Comédie dramatique de Narcis Comadira, mise en scène de François Joxe, avec Denise Aron-Schröpfer et David le Rheun.
Une mère reçoit son fils à déjeuner. Dès la première fourchette, l’ambiance est laborieuse, comme encombrée d’un voile de non-dits pesant, les mots couverts et cachés derrière des montagnes de sous-entendus. Les questions posées se révèlent pleines de sens et à la fois obscures.
On entre de plain pied pourtant dans cette petite maison de campagne où la maman a mis son tablier et préparé un repas au petit dernier. On s’attache à dénouer derrière ces deux êtres qui se parlent, s’exposent et se délivrent de leur passé, la relation complexe qui noue une mère à son fils.
Une distance s’est installée entre eux, comme une incompatibilité liée à un déplacement des priorités et des sens. De la bouillabaisse à la crème brûlée, au café en passant par le cognac, à tâtons, par petites touches, des conversations s’esquissent et s’esquivent parfois. La mère inébranlable, ferme dans ses positions, aveuglée, pleine d’amour pour cet enfant qu’elle a protégé mais pas deviné parle de vie éternelle.
La vie éternelle pour le salut, la reproduction de l’espèce, comme un refus des transports du coeur, du périssable, du non-fonctionnel. Elle se heurte à ce fils passionné, parfois violent de reproches et de tendresse confondus qui cherche des réponses. Mutisme parlant et flot de paroles libératoires se succèdent et cohabitent étroitement.
L’écriture de Narcis Comadira est pleine de nuances : sans donner de réponses, elle cisèle, dissèque les rapports humains, révèle les douleurs réciproques mais la difficulté à partager, comprendre et surtout pardonner. Car il est question de pardon aussi et du chemin douloureux pour y accéder qui passe inéluctablement par une compréhension réciproque.
Aborder le thème des relations humaines et familiales n’a rien d’innovant et leur histoire n’est pas plus tragique ni dérangeante que les autres. Mais les situations et les mots sont vrais dans cette pièce non dénuée d’humour où les silences, les cris de colère et la tendresse refreinée sont autant de chemins vers une tentative de réconciliation. |