Le Musée d'Orsay accueille "De Cézanne à Picasso, chefs d'oeuvre de la galerie Vollard", une exposition organisée en hommage au légendaire Amboise Vollard qui fut l'un des plus influents marchands d'art parisiens de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème siècle.
Coproduite avec la Réunion des musées nationaux et organisée avec le Metropolitan Museum of Art et l'Art Institute of Chicago, elle est supervisée en France par la commissaire Anne Roquebert, conservateur au Musée d'Orsay.
Au terme d'une scénographie à l'accrochage simple et élégant qui réunit les toiles par auteur dans des espaces ouverts interactifs, elle offre une opportunité unique de contempler les oeuvres des plus grands noms de la peinture moderne.
Ambroise Vollard, "ce grand homme noir plein de mélancolie" selon la description de Gertrude Stein, fils de notaire réunionnais, étudiant en droit dilettante, se prend de passion pour la peinture et pense bien agréable le métier de marchand de tableaux, qui consiste à passer sa vie aux milieu de merveilles.
C'est la faute à Cézanne
La vue d'une toile de Cézanne dans la vitrine d’un marchand de couleurs décide de son orientation professionnelle. Et ce sont les ventes de toiles de Cézanne qui lui assurent une assise financière suffisante pour concrétiser ses projets.
Sous sa paupière lourde, Vollard rusé et patient, somnole de manière pragmatique, comme le chat qu'il affectionne et qui est représenté dans ses portraits peints par Bonnard ("Ambroise Vollard et son chat").
Il pressent les conjonctures favorables comme le déclin des salons qui va bénéficier aux marchands d’art.
Réaliste, il sait ne pouvoir rivaliser avec les quelques marchands qui ont pignons sur rue mais qui passeront la main un jour. Evitant de s'attaquer à une proie trop grosse pour lui et connaissant la versatilité des goûts, il adopte une stratégie de capitalisation sur les peintres inconnus.
Et il sait aussi forcer la chance en maîtrise tout le circuit de l'art : il achète, souvent la totalité du stock, expose, exporte, vend et, au besoin, aide la production. Il se place en situation de monopole, seul détenteur de l'offre, fait connaître, crée la nouveauté et le désir, c'est-à-dire la demande. En un mot, il spécule sur une éventuelle future notoriété de peintres inconnus.
Le goût d'un promoteur de l'art moderne
Vollard, marchand d'art mais également collectionneur, s'attache à la promotion des peintres qu'il affectionne et de certains mouvements picturaux, comme les Nabis et les Fauves, qui œuvrent dans le figuratif "coloré". Ce qui amènera certains à dire, sur le mode de "la mariée était trop belle" que sa renommée de découvreur d'avant garde était surfaite dès lors qu'il est "passé" à côté de certains mouvements picturaux.
Cette exposition réunit un nombre impressionnant d'œuvres de ses artistes de prédilection ce qui permet d'admirer en un lieu unique la fine fleur d'un demi siècle d'art pictural.
Chefs d'œuvre, œuvres moins connues ou toiles surprenantes, le visiteur ne saura où poser le regard.
Bien évidemment, un éclatant "Tournesol" de Van Gogh mais surtout aussi de surprenantes toiles bucoliques et paisibles comme "La nuit étoilée - Le Rhône à Arles", "Les joueurs de cartes" de Cézanne mais aussi "Une moderne Olympia" provocante et la bacchanale débridée de "Le festin-L'orgie", la somptueuse "Pierreuse à la main sur l'épaule", retenue pour l'affiche de l'exposition, de Picasso mais aussi les étonnants "Nu aux chats" et "Nu sur fond rouge", les atypiques toiles vertes et bleues de Gauguin, "Te bourao" et "Le christ vert".
Les fusains habités d'Odilon Redon ("L'œil au pavot", "La folie") et les superbes pastels de Degas, un triptyque de toiles "londoniennes" de Derain dont "Le quai Victoria".
Et puis Rouault, Matisse, de Vlaminck, Vuillard, Maurice Denis ... Enfin les amis Renoir et Bonnard (la magnifique "Jeune fille au lapin")
Des artistes au génie artistique polymorphe
Vollard a dynamisé la création artistique en incitant les peintres à étendre leur champ d'action à la sculpture, à laquelle Picasso, par exemple, doit sa notoriété à l'étranger, à la céramique et à la gravure.
Sont ainsi exposées une sélection de sculptures ("Le fou" de Picasso) de superbes céramiques dans lesquelles s'illustrèrent les Fauves (le "Grand vase au coq" de de Vlaminck, le "Grand Vase avec figures" de Derain) ou la gravure qui coïncida avec l'apogée de l'art graphique des Nabis.
La novation de l'édition d'art
Bibliophile invétéré, Vollard s'est montré d'une prodigalité sans limite pour satisfaire cette passion. Il incita de nombreux peintres, même le sculpteur Rodin, qui réalisa des aquarelles de Rodin pour illustrer "Le jardin des supplices" d'Octave Mirbeau à travailler l'illustration pour imposer une nouvelle conception du livre d'art.
L'exposition s'achève notamment sur des chefs d'oeuvre de la bibliophilie avec les portfolios consacrés à un artiste et les lithographies avec "Douce Amère" par Rouault, "Quelques aspects de la vie de Paris" illustrés par Bonnard, "Amour" lithographie de Maurice Denis et
la "Suite Vollard" illustrée par Picasso.
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