) Mais c’était vachement bien de faire cela, j’ai eu l’impression que cela correspondait assez bien à mon état d’esprit de l’époque : mummenschanz. Après pour ne pas créer de malentendus et ne pas compliquer les choses j’ai décidé de changer le nom de mon album. Je suis conscient de cette contradiction, à l’image de la pochette de mon disque, qui provient d’un travail de ma sœur qui est plasticienne : ce sont une quinzaine de dessins qui font 1m par 70 cm, quand il sont exposés ils couvrent tout un mur.
Quand on voit de loin cela constitue une espèce de nuage de flèches, assez mignon, assez esthétique, quand on se rapproche on se rend compte qu’ils sont tous dessinés à la main, la moitié sont remplis par de l’encre par-dessus le crayon, il doit y avoir 20 000, 25 000 flèches… C’est assez déstabilisant.
Pour moi c’est cette sensation de premier abord hyper clair, hyper simple, très compréhensible, accessible puis après on se rend compte que ce n’est pas tout à fait comme cela. J’essaye d’avoir ce niveau d’organisation avec ma musique, quelque chose de très simple au départ : ces petits formats de chanson qui m’ont toujours fait rêver et envie de faire de la musique, ces trucs de 3mn30, couplet refrain - couplet refrain… Puis une 2ème lecture où l’on peut remplir avec tout ce que l’on veut dedans avec son imagination.
Vous parliez des cuivres tout à l’heure, cela a une importance spéciale pour vous cette sonorité ? C’est assez présent dans l’album ?
Peter Von Poehl : Oui, au final c’est un peu la même couleur sur toutes les chansons, justement par rapport à ce que je disais tout à l’heure, les cuivres, cette ambiance assez étrange "armée du salut" tous les samedis sur la place principale de la ville, cela représente pour moi la Suède et cela m’a vraiment marqué. Cette musique qui n’est pas forcément hyper juste mais très touchante et me rendait parfois aussi un peu mal à l’aise… peut- être parce que je ne donnais pas de sous ! (Rires)
Quel pourrait être le trait d’union entre toutes vos chansons de votre album s’il y en a un ?
Peter Von Poehl : Oui il y en a un, c’est assez précis, mais je ne sais pas comment dire, ce qui était très présent pour moi, on peut dire bêtement en quelque sorte que c’est la recherche d’une maison quelque part. C’est le même thème un peu détourné, tourné d’une autre façon qui lie ces chansons. Mais en même temps ce n’est pas important pour moi, finalement on s’en fout un peu.
Ce n’était peut-être pas conscient de faire ces liens entre toutes les chansons ? Si l’on se l’impose, cela peut bloquer la création ?
Peter Von Poehl : C’est plutôt le contraire, venant d’une approche de la musique qui est d’être plutôt au service des autres à travers la réalisation pour d’autres artistes. Du coup je me suis rendu compte que de faire quelque chose sur son nom c’est aussi une responsabilité, pour moi c’est donc très important le rapport entre toutes ces chansons, savoir de quoi cela parlait, pourquoi telle ou telle chanson, quel est le rapport entre la première chanson et la dernière, je me suis posé toutes ces questions. C’est une manière de me limiter dans les arrangements comme dans le texte, dans la mélodie aussi.
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