Ce soir c’est grand-messe à Paris. Un vendredi soir de clubbing électronique avec au moins trois des pointures les plus électroniques du moment. Encore faut-il trouver le bunker qu’est le Zénith, perdu entre les feuillages et l’eau qui coule à la Villette.
Perdu ? Non. L’infrabasse vrombissante martèle l’air et guide les pas jusqu’à l’église digitale qu’est ce soir devenue le Zénith. Une église digitale : Justice est la tête d’affiche de la soirée. Klaxons passera un peu tardivement.
Mais c’est compter sans les dirty clubbers venus de toutes part ce soir. Impossible, à y regarder de plus près, de dresser le portrait robot des 4000, 5000, 6000 personnes qui accourent ce soir pour oublier leur semaine harassante au bureau, à la fac, à la maison, leurs femmes, leurs enfants ou leurs maitresses. Justice, MSTRKRFT et Klaxons, qu’on aime ou non, rassemble autour d’eux un consensus impossible à briser.
Adolescents, branchés, has-been, jeans slims et pull en acrylique se mêlent joyeusement sous les rayons strombos du Zénith. Arrivé en plein set de MSTRKFRT - tant pis pour le set de Midnight Juggernauts - on prend de plein fouet la sono vrombissante et un dj set bastonné par les canadiens sur leur pied d’estrade. Oui, un dj set à plusieurs, plusieurs milliers de personnes, ca s’écoute plus que ca se regarde.
Car sur scène c’est le minimalisme digital : Deux mecs, deux platines et une table avec un drap dessus pour cacher les fils. En club ou au Zénith, même combat. Largement orienté vers l’agressivité et le beat sourd, le set de MSTRKRFT laisse apparaître les mêmes défaillances que sur disque : un manque de mélodie, mais la sauvagerie du club qui prend toute sa forme sur scène.
Forcément, "Work on you" marche sur le cortex comme une drogue à retardement. C’est déjà ca. La foule, unie et compacte, semble apprécier. On apprécie la perte de soi l’espace d’un instant dans un collectif qui pense juste à la dance.
Une rave géante quinze ans après les débuts du mouvement. Je file au bar, un peu las.
Placé en milieu de soirée, le duo de Justice marque ici un excellent retour. Excès de chauvinisme, ou réel supériorité face au duo canadien à moustache, Justice crée l’excitation là où MSTRKFRT provoque (au bout d’une trentaine de minutes) un brin d’ennui. Car il faut avouer que le rock FM / mix dancefloor servi par Gaspard et Xavier peut enfin satisfaire tout le monde : les rockers et les clubbers.
Ce soir c’est Justice pour tous. Qu’on se le dise. Force du mix, on retrouve l’énergie des guitares 80’ du E-Street band qui accompagnait Gainsbourg période Love on the beat. C’est moite, sexuel et transcendant sur "Genesis". Un excellent titre. Foule en délire, guitares hurlantes, sifflets de joie. Je m’incline. Je file au bar, un peu éthylique. Et je reviens. Cherchant les regards dans la salle. Tous rivés sur le duo et sa croix orange. C’est un bon mix, un bon moment.
On comprend un peu surpris tout de même que des communions collectives sont réellement possibles sur de l’électronique. Et le duo, quoi qu’on en dise, se démarque des Daft, à qui on les compare - trop - souvent. Meilleur moment : L’enchainement fatal entre "Phantom part 2" et "Let there be light".
Retour à l’instrumental, un peu trop tardivement, avec les Klaxons, la grosse sensation du moment.
Comme vous le savez tous, déjà, je suppose. Très difficile de revenir à un set "classique" après le matraquage sensoriel provoqué par les clubbers. Klaxons, des titres comme Magick, c’est comme qui dirait……. Trop anglais pour moi.
Le corps un peu émietté, les oreilles totalement mortes, on quitte le Zénith sur une impression de déjà-vu, sans avoir réussi à capter un seul regard. La foule, énorme ce soir, semble s’en être donné à cœur joie. A corps joie aussi. Les raves, aujourd’hui, sont légalisées et les maitres d’œuvres ont pour nom Justice et consort.
Ce soir, c’est bien Justice qui a gagné ses galons de prêtre digital.
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