Paris n’en avait pas, Paris l’a fait : un festival de musique pop-rock
exigeant et populaire, dans un cadre champêtre, réunissant quelques
22 000 mélomanes.
Les organisateurs du festival Rock en Seine ont visé juste : avec leur
affiche teintée de pop-rock, sans pour autant tomber dans la facilité
(sauf peut-être K’s choice), ils nous promettaient
un après-midi de qualité à défaut de grandes nouveautés.
Des nouveautés, il y en avait pourtant : Electric 6
et Un-cut, pour les premiers sensation punk-rock déjanté,
et pour les seconds un mélange de jazz-electro chanté. Malheureusement,
les avatars d’une organisation chancelante ne nous ont pas permis de les
découvrir.
Le festival s’engagera donc avec Morcheeba, dont le
trip-hop, moins exigeant que les autres congénères de ce genre,
n’est pas désagréable. La voix de Skye est tout simplement
envoûtante, et le groupe prend sur scène un réel plaisir,
fait danser le public… On ne peut que regretter des interprétations
un peu copiées-collées de l’album, la présence d’un
Dj et l’excellence du guitariste pourraient ouvrir la voie à des
improvisations scéniques.
Le site étant composé de deux scènes, une grande et une
plus petite, il nous faut traverser le parc Saint-Cloud pour écouter
Tom McRae. L’éloignement et l’orientation
des scènes sont très étudiées, leur son respectif
ne s’entrechoque pas, mais on peut regretter le son des stands des partenaires
entre les scènes venant parasiter quelque peu le voyage… Les organisateurs
avaient prévus deux scènes, pour une après-midi sans pause
musicale. Peut-être auraient-ils pu laisser le temps aux spectateurs de
gagner chacun des sites ou plutôt rapprocher les deux scènes un
peu comme aux Vieilles Charrues où il suffit de se retourner pour regarder
l’artiste suivant engager son concert.
Pour en revenir à la musique, Tom McRae monte sur scène et le
temps s’arrête. Alternant nouvelles chansons et tubes du premier
album, sa pop-folk et son songwritting de génie nous font passer un excellent
concert … du moins pour les cinq premiers titres, car il nous faut rejoindre
la scène principale pour Beck.
Le trublion américain s’est accoutré de son Band, et ce
n’est pas pour nous déplaire. Au printemps dernier, pour la présentation
de Sea Change, Beck avait tenté une tournée
solo. Devenant homme-orchestre multi-instrumental, avec brio certes, le garçon
en devenait quelque peu ennuyant pour qui s’attendait à une lecture
explosive des titres de Midnite Vulture. Occupé uniquement
à gratouiller sa guitare et de temps à autres son piano, Beck
peut ici s’adonner à cœur joie à un jeu scénique
plus qu’expressif. Bondissant un peu partout, criant dans tous les sens,
il réveille le public. Cependant au début du show, le passage
obligé par les chansons de Sea Change brise le rythme. L’excellent
Sea Change demanderait presque un concert à lui tout seul, tant il s’accommode
mal avec des titres comme "Devil’s haircut" ou "Where
it’s at" .
Le temps d’un autre voyage dans le parc et nous voici devant Eagle-Eye
Cherry, qui pour le peu qu’on ait vu s’adonne à
une relecture peu originale de ses albums. Néanmoins, le garçon
est sympathique ainsi que ses chansons.
C’est elle qu’on attendait, c’est donc par elle que nous
serons déçu : comme souvent, les surprise viennent rarement des
têtes d’affiche. De P.J. Harvey sur scène,
je ne connaissais que des enregistrements vidéo, la montrant très
énergique mais sobre, mettant en avant sa musique et ses mots avant tout.
Ici, la balance place la voix derrière la musique, ce qui est regrettable
vu son bel organe.
Et plus regrettable encore : Polly Jean est vêtue d’une mini-robe
argentée, à la limite du vulgaire (là où certain
diront "hype"). Une réjouissance cependant : les nouvelles
chansons s’annoncent rock, très rock, une sorte de retour à
Dry et To Bring you my love . Non, P.J. Harvey
ne continue pas la chute dans le folk entamée sur l’excellent Stories
from the city, Stories from the sea, elle ne deviendra donc pas la
nouvelle Alanis Morissette.
Voyage, voyage, et voilà Keziah Jones sur la petite
Scène. Sorte de grande fête de tribu, entre Jamaïque et Afrique,
son concert est plaisant, avec de longues distorsions par rapport au disque.
Enfin, Massive Attack clôture la soirée. Déjà
aperçu en avril à Bourges, le groupe semble fatigué après
une longue tournée (en témoigne l’écran géant
qui retrace le parcours du groupe à travers le globe depuis le début
de la tournée). Evidement, les classiques restent magnifiques, Dot
Alison et Horace Handy servent les compositions à
merveille. Cependant la sauce anti-Bush, anti-guerre, anti-Etats-Unis ne prend
plus, pas de huées à l’affichage du budget militaire du
Pentagone, pas de tonnerre d’applaudissements lors du "Fuck Bush"
qui semble devenir traditionnel sur scène. Et si Massive Attack en revenait
à son élément premier, à savoir la musique ? L’album
100th window et son design sophistiqué est
repris sur scène par un jeu de lumière et un écran géant
futuriste. Histoire de rappeler, d’une manière fort intéressante,
l’emprise des machines sur l’hommes, et surtout le paradoxe entre
les machines, leur usage et notre planète.
Une bonne après-midi s’achève. Après-midi car à
Paris, point de camping, il faut rentrer en bus ou en RER, ce qui n’autorise
pas une longue nuit de musique.
Satisfaite de ses 22 000 entrées, contre 20 000 espérées
dans le meilleur des cas, l’organisation du festival promet une deuxième
édition de même qualité. Il faudra cependant tirer les enseignements
de cette année : manque de buvettes, manque de toilettes, entrée
du site en entonnoir avec seulement trois points de passage.
P.S. : on peut regretter le manque de respect pour la musique d’une poignée
de festivaliers : quel est l’intérêt de passer 20 minutes
sur les inutiles bornes Web de la région Ile-de-France, ou au stand Playstation
alors que le festival n’offre que 8 heures de musique ?
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