Spectacle conçu et mis en scène par Igor Futterer d'après Louis-Ferdinand Céline avec Roland Farrugia, Marcel Philippot et Karine Delgado.
Rien ne ressemble plus à un homme qui attend le métro qu'un autre homme qui arrive sur le quai. Et pourtant. L'un est Louis-Ferdinand Céline, l'auteur "sulfureux", l'autre un écrivaillon anonyme.
Le premier, victime de la mévente de ses œuvres et de la désaffection du public en raison de son manque de médiatisation, est aimablement sommé par son éditeur de se prêter au jeu de l'interview. Le professeur Y, ostensiblement hostile à l'écriture de Céline, est le volontaire timoré, désigné d'office, qui accepte de rencontrer, en catimini, dans un lieu anonyme, une station de métro.
Lieu au combien significatif puisque Céline a eu la révélation de son invention, "son tout ptit truc", l’émotion du langage parlé dans l’écrit, pas moins, au cours d'un transport sur la première ligne métropolitaine, "La Nord-Sud".
Igor Futterer a puisé dans les "Entretiens avec le professeur Y" de Louis-Ferdinand Céline, pamphlet et analyse de son oeuvre, pour en proposer une adaptation affûtée qui constitue un vrai spectacle théâtral avec une vraie progression dramatique..
En attendant son interlocuteur, Céline, pour qui le monde se divise en deux catégories, les travailleurs et les maquereaux, fulmine sur le monde de l'édition, sur les critiques littéraires et la littérature en général, et sur l'absence de goût et de discernement des lecteurs et sur l'appétit voyeuriste du public. Déjà le règne de la société spectacle.
Après la vaticination solitaire, avec l'arrivée du professeur, Céline, terroriste du verbe, embarque ce dernier, et le public, plus qu'il ne les convie, dans un voyage dans le monde paranoïaque en empruntant le "métro-tout-nerfs-rails-magiques-à-traverses-trois-points" piloté par son art, le lyrique comique.
Sans jamais être dans la "représentation" de l'écrivain, Roland Farrugia réussit, sans esbroufe et sans cabotinage, une prestation hors du commun. Car Céline c’est d’abord un style, un rythme, des sonorités scandées par les fameux points suspensifs qu'il faut avoir en bouche, en tête et reprendre à son compte. Ce qui n'est pas rien.
Marcel Philippot, talentueux et désopilant, joue à merveille le rôle indispensable de l'Auguste dans cette confrontation burlesque entre caniches, un rogue et un roquet, qui, servie par deux comédiens saisissants, est époustouflante et jubilatoire.
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