En 2007, Nathalie Hamel, comédienne et metteur en scène, est sur tous les fronts. Outre sa participation au cycle Shakespeare au Théâtre du Nord-Ouest, elle réitère le cycle de lectures qu’elle a initié à l’Eglise des Billettes.

Du 7 juillet au 28 août 2007, le cycle intitulé "Des vanités de ce monde", dont elle assure la mise en espace tout en participant à la distribution, est consacré aux poètes protestants de la Renaissance.

Nous avons souhaité en savoir plus sur sa passion pour des textes sacrés, souvent majeurs dans l’histoire du théâtre ou de la poésie et qui sont rarement à l’affiche.

Quelle est la genèse et la finalité du cycle "Des vanités de ce monde" ?

Nathalie Hamel : Ce cycle résulte d’un choix personnel et a été conçu comme un hommage aux auteurs protestants de la Renaissance. Ce sont des auteurs que j’ai appris à aimer à partir de ma première incursion théâtrale dans cette époque quand j’ai monté "Abraham sacrifiant" de Théodore de Bèze qui est la première tragédie française.

En me documentant, j’ai ainsi découvert des textes magnifiques, souvent ignorés, que j’ai souhaité tirer de l’oubli en les faisant découvrir par le public. Le cycle permet d’avoir un bel aperçu de la richesse de ces textes que j’ai réuni sous le titre "Des vanités de ce monde" qui est emprunté à celui d’un ouvrage d’Antoine de La Roche-Chandieu que j’apprécie énormément "L’octénaire des vanités de ce monde" dont la thématique concerne la vanité des choses du monde terrestre face aux questions existentielles essentielles comme Dieu ou la Mort.

Parmi la pléthore d’auteurs, j’ai choisi quatre pièces de théâtre : "Abraham sacrifiant" de Théodore de Bèze, que j’adore et que je voulais reprendre une fois encore, d’autant que j’ai rencontré Philippe Ariotti qui est un merveilleux comédien à qui je voulais confier le rôle d’Abraham car je pressentais sa capacité à en faire une interprétation remarquable, ce qui est le cas.

"Jephté" de George Buchanan, un auteur écossais que j’ai découvert au cours de recherches sur internet. Cette pièce a été écrite en latin vers 1540 et traduite en français vingt ans plus tard par deux auteurs protestants : Florent Chrétien (c’est cette version que j’ai choisi de faire entendre) et Claude de Vesel.

Les deux autres pièces sont de Jean de la Taille, auteur protestant majeur au 16ème siècle, avec "Saül le furieux" qui traite de la mort du roi Saül et "La famine ou les Gabéonites" qui en est la suite avec un épisode marquant le début du règne du roi David.

Ce cycle comporte, outre le théâtre, quatre soirées poétiques dont deux sont consacrées à Marguerite de Navarre, que j’aime beaucoup, avec "Le miroir de l’âme pécheresse" et, sous le titre "L’amour de Dieu" un florilège de textes qui traite de son rapport avec Dieu et la Foi. Une autre soirée intitulée : "Des vanités de ce monde" sera consacrée à un florilège de poésies chrétiennes de Clément Marot à Agrippa d’Aubigné.

Nous achèverons ce cycle de lectures par une soirée sur les psaumes avec une alternance de lectures et de chants du psautier de Genève mis en musique entre autres par Claude Goudimel et Loys Bourgeois et qui ont été harmonisés ultérieurement, de manière plus savante, par Adrien Le Roy et Claude Le Jeune.

Quelle est la place de ses auteurs dans le thésaurus littéraire français ?

Nathalie Hamel : Une place très importante dans leur siècle. Les auteurs comme Jean de la Taille, Marguerite de Navarre, Clément Marot, ou Agrippa d’Aubigné sont très importants au 16ème siècle. En dehors de ses qualités d’écriture et de pensée, Marguerite de Navarre était très proche du mouvement protestant et, comme beaucoup de catholiques, souhaitait une réforme de l’intérieur de l’Eglise mais sans vouloir pour autant aller jusqu’au schisme. Elle a fédéré autour d’elle un mouvement réunissant des humanistes qui voulaient, entre autres choses, traduire la bible en français pour la rendre enfin accessible à tous.

En matière de textes sacrés, les auteurs humanistes prônaient le retour à une traduction fidèle de la Bible, débarrassée des scories ajoutées au fil des siècles par les pères de l’Eglise comme dans "La Vulgate" en retournant aux textes originaux. Parallèlement il y a eu un mouvement musical pour mettre en musique les psaumes, de manière simple et accessible au peuple. Par ailleurs, ces auteurs sont les précurseurs d’or du 17ème siècle parallèlement avec des auteurs catholiques comme Jodelle et Grévin.

Quel est votre public ?

Nathalie Hamel : Le public le plus assidu est celui des universitaires qui travaillent sur les textes anciens et qui sont bien évidemment très intéressés par leur mise en paroles, si je puis dire. Et chaque lecture est l’occasion d’échanges fructueux car ils nous apportent souvent une aide précieuse sur la compréhension du texte et sur la manière de le dire.

Ce cycle est désormais annuel ?

Nathalie Hamel : Oui, je l’espère. Nous aimerions faire de ces lectures un cycle récurrent qui alternerait les textes sacrés des 16ème et 17ème siècle. Nous pensons consacrer le cycle 2008 au 17ème siècle et pièces agiographiques de Rotrou, Desfontaines, Racine, Rotrou, en particulier, qui sera à l’honneur cette année à la Sorbonne.