Le
Centre Pompidou présente une galerie photographique singulière
avec l'exposition consacrée à Miroslav Tichy
Art brut ou art contemporain, monomanie artistique ou voyeurisme
libineux et psychotique, ses photographies recensées
par le réalisateur Roman Buxbaum qui l'a connu enfant,
Tichy étant le locataire de sa grand-mère et le
camarade d'école de son oncle, au sein d'une collection
remise à une fondation créée en 2005 et
portées récemment à la connaissance du
public par le commissaire d'exposition suisse Harald Szeemann,
alimentent la plume des critiques d'art.
D'origine tchèque, peintre et dessinateur de formation,
des dérives personnelles l'amènent à une
vie de solitaire dans son appartement dont il ne sort que pour
des séances compulsives et ritualisées de shooting
photographique, pendant une vingtaine d'années de 1960
à 1980, consacrées à un sujet unique :
les femmes.
La photographie qu'il découvre et apprend de manière
autodidacte et qu'il pratique avec des appareils fabriqués
avec des bouts de ficelle.
Et ce au sens strict du terme : il fabriquait lui-même
ses appareils photos à partir d'éléments
de récupération et ceux exposés laissent
perplexes.
Une optique rudimentaire et des tirages tout aussi artisanaux
dans lesquels toutes les caractéristiques de la photo,
netteté, grain, lumière, sont soumises aux aléas
d'un développement subodoré non maîtrisé.
Avant
de laisser ses clichés à l'abandon, il prend soin
de les retoucher au crayon ou au stylo et de les encadrer en
les entourant cadre sommaire en carton agrémenté
de découpages et de rehauts graphiques.
Leur accrochage sur des cimaises taupe et carmin scénographiées
par l'architecte Katia Samari en accentue
le caractère pictural revendiqué par leur auteur
pour qui "photographier, c’est peindre avec la lumière
!.
"Pour moi, une femme est un motif"
Miroslav Tichy nie toute composante érotique - "L'érotisme
n'est qu'un rêve de toute façon. Le monde n'est
qu'une illusion, notre illusion." dit-il - voyant dans
la femme un sujet comme un autre qui participe de la création
artistique.
Le
commissaire de l'exposition, Quentin Bajac,
conservateur au Musée National d'Art Moderne, y voit
une "œuvre poétique, nostalgique, à
la recherche du temps perdu, de la féminité telle
qu'il la dessinait aux Beaux Arts"
Malgré leurs "défauts" par rapport
à une photographie lisse de catalogue, flou, surexposition,
cadrage singulier, superposition, ces photos ressortissent à
celle d'un amateur éclairé par sa formation à
l'histoire de l'art et témoignent d'un oeil acéré
et d'un ancrage dans l'art classique.
Par ailleurs, malgré leur atypisme et l'évitement
de la scène artistique par leur auteur, ces photographies
semblent résolument s'inscrire dans le grand puzzle de
l'histoire de la photographie.
D'aucuns y voient des liens avec le surréalisme, par
l'expérimentation sur le médium, la tradition
photographique tchèque qui associe à la photographie
le travail graphique ainsi qu'avec les courants néodada
et anti art qui s'opposaient à l'art officiel prôné
dans les pays communistes.
Pour le néophyte, demeurent ces femmes terriblement
présentes et pourtant inaccessibles, il se dégage
de ces clichés une étrange sensation d'intimité
dévoilée plutôt que dérobée,
d'exposition charnelle implicite et un sentiment d'inquiétante
étrangeté. Et si elles se savaient photographiées…
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