Après avoir abordé des sujets tels que la famille (L'incroyable vérité) ou encore la politique (Politic), Sebastien Tellier s'attaque aujourd'hui au sexe, à la sensualité et aux relations charnelles entre individus.
Assez étrange d'ailleurs que le grand barbu féru de pop exentrique ne se soit pas attaqué à ce sujet généralement tabou avant...
Et Sexuality, quatrième album indubitablement plus électronique du parisien sorti chez Record Makers (label de Air), concu en couple avec Guy-Manuel de Homem-Christo, moitié du duo Daft Punk, regorge de mélodies pop à la fois glacées et sucrées. Evolution vers un son plus digitale qui semble quasi-normale à en juger par sa participation à l'excellente BO du film "Steak" composé en trio avec deux autres producteurs francais réputés pour leurs sons aussi lourds qu'originaux (SebastiAn et Mr Oizo).
L'auteur de "La Ritournelle" nous livre ici onze chansons délicatement vintage, sorte de synth pop à la fois mélancolique et troublante, qui ensemble forment une épopée glamour et sexy baptisé Sexuality.
Tantôt en anglais, tantôt en francais, l'alternance du chant montre son attachement réciproque pour les deux langues et pour deux catégories d'artistes qui ont enrichi la pop. L'héritage français reste indéniable et bien souvent dominant: Gainsbourg n'est jamais bien loin, tout comme Christophe ou Polnareff pour leurs sens de la mélodie ("L'amour et la Violence").
L'influence de Jean Michel Jarre est tout aussi importante à en juger par le premier extrait de cet album, "Sexual Sportswear" et ses drapés de synthétiseurs surpuissants, tout en finesse.
Chaque morceau délivre des phéromones par dizaines, notamment à cause de ces petites basses synthés au son légèrement pop corn nés d'une rencontre avec Rico, qui a réalisé la totalité des basses des musiques de films érotiques de Marc Dorcel dans les années 80. Sexuality est donc un hommage au sexe à la fois de manière poétique et parfois brutale.
Le parisien nous avait habitué à la naissance d'un nouveau personnage à chaque album : on découvre ici un Sebastien Tellier qui va jusqu'à se mettre à nu, s'adressant directement à son psychologue sur "L'amour et la violence", morceau, se clôturant par un délire synthétique sans nom après avoir débuté par une partie piano intimiste, qui conclut ce Sexuality.
Chacune de ces chansons, très marqué par la présence de choeurs féminins, apporte une vision très intime de l'amour et de la sensualité, des fantasmes de l'artiste et de sa sensabilité: "Roche" parle de ses premiers émois amoureux lors de ses vacances d'été à Biarritz, "Une heure" parle des mélange des corps, "Fingers Of Steel" évoque son fantasme de faire l'amour avec un robot ou "Manty", par laquelle il rend hommage à l'Italie qu'il chérit.
Sexuality est donc un album très personnel, une mise à nu sensuelle du personnage que campe Sebastien Tellier, costard/cravate et lunettes noires.
Sebastien Tellier est le dernier d'une lignée de crooner francais mystérieux, distillant une pop progressive et réfléchie, qui se masque et brouille son identité au fil de chaque album, s'enfermant dans ce qu'il qualifie d' "une aventure intellectuelle".
Comme à chaque fois, Sebastien Tellier livre un album volontairement sophistiqué et conceptuel, sa facon à lui de rendre hommage à la sensualité. Il ajoute même que cet album est magique uniquement dans certaines conditions: être amoureux et l'écouter à la tombée de la nuit un verre de champagne à la main...
Décidemment aussi je men foutiste que Gainsbourg, Sebastien Tellier évolue bien loin des frontières du business et repousse petit à petit les limites imposées par le marketing. C'est un petit pas pour cet homme, mais un grand pas pour la pop music.
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