Le Rock Dans Tous Ses Etats, le festival de l’hippodrome d’Evreux offre toujours un match retour. Dans cette programmation 2007, pléthorique et vertigineuse, le menu s’annonce encore une fois roboratif. Au programme ce jour : Mademoiselle K, Midlake, Peter Von Poehl, Cake, Clap your hand say Yeah, Gomm, Franck Black, Kaiser Chiefs. Plus ce serait presque trop ! En gourmand de musique, on se jette sur l’hippodrome pour goûter à ce mélange de douceur et de nervosité rock.
15h30. Encore tout endormi des agapes de la veille, le corps encore atteint de mouvements désordonnés dû à la performance de !!! jusqu’à très tard, rien ne vaut le réveil tonique des neurones rock par la gouailleuse Mademoiselle K qui prouve s’il en était besoin qu’elle a tout pour devenir la plus grande.
Elle regrette en rigolant le peu de temps qu’elle aura pour jouer. Nous aussi. Elle est belle, elle a une classe folle et une musique écorchée, cogneuse, railleuse et agressive.
Mademoiselle K est taillée pour la scène. Elle cogne et ses musiciens avec elle, elle rigole et le public avec elle. Mon dieu (celui du rock’n’roll qui a ordonné le beau temps) que la journée commence bien.
Le principe des saunas finlandais est appliqué et revigore, même si Midlake, et malgré un guitariste remarquable endort un peu les festivaliers après la performance d’une Mademoiselle K qu’on aurait voulu plus longue.
On peut utiliser tous les superlatifs que l’on veut pour Midlake : lunaire, poétique, baroque même par certains côtés.
Mais tout est affaire de contraste, et pour tout dire ici la fadeur l’emportait quelque peu. Contre tout attente, alors qu’il est lui aussi rangé dans la case "intimiste", c’est Peter Van Poehl, le suédois dégingandé, qui réveille la scène avec une musique joyeuse et un plaisir réel d’être là.
Protégé de Burgalat, celui-là ne peut le cacher : arrangements soyeux pour une prestation joyeuse, voilà qui est agréable pour se prélasser dans l’herbe en attendant le lourd (ne prenons pas le mot au pied de la lettre, Frank Black m’en voudrait, nous y viendront ensuite)..
Cake se présente sur scène. C’est avec un peu d’émotion que pas mal de trentenaires voient arriver les ricains sur scène. Mélodies posées, et la boule de dancing qui trône et qui annonce la couleur.
A l’instar des groupes anglais qui parsèment la programmation, Cake est un groupe qui aime à faire danser, et de manière efficace.
On sent un petit côté diva pop mais ça fonctionne toujours. Mais c’est amusant, plein de gens arrivent avec des T-shirts des Pixies… Il se passe quelque chose ?
Les Belges de Sharko viennent alors mettre un peu d’électronique dans tout ça. Sharko est typiquement le groupe qui mousse depuis le début de l’année et que l’on attend, ne serait-ce que pour voir ce que cela donne sur scène.
Pas de surprise, cela en est déjà une bonne : la pop est assumée et le groupe aime la scène. Pas de surprise, c’est aussi un peu l’impression de ne pas découvrir plus que sur l’album…
Ca manque d’un truc, comme du sel. Avis personnel de l’auteur, à voir l’adhésion immédiate du public.
Tout ceci peut être parce que plus tard dans la soirée, c’est un groupe affichant lui aussi un fond électro-rock (bien que sur d’autres contrées) qui a eu le rôle du quotidien retourneur d’hippodrome. Gomm, guitares saturées de plaisir, batteur vitaminé et très technique et chanteuse au charisme faramineux pour un cocktail brûlant qui ne laisse pas indifférent.
C’est un peu le bienfait des festivals comme le RDTSE, l’occasion de comparer, de se faire son idée. Gomm a tapé très fort et très haut. Le dernier album est excellent mais la prestation scénique offre un vrai plus. On a hâte de les revoir !
Le public, qui attend visiblement un certain monsieur Black - mais qui est-ce ?- patiente en découvrant le petit phénomène Américain de Clap Your Hands Say Yeah.
On ne va pas refaire l’histoire de ce groupe, mais on sent qu’il y a de l’asphalte et de la scène, même si à bien regarder dans le rétro, il s’agit d’un groupe comme on en fait mille.
Ca bouge et ça saupoudre de sucre l’hippodrome avant qu’un monsieur en noir vienne l’arroser d’essence pour en faire un bon vieux cocktail molotov.
Frank Black. Signe particulier : s’habille comme il s’appelle.
Le leader des Pixies n’a rien perdu de sa superbe ni de sa ligne et c’est tant mieux pour nous et pour lui. Oserait-on dire que dans les deux cas il fait même mieux qu’avant ? Possible.
Des musiciens imparables, un bassiste notamment qui cogne comme rarement, et une prestation scénique enragée. Les Kids venus voir les Kaiser Chiefs plus tard semblent médusés.
A l’heure de la politique du paraître, Frank Black impose sa classe. Il y a dans sa prestation de la violence et de la grâce mêlée, il y a des reprises des Pixies… Il y a finalement du bonheur.
Menomena a la lourde tâche de reconstruire après le cataclysme (des cataclysmes comme ceux-là, on en voit tous les jours, et partout dans le monde, encore !) et le fait grâce à une pop calculée, un poil arty mais qui doit avoir besoin de temps pour se placer.
Tout ceci est luxueux, un brin trop peut être après la démonstration de l’ex-Pixie. On aimerait voir Memomena en salle sur un concert long pour voir de quoi il en retourne, parce qu’on sent pas mal de potentiels chez ceux-là.
Beaucoup de festivaliers, à l’heure de Memomena étaient partis voir Peter Björn and John. Papamobile pleine à craquer. De loin, on entendait le refrain bondissant du groupe, mais, impossible d’accéder.
Sur la scène A, comme un feu d’artifice, on voit les roadies de Kaiser Chiefs préparer la scène qui ressemble à un barnum organisé.
Les gars de Leeds envoient lourd et tous les fans de rock sont en rang serrés devant la scène avant même le début du concert. Ca brille de partout.
Et la musique est aussi brillante qu’efficace. Une grosse basse –une énorme basse- pour une grosse baffe. Pas de doute, le rock est anglais.
L’inquiétude régnait l’année dernière sur Le Rock Dans Tous Ses Etats après le départ de JC Aplincourt. Que son remplaçant Benoît Vuillon se rassure, la relève assure autant pour nous offrir l’un des festivals les plus attendus de l’année. Comme d’habitude on attend avec impatience le prochain.
A l’heure où j’écris ces lignes il pleut sur la Normandie. Qu’on ne fasse pas croire que le dieu du rock’n’roll ne s’est pas laissé charmer par le sourire de Babet… |