Textes de Roland Dubillard, mise en scène d'Anne Bourgeois, avec Jacques Gamblin et François Morel.
"Les Diablogues" de Roland Dubillard, adaptation pour la scène, par l’auteur lui-même, de sketches radiophoniques, ont déjà fêté leur cinquantenaire et demeurent d'une modernité confondante.
Ce sont de petits bijoux dans lesquels il joue avec les mots ordinaires, mais aussi la logique et l’abîme du raisonnement métaphysique, qui deviennent créateurs de burlesque linguistique et de farce absurde.
Comme l’indique Anne Bourgeois, qui signe la mise en scène du très réussi spectacle éponyme à l'affiche du Théâtre du Rond Point, les protagonistes, surnommés, Un et Deux, sont "deux êtres humains posés sur le plateau qui ne comprennent rien à ce qui leur arrive : ils n’ont ni destin, ni histoire, ils ne sont pas des héros, ça pourrait être Monsieur Toutlemonde, vous ou moi".
Sur scène, dans un amusant décor de planisphère céleste, les deux candides, qui semblent débarquer d'une autre planète, sont campés par Jacques Gamblin et François Morel. En costume identique, siamois ou frères ennemis, ils conjuguent leur talent mais aussi leurs personnalités, à la fois semblables, différentes et assurément complémentaires, et sans doute leur univers, pour servir un florilège de textes succulents.
Après le j'y-vas-ty, j'y vas-ty pas de "Le plongeon" introductif, peut être métaphorique de leur toute récente collaboration, ils placent immédiatement la barre très haute en s'envolant vers les cimes avec les deux pièces magistrales que sont le difficultissime "Ping Pong" qui, par sa virtuosité, ne donne aucun droit à l'erreur, et l'inénarrable analyse sémantique et philosophique d'un objet inoffensif "Le compte gouttes", tous deux brillamment enlevés.
De quoi ferrer illico le public qui ne lâchera plus prise au cours de ce spectacle, jubilatoire pour l'esprit et les zygomatiques, scandé par la poésie, l'absurde, la loufoquerie et le rire. François Morel, très terrien, très démonstratif, et Jacques Gamblin, Pierrot lunaire avec parfois des accès compulsifs, constituent un duo qui fonctionne à merveille pour nous distiller "La limande des neiges", "La musique de placard", "La pluie" ou "L'apéritif".
Et le public conquis et ravi resterait bien plus longtemps encore... |