Groupe à part dans le paysage musical français, Tanger
a su, au fil du temps et de trois albums, tisser un univers passionnant mélangeant
rock, chanson française, musiques du monde mis en valeur par les textes
somptueux de Philippe Pigeard.
Avant d’assister à cette tant prestation attendue, le public a droit à une première partie pour le moins étrange : une sorte de Programme-like, duo guitare-voix pour un unique morceau d’une vingtaine de minutes aux paroles à l’accent parfois politique et sous forte influence d’"Une Saison en Enfer". Déroutant est l'adjectif exact pour définir ce début de soirée.
Une petite demi-heure plus tard, c'est au son de "Grace" de Jeff Buckley que les musiciens (auxquels s'ajoute une section de cuivres) de ce combo établi quelque part entre Paris et Tanger se mettent en place avant d'être rejoints par le charismatique dandy Philippe Pigeard. La formation originale vaut vraiment le coup d'œil (et surtout d'oreille) : Didier Perrin atteint des sommets à la basse mais la véritable attraction du groupe après le chanteur reste sans conteste Christophe Van Huffel, avec ses airs de Jorma Kaukonen, ses cheveux permanentés façon Hendrix, et avant tout son toucher de guitare classieux grandement influencé par le sorcier de Seattle (surtout dans l’utilisation de l'infernale pédale wha-wha).
Dès le troisième morceau, l’avant dernier opus ("Le Détroit") est à l’honneur avec le morceau titre de cet album, précédant "Oui, Peut-Etre", un des seuls titres a avoir été radio-diffusé ce qui ne fut guère le cas pour "Le Petit Soldat" (joué dans la foulée) comme s'en plaint le chanteur. Kid Loco (producteur du millésime 2003, L'Amour Fol) rejoint ensuite le groupe pour une version de "Postcardiogramme" pour le moins tripante.
Suit ensuite la transposition scénique de l'incroyable reprise de "So Long Marianne" de Leonard Cohen, étirée sur près de dix minutes, en aucun cas inférieure à l'originale. Un peu plus loin, Tanger tape une autre reprise (Mazzy Star) avec en guest star Julie Bonnie, la chanteuse de Cornu avant que cette dernière n'enchaîne sur un titre de son album solo à paraître prochainement.
Le groupe continue ensuite la promotion de ses nouvelles chansons : "Barfleur" sur laquelle la voix de Philippe Pigeard fait mouche, puis l'inattendue "Love Song" avec toute la classe et le professionnalisme qui le caractérise.
Pour le premier rappel, Tanger passe encore une fois par la case reprise, française cette fois, avec "Rouge Est Mon Sommeil" de Jean-Louis Murat, extrait de "Venus". Les spectateurs ont ensuite droit à un nouveau morceau "Attendre", (qui n’aurait pas dépareillé au milieu de leur dernière livraison) avant d’attaquer une ‘antiquité de Tanger’, comme le présente Philippe Pigeard.
Suite au second départ du groupe, les roadies installent un piano pour "La Grande Vie" qui conclura à merveille cette splendide soirée même si Gary Lucas n'a pas fait l'honneur de sa présence. On quitte la salle ravi mais également animé d’un sentiment d’injustice en voyant un groupe français aussi talentueux n’accédant pas à la reconnaissance qu’il mériterait.