Animal Collective ou l’art de prendre son monde à contre-pied.
Pour ces deux soirs à la Maroquinerie, on attendait des new-yorkais deux sets radicalement différents. Pourtant, au dernier titre près, la setlist s’est avérée rigoureusement identique. Le plus surprenant dans l’histoire fut presque ce switch opéré entre Gravenhurst et Sébastien Schuller le deuxième soir …
On attendait également des extraits de Strawberry Jam leur nouvel album à paraître en septembre. Au lieu de quoi les américains ont assené une ribambelle de nouvelles compositions dont la majorité ne figurera même pas sur ce nouvel opus. Et pourtant, dieu que ces deux show furent époustouflants. Dantesques parfois. Intenses aussi.
Pour cette tournée estivale, Animal Collective se présente sous la forme d’un trio : Avey Tare, Panda Bear et The Geologist. Sans Deakin donc. Encerclée par les amplis des retours, la scène se voit tapissée de câbles, de pédales d’effets, de toms, de samplers et de cymbales en tous genre. Et pas la moindre guitare à l’horizon. De quoi laisser augurer une prestation hors norme.
Au sein du collectif, les tâches semblent fort bien réparties. Lampe de spéléologue vissée sur la tête, le - bien nommé - Geologist se met en quatre derrière ses machines pour étoffer l’écrin de ses camarades. A Panda Bear la charge des percussions, de samplers additionnels et occasionnellement du chant , quasi pop et du meilleur effet. Au travers d’une kyrielle d’effets, les murmures ou les cris d’Avey Tare se voient transformés en incantations tribales rythmant la prestation, donnant littéralement corps aux morceaux.
Pléthore de nouveaux titres donc d’où n’émergeront que "Who Could Win A Rabbit ?" et "Loch Raven". Entrecoupés de longues séquences planantes avant un final ahurissant et totalement déjanté. Le matériel demeure certes majoritairement inédit, mais la marque de fabrique, entre percussions et chant prépondérants reste identique. En plus électronique toutefois. Animal Collective ou l’art de réconcilier les fans de pop psyché, d’électro et de folk au sein d’un inclassable laboratoire d’expérimentation.
Amusant enfin de constater entre les deux prestations à quel point la part d’improvisation semble réduite au minimum. Alors oui, ils n’ont pas joué "The Purple Bottle" ou encore "Grass" ? La belle affaire …
Le premier soir, les fans hardcore semblent goûter avec retenue aux délires du trio. Le lendemain, un public peut-être moins connaisseur se fera embarquer, réagissant au quart de seconde, se lançant dans des transes magnifiques à la moindre injonction des musiciens. Il faut cependant avouer que dans les deux cas, une frange des spectateurs restera disons … circonspecte devant le spectacle proposé.
Voir Animal Collective en concert relève de l’expérience primale, source de libération d’une énergie quasi bestiale. Laissant ressortir des instincts habituellement enfouis. Rappelant dans l’esprit les inénarrables congolais de Konono N°1. Seule véritable concession aux spectateurs : "Leaf House" en clôture du premier soir et l’épileptique "We Tigers" le lendemain.
Définitivement, Animal Collective s’affirme chaque jour davantage comme une formation complexe, radicale, sans cesse en mouvement. Préférant voir ses fans s’attacher à une démarche plutôt qu’à des chansons. Avis aux amateurs, on murmure déjà qu’ils reviendraient à l’automne …
Histoire de défendre Strawberry Jam ? |