La Galerie Daniel Templon alterne ses présentations d'œuvres d'artistes confirmés, voire emblématiques, comme ce fut le cas tout dernièrement avec l'exposition des oeuvres récentes de Jim Dine, et celles de jeunes artistes émergents.
Du 31 mai au 19 juillet 2008, elle soumet à la sagacité du public, des amateurs d'art et des collectionneurs, les toiles de Jörg Lozek, jeune peintre allemand qui appartient à la jeune peinture allemande issue de l'Ecole de Leipzig, école fondée au 18ème siècle, berceau de la perfection technique et de l’aptitude au dessin en RDA, qui a connu, après la chute du mur de Berlin, un renouveau enthousiasmant sous l'impulsion d'une nouvelle génération de peintres avec une figure de proue au niveau international, Neo Rauch dont il fut l'élève.
Sous le titre "In zimmer", sont exposées la quasi totalité des toiles récentes de Jörg Lozek. Des toiles de grands formats, déclinaisons d'une thématique unique, voyages dans un lieu clos, qui opèrent une bien singulière attraction sur le spectateur.
Ressortissants à la peinture figurative, dans laquelle fusionnent diverses influences dont la tradition illustrative est-allemande et l'esthétique du réalisme socialiste, elles usent également d'un hyperréalisme épuré qui peut confiner à l'abstraction philosophique.
Le deuxième regard
L'univers apparent de "Dans la chambre" est une pièce unique et polymorphe, chambre, cuisine, salle d'eau et salon, envahie de meubles et d'objets domestiques peints avec le souci minutieux du détail tout comme le motif des tapisseries vétustes et les détériorations, déchirures, décollements, fissures, moisissures, infiltrations, qui l'affectent.
Une décoration surannée, franchement datée années 40-50, en état de délabrement, pour un no man'land, squat improbable, sans issue, ou bien des fenêtres occultées et des portes sans poignée, et cependant extrêmement lumineux sans source de lumière apparente.
Car celle-ci émane de l'extérieur de la toile, semblable à celle de projecteurs et métaphore du regard du spectateur.
Jörg Lozek développe une stratégie picturale duelle, de distanciation, par l'effet de décor de théâtre de cet espace tout en surface, qui induit un mode narratif, et d'entropie, qui attire et concentre le regard vers l'intérieur introspectif du tableau.
Au deuxième regard, l'œil découvre sur la plupart des toiles un personnage archétypal et récurrent de jeune homme en tenue légère, dont la fantomatique silhouette blanche dessinée est comme plaquée sur le décor.
Ce qui conforte l'impression première d'irréalité, et semble, cependant, parfaitement intégrée dans cet espace, dans une attitude dilettante, souvent immobile, quelque fois agissant en communication avec l'extérieur matérialisée par un fil, celui du téléphone ou de l'ordinateur, et dont les traits ne reflètent aucune émotion patente, celle-ci naissant du décor.
Diverses impressions s'en dégagent, telles le silence, la solitude, l'attente, et, essentiellement, la mélancolie, et la sensation de se trouver face à une situation énigmatique qui, selon l'expression freudienne amplement usitée, conduit à un sentiment d'inquiétante étrangeté.
Double autobiographique ou/et métaphore de la société contemporaine singulièrement immobile, à cheval entre deux ères, dont on imagine son passé et voit son présent et dont il faut imaginer l'avenir incertain, ces toiles inscrivent leur auteur dans le courant du "réalisme névrotique".
Elles infèrent également des évocations comme "le théâtre muet" des toiles d'Edward Hopper ou les "états des lieux" de Charles Matton.
Les peintures de Jörg Lozek, instantanés narratifs et intrigants, qui se perçoivent par strates successives, interpellent interactivement le spectateur sans obligatoirement lui apporter de réponse. Une piste de réflexion qu'il livre : "S'il y a un thème c'est celui du caractère public de l'espace privé". |