Tragédie de Racine, mise en scène de Declan Donnellan, avec Xavier Boiffier, Vincent de Bouard, Camille Cayol, Dominique Charpentier, Romain Cottard, Christophe Gregoire, Camille Japy, Sylvain Levitte et Anne Rotger.
Entre les vieux murs seigneuriaux des Bouffes du Nord, tout au fond, des chaises sont alignées. Sur celles-ci, les personnages (hommes en uniformes militaires, femmes en robes élégantes) tantôt actifs, tantôt absents mais toujours en jeu. On ne peut faire plus sobre comme scénographie.
Le metteur en scène anglais Declan Donnellan a concentré son travail sur les relations qui animent les protagonistes de la pièce de Racine. Et sur les non-dits. Cela donne une "Andromaque" fiévreux, bouillonnant, où les personnages se consument les uns aux autres dans une chaîne amoureuse où rien n'est certain, jamais, jusqu'au dénouement.
Il y a des moments magnifiques dans ce spectacle comme la scène où Astianax, le fils d'Andromaque, est confronté à la violence des adultes et va peu à peu les singer à son tour. Toute la deuxième partie, en termes d'esthétique, est d'une splendeur rare. Le mariage de Pyrrhus et d'Andromaque donne lieu à une scène d'une tension digne du "Parrain" de Coppola et à des images grandioses.
Le jeu des comédiens témoigne tout au long de la pièce d'une direction d'acteurs irréprochable et d'une volonté d'aller chercher au plus loin dans les rapports évolutifs entre chaque personnage.
Seul le choix de transformer Hermione en caricature et de la rendre ridicule étonne. Mais les directives du maître anglais se modifient aussi, paraît-il, à chaque représentation. On peut être sûr de toute façon de voir la tragédie de Racine dotée de toute l'énergie possible et servie par des comédiens habités et précis qui nous en révèlent toute la quintessence.
Pour avoir vu grandir il y a quelques années et fait travailler Sylvain Levitte, alors au collège, dans ses premiers rôles, j'ai toujours su qu'il serait un grand comédien. Une fois encore, il m'a impressionné (il était déjà remarquable dans le "Cadavre vivant" mis en scène par Julie Brochen).
Dans le rôle quasi muet d'Astyanax, il est stupéfiant de présence et de profondeur. Camille Cayol (Andromaque) quant à elle, est excellente de technique, de classe et d'émotion. Mais toute la distribution mériterait d'être citée tellement elle est homogène et de qualité.
Un spectacle flamboyant et une mise en scène magistrale qu'il faut avoir vus.
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