Première édition d’un festival parisien en plein air qui
ne prend pas de risque et offre une programmation sans flair et sans audace
constituée de groupes bien établis depuis de nombreuses années.
Mais les têtes d’affiche présentes nous ont rarement déçus
donc on passe le pas et on s’enfonce sans complexe dans le métro
direction Boulogne – St Cloud.
On flâne en attendant les sets attendus devant les belges de K’s
choice, beaucoup moins frais qu’il y a quelques années,
qui offrent une prestation ennuyeuse de power-pop convenue plus proche de Umbrunglia
ou de Morissette que d’artistes fréquentables.
On découvre ensuite les Américains d’Electric 6,
un combo de doux fous furieux contaminés tout petits par le virus Motown,
ils se métamorphosent sur scène en sorte de MC5 tendance
french touch (aïe!), au final un décalage pas si pathétique
mais bon sans plus.
Débarque ensuite le rock lettré de Tanger, premier
groupe vraiment attendu de la journée. Sur le liminaire protox planétaire
on prend peur que le groupe choisisse un set plus rock et convenu qu’à
l’accoutumé pour se mouler dans un format convenu de festival (selon
une règle souvent mise en évidence : qui dit concert en festival,
dit public pas forcément venu pour Tanger, donc pas forcément
volontaire pour être chahuté dans ce qu’il connaît
et donc attend, et au final tentation de prendre peu de risque…). Au final
non, un concert bien réussi avec une carte postale en provenance de leur
myocarde qui se transforme en agitprop pro-intermittants, rare réussite
de toucher du doigt le sujet sans être kitsch : "bientôt les
festivals d’entreprises / et l’avant-garde en cravate grise".
C’est sans doute le grand talent de Tanger de se frotter à l’exercice
délicat et courageux du texte pas crétin en français, et
presque à notre surprise de voir sur un fil fonctionner leurs effets
de style sans affect. Du côté de la musique c’est très
réussi, entre soli de guitare de Gary Lucas et une basse
inventive qui moule des atmosphères variées et pas lourdes, avec
notamment un titre instrumental arabisant pas piqué des hannetons. Seul
groupe français présent sur le festival et pas une faute de goût
du tout (même l’intervention de Tcheky Karyo au
chant sur un titre jazzy tient la route). Une présence et une personnalité
rare.
Le temps de changer de scène et Beck is back. On attendait
avec un peu d’appréhension un set semblable au concert acoustique
du Grand Rex, l’exercice supportant sans doute assez mal une redite. Au
final rien à voir, le génial trublion se retrouve dans une formation
étendue, toute de noir vêtue, avec une ambiance dans la veine de
la période Odelay. Il confirme qu’il est LE show
man par excellence, avec des trouvailles scéniques incroyables exécutées
avec naturel durant tout le début du concert qui tient un rythme hypnotisant
entre happening Fluxus et hymne séminal.
Il pratique avec justesse et classe le détournement de sa propre musique
d’une part sur le plan scénique avec des pitreries et surtout des
audaces qui l’empêche de se prendre au sérieux et une réinterprétation
des précédents titres vraiment réjouissante,: notamment
les titres de Midnite Vultures en sortent métamorphosés
et confirment la qualité des compositions de ce disque de genre un peu
décrié a posteriori.
Un concert qui touche à à peu près toute la discographie
du blondinet : depuis les "Loser" et "Beercan"
incroyablement remaniés, ou même une tentative abortée de
"One Foot in the grave", à "Paper Tiger"
dédié à Gainsbourg (ce n’est pas un plagiat
mais un hommage, ah bon…). Que des tubes explosifs qui nous surprennent
en somme (pas une mince affaire !) et on est juste frustré que le concert
soit si court (à peine une heure!) mais il donne envie de le revoir rapidement
même dans une (très) grande salle (parfois il faut savoir prendre
sur soi) tant on se fait plaisir en sa compagnie à se laisser surprendre
par des titres qu’on connaît sur le bout des doigts réinventés
spécialement pour ses concerts. Un joli cadeau pour une belle fête
!
PJ Harvey nous cueille alors à chaud et ne fait pas
redescendre la pression avec beaucoup de reprises du dernier album mais aussi
tout de même d’anciens titres comme le lancinant "To bring
you my love" et le fulgurant "Rid of Me" (waoouh
!). Sur le plan scénique la miss est toujours aussi statique (trop, dommage…),
bien vissée dans ses bottes noires et s’amuse à aguicher
le public avec ses tenues à la Kylie Minogue. A ses côtés,
les fidèles Ellis et Harvey (aucun
lien de parenté tout ça…) servent à vrai dire plutôt
de faire valoir, sur bien des titres on se contenterait de la guitare de Polly
Jean comme seule instrumentation. C’est farouchement rock, c’est
tout ce qu’on aime - un nouveau titre sur ses cheveux pas tout à
fait convaincant - mais là encore on ne peut qu’être frustré
de la brièveté du concert (pas de rappel !!) qui empêche
le concert de vraiment atteindre les sommets souhaités. Zut !
Le festival se finit sur le trio éclaté en phase de recomposition
de Bristol : les super-stars de Massive Attack. Il y a quelques
années farouchement modernes et branchés, les seigneurs d’un
mouvement mort né qu’on a appelé le trip-hop ont été
leurs propres fossoyeurs et peinent à survivre artistiquement : on est
face à un concert réglé et sans âme où les
fans attendent leurs tubes et basta.
Les interprètes vocaux s’enchaînent sur la scène,
comment autant de juxtapositions privées de sens, 3D
et son compère en béquilles assurant juste la présence
syndicale pour leurs parties chantées puis quittent la scène,
cela n’a rien d’un concert en vie. Après les changements
incessants dans la formation centrale, on se demande encore ce qu’est
Massive Attack sinon une grosse machine qui vit sur son vécu et qui peut
être interprété par n’importe qui (le "groupe"
étant back stage la plupart du temps)…
Par ailleurs les versions sont assez approximatives et fonctionnent assez mal,
les interprètes se bornent à recopier aussi fidèlement
que leur permettent leurs capacités les versions disque. A vrai dire
assez rapidement on s’intéresse principalement aux visuels plutôt
sympatiques projetés derrière le groupe : un agitprop ultra-pacifiste
pour la plupart assez bien ficelé et visuellement inventif des séquences
personalisées pour le public parisien qui brisent cet aspect de concert
formaté et répété à l’identique dans
une tournée planétaire moribonde.
On voit les ficelles mais cet habillage est réussi... mais bon cela reste
de l’accessoire, le concert lui-même est malheureusement globalement
sans intérêt.
Au final un festival sans originalité et sans âme (pas un seul
groupe fréquentable qu’on n'ait déjà vu il y a plusieurs
années et donc pas de découvertes), plus proche de l’accumulation
d’artistes reconnus que d’un festival à part entière
(ah, et puis un son médiocre aussi !), mais bon on ne boude pas son plaisir,
ravi de finir l’été dans les bras de PJ Harvey et de Beck
Hansen en attendant la rentrée culturelle... |