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Interview   (Paris)  6 février 2008

A l'occasion de leur passage à Paris, Froggy's Delight a rencontré les Girls in Hawaii, pour cause de maladie seuls deux des membres du groupe étaient présents lors de cet entretien, Lionel Vancauwenberghe et Denis Wielemans. Ce dernier quitte la salle à mon arrivée pour faire une interview téléphonique pour un quotidien gratuit citadin.

Ambiance feutrée et détendue dans un hôtel parisien, loin des tournées de promotion classique. Disponibilité et décontraction sont au programme.

Bonjour, pourrais-tu te présenter ?

Lionel : je m'appelle Lionel, je joue de la guitare, je chante et je suis le co-compositeur du groupe. Normalement c'est Antoine, le frère de Denis, qui devait faire l'interview avec moi, mais là il est malade.

Oui, c'est ce que m'a dit le photographe, qu'il y avait des malades dans le groupe

Lionel : Oh là là, c'est l'hécatombe, maintenant c'est moi qui suis un peu malade, mais ça va aller là.

Est-ce que tu peux nous dire ta vision des influences musicales de Girls in Hawaii ?

Lionel : C'est toujours un peu difficile de dire ce qui à pu se ressentir dans notre musique, on à vraiment été élevés à toute la vague grunge, de Nirvana aux Pixies, mais ça ne s'entends pas du tout je pense. Et puis il y a eu des choses comme Cat Power, Grandaddy, Lisa Germano, les Eels, ces deux derniers ont vraiment été de grandes influences dans ce qu'on fait. Beaucoup de groupes belges aussi, comme Deus, Soulwax.

Sur Plan Your Escape, j'ai vraiment ressenti quelque chose des Beach Boys, une espèce de Califronia wave, quelque chose de gai avec une froideur toute européenne.

Lionel : Je vois ce que tu veux dire. C'est marrant ça, on n’écoute pas beaucoup les Beach Boys.

Sur la chanson Sun of The Sons, l'intro m'a paru clairement un clin d'oeil.

Lionel : Ah oui, ça c'est un clin d'oeil appuyé, mais aux Beatles en fait, et pourtant ça sonne Beach Boys. On à beaucoup écouté les Beatles ces trois dernières années et les Beach Boys aussi, bien que je soit moins fan des derniers. On a voulu faire un clin d'oeil à cette vague californienne qu'on retrouve chez les Beatles, qui sont très influencés par la musique américaine. Les cloches, tout dans cette chanson est un hommage à cette musique des début 60.

Puisque tu parles de cloches, on entends par ci par là des instruments peu communs dans l'album, sur Fields of Gold, on entend un instrument qui sonne très moyen age. Vous avez utilisés quoi comme instruments particuliers.

Lionel : On a voulu s'amuser à utiliser autre chose que les guitares, basse des schémas classiques. Sur la chanson que tu cites, l'instrument est une sorte de harpe, ça s'appelle un Marxophone, un instrument avec une forme bizarre, avec des petits marteaux qui tapent très vite sur des cordes. On a joués avec des flûtes aussi. En fait, on achète des instruments et on apprends à en jouer rapidement pour pouvoir vite enregistrer, c'est pour ça que c'est pas très bien joué en fait (rires) On aime bien ce charme là, c'est un peu une règle, on demande pas à un musicien de venir faire sa prise et que ça sonne super bien. Je trouve que ça dit quelque chose d'autre de le faire soit même. Y'a eu un vrai travail de recherche d'instruments.

Ca vient d'où cette lubie des instruments ?

Lionel : C'est beaucoup de curiosité, d'avoir des instruments d'autres pays, ça permet d'avoir des timbres différents de la musique occidentale. Par exemple sur le disque, la flûte c'est un doudouk, c'est une flûte arménienne que tu peux entendre sur Le Vent l'Emportera de Noir Désir. On m’a donné cet instrument, il fallait souffler comme un buffle pour en sortir un son, c'était vraiment l'enfer.

Oui, j'ai un souvenir d'une flûte ramenée de Colombie, impossible d'en sortir quoi que ce soit. Quel est l'instrument le plus exotique, ou celui qui t'a donné le plus de plaisir à utiliser ?

Lionel : Le Marxophone, cette espèce de harpe médiévale dont je parlais avant. Ca a été construit pendant à peu près six ans, entre les années 20 et 30, aux Etats-Unis. C'est vraiment un truc super rare. On l’a commandé sur Ebay. Tu fais tes enchères, et puis hop, tu l'as. T'attends des mois que ça arrive à la poste du coin, ça te coûte super cher en frais de douane, même si l’objet n’étais pas cher au départ, puis tu te demandes ce que tu vas faire avec ça. C'est un instrument que tu retrouves chez pas mal de groupe, sur la version des Doors de Whisky Bar par exemple, ça en est un.

Comment s'est passé la composition de titres de Plan Your Escape, durant la tournée ou vous vous êtes posés pour cela ?

Lionel : On s'est posés pour composer. Le faire pendant une tournée, on à jamais essayé, c'est pas notre truc. En plus, avec Antoine, on compose chacun de notre coté. Je fais la guitare, la basse, ça demande d'être tout seul, au calme, chose que tu n'as pas en tournée. J'ai même pas essayé en fait. Comme la tournée s'est éternisée pendant deux ans, çà a retardé tout le disque. Ensuite, quand on à la matière première, on se retrouve pour travailler tout ça, dans des maisons au fond des bois, pendant des semaines, sans GSM, sans TV. Là, on travaille tous nos morceaux avec des horaires de fous. Tu te couches à midi, tu travailles depuis minuit. Tu perds la notion de réalité, tu te détaches de plein de choses qui te rendent terre à terre normalement.

L'enregistrement aussi s'est fait dans une maison au fond des bois ?

Lionel : Oui, on cherche des gîtes sur internet. Quand on voit une maison avec un grenier en bois, ou ce genre de choses on va visiter avec une caisse claire et une guitare pour tester le son. C'est Jean Lamoot, avec qui on avait travaillé sur le disque précédent, qui nous a proposés de refaire ça. On était très chaud pour retenter l'expérience, on est venus avec tout le matériel. Tu rentres dans la maison, tu dévisses les lits, t'enlèves les armoires, tu passes quatre jours à tout retirer, en priant pour que le propriétaire ne débarque pas. C'est un moment ou tu te ré approprie le lieu. T'as Denis qui joue à la cave, moi dans le grenier en même temps, on est reliés par les casques avec les câbles qui passent dans la gage d'escalier.

Vous enregistré en prise live ou au clic ?

Lionel : Beaucoup de titres on été faits live, en tout cas basse, batterie et guitare. C'est ce qu’on n’avait pas fait sur le premier album. Mais je suis plutôt élevé au clic en fait, j'ai fait beaucoup de home studio, avec des boites à rythmes. Mais la prise live c’est cool aussi.

Le premier album a très bien marché, je le vois régulièrement dans la discothèque de gens. Pour l'enregistrement de celui-ci vous aviez la pression ?

Lionel : Oui, mais c'est vraiment une pression personnelle. Au début tu penses au public, au succès que ça a eu, tu espères faire aussi bien ou même avoir plus. Mais on s'est vite aperçus que c'est une mauvaise façon d'aborder les choses. Tu dois te faire plaisir et être aussi exigeant avec toi même que tu ne l'as été sur le disque précédent. Après c'est du hasard, plein de choses que tu ne maîtrises pas. Donc on s'est enterrés pour oublier ça, il y a eu une pression personnelle d'ambition plutôt. Il n'y a pas eu de pression de la maison de disque, on a fait en sorte d'avoir des libertés en choisissant les gens avec qui on voulait travailler.

Je voudrais parler un peu des textes de certaines chansons, Couples on TV, quelle est l'histoire qu'il y a derrière ?

Lionel : Ca parle d'un couple qui a été amoureux, ou qui l'est encore, et qui s'installe. Ca parle de la vie quotidienne, quand les enfants sont au lit, tu te mets devant la télé avec ta femme, mais qui n'est pas vraiment avec toi. C'est la nostalgie de la passion qui se dilue dans le quotidien. C'est l'image de ces couples qui se mettent devant la téloche et qui voient cette image parfaite du bonheur qui est montrée aux gens, de comment les choses devraient être. C'est curieux le contraste qu'il y a avec la vie des gens, et l'autre coté de l'écran. C'est un peu désillusionné. On a grandi, on avance dans le temps, on vit d'autres choses. C'est une chanson de Daniel, le bassiste, elle nous a plu pour son coté à la fois un peu drôle et en même temps assez lourd.

Shades of Time, je trouve que c'est une petite ballade avec un accent irlandais. C'est voulu ou c'est essentiellement à cause des instruments utilisés ?

Lionel : C'est essentiellement à cause de la flûte à la fin. C'est un vieux morceau dont je n’étais pas satisfait de la fin, c'est dans ces moments là que je vais dans un magasin et que je cherche un instrument un peu bizarre. Je me retrouve dans un magasin à essayer des flûtes, et celle là m'a bien plu et ça collait en fait. C'est comme ça que j'ai trouvé la fin du titre. C'est vrai qu'il y à ce coté irlandais, qui n'est pas voulu du tout, un accident.

Un bel accident. Sur le morceau Bored, on entends "I hope I die before I get old", alors ... vous êtes des punks ?

Lionel : (rires) Non, on à un rapport un peu étrange avec le temps qui passe, ça se ressent dans la mélancolie de nos titres. Il y à une petite difficulté à accepter de vieillir en fait. Ca illustrait un peu un clin d'oeil aux Who, qu'on aime beaucoup d'ailleurs.

Et au punk un peu, No Future

Lionel : J'ai vraiment écouté du punk à bloc quand j'étais adolescent, c'est un truc dont je me suis détaché un peu. Il n'y a pas de revendication de style par rapport à ce qu'on fait évidemment, mais ça collait. En même temps, ça dit ce que ça dit tellement bien, cette phrase elle en jette. En même temps, je dois être le 150 millième à le placer dans une chanson (rires)

D'où vient le nom de l'album Plan Your Escape ?

Lionel : On rentrais de tournée, on avait pas encore de chansons pour le disque. J'allais bosser à mi-temps, et c'était écrit sur un mur et je trouvais que ce slogan amenait plein de choses. Dans ce titre il y a l'idée de la nouveauté, que tu prépares quelque chose, une échappée. J'aime bien ce que ça dit et ça correspond à ce qu'on voulait faire dans le disque, chercher d’autres sonorités. Et puis je l'aime bien aussi parce que je n’ai pas besoin de l'expliquer, il est assez parlant, selon ton humeur tu peux y voir le pire comme le meilleur. On aime bien les slogans un peu vides. Dans le premier album on avait Being Sure of Yourself, ça veut rien dire et en même temps c’est un bon miroir, tu peux y projeter ce que tu veux.

Donc, vous ne vivez pas uniquement de la musique ?

Lionel : Maintenant oui. Quand on est pas en tournée on en vit pas, en Belgique on à un système pour les artistes qui est proche du votre en France. C’est un peu pour nous la seule solution, parce qu'a chaque tournée il nous faut trouver un boulot qu'on quitte pour la tournée suivante ou l’enregistrement. Pour l'instant on est sous ce régime, mais ce n’est pas très sain parfois je trouve.

Ca te fait quoi d'enregistrer un disque, d'en faire la promo en sachant que l'album va être téléchargé ?

Lionel : Ben je pense que tout le monde est un peu paumé par rapport à ça, je dois avouer que j’ ai n’ ai aucun avis là dessus, je n’en mesure pas du tout l'étendue. J'ai téléchargé quand j'étais étudiant et que j'avais pas d'argent, ça ma forgé une identité musicale, ça m'a permis de faire des disques. Je trouve ça bien que la musique se diffuse, j'ai pas de problèmes avec ça, maintenant, il faut bien que tu gagne un petit peu d'argent pour vivre. Musicien, ce n’est pas forcément facile. En Belgique on dépend un peu du chômage aussi, on ne vit pas totalement de la musique. A mon avis, c'est plutôt l'industrie du disque qui doit regarder tous les dégâts qu'elle a occasionnés depuis quarante ans, c'est un peu le résultat de tout ça. Tu ne pourras jamais empêcher les gens de télécharger.

Quand j'étais ado, on s'échangeait les cassettes dans la cours du lycée. C'est un peu pareil, à plus grande échelle certes. Mais c'est un problème d'actionnariat à mon avis, tout album téléchargé n'aurait pas été forcément un album vendu.

Lionel : Quand je vois des mecs comme Metallica qui vont carrément au front, ça me scandalise un peu. Je ne comprends pas leur façon de voir. En plus, eux, je les ai écoutés à fond. Il y a des gens qui arrivent à intégrer ça dans leur système de diffusion et de vente, par exemple Radiohead. Tout le monde va être obligé de rentrer là dedans. Je trouve juste ça dommage pour l'aspect de l'objet, tu viens certainement de la même génération que moi, et tu dois être attaché à l'objet (NDLA plutôt oui) J'entendais des gens dans le métro qui disaient "Moi j'ai vingt gigas de reggae" ça je comprends pas du tout. En plus ça entretien le culte du single, isolé du concept du disque. Certaines maisons de disque réfléchissent à sortir des éditions plus prestigieuses pour leurs artistes, c'est apparemment encore à l'état de réflexion.

Si ça se trouve, l’album est déjà en téléchargement illégal.

Lionel : Il y a une société qui est chargée de noyer les fichiers pour limiter le téléchargement. Si l'album est téléchargeable à la sortie, je veux bien l'accepter, je ne peux pas faire autrement. Mais divulguer le disque trop tôt, ça me dérange, c'est quand même du boulot de faire un disque. Les gens vont en plus écouter des fichiers de mauvaise qualité, on a quand même fait un travail sur le son, et je trouve ça dommage.

Arrivée de Denis qui a terminé son interview téléphonique.

Quels sont les disques du tour bus en ce moment, les disques que vous écoutez entre vous pour le plaisir et la découverte ?

Lionel : Nebraska un des vieux albums de Springsteen que j'ai découvert récemment. Alela Diane, qui est une chanteuse folk américaine, ce n’est pas très connu.
Denis : C'est sorti sur un label français, Fargo, c'est très folk. Y'a le dernier PJ Harvey, je l'adore c'est un bijou, c'est d'une classe absolue.

Depuis quelques années on voit arriver quelques groupes belges, touts avec un intérêt certain, vous pouvez nous conseiller des groupes encore inconnus chez nous ?

Denis : On va venir à l'Olympia avec une première partie qui s'appelle Soy Un Caballo, c'est un projet pop, un peu comptine d'enfants, chanté en français. Ils ont bossé avec Will Oldham sur un titre.

Ce sont des gens audacieux, qui sortent de nulle part et arrivent à obtenir des collaborations incroyables. Les Tellers, qui sont signés sur la même maison de disque que nous. C'est un projet poppy, acoustique très bien, on aime beaucoup.

Un autre groupe de qui on est très proches, Austin Lace, ils vont sortir un disque bientôt chez Discograph. C'est le projet d'une personne qui compose quasiment tout, il est très créatif, il compose des choses immédiates, ensoleillées, hyper efficace.

Vous pouvez découvrir immédiatement Girls in Hawaii sur Froggy's Delight en session acoustique en cliquant ICI !

 

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Crédits photos : Laurent Hini (Plus de photos sur Taste of Indie)


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