Comédie
de Michel Heim, mise en scène de Jacques Legré,
avec Claude Darvy, Aurélien Daudet, Alexandre Gillet,
Dominique Scheer et Frédéric Villedent.
Réputé pour sa propension à concocter
des comédies débridées dans sa veine de
prédilection, celle du divertissement parodique, Michel
Heim s'est attaqué, après le registre shakespearien
avec "La Nuit des Reines",
à un autre pilier de l'art théâtral, la
mélancolie tchekovienne, avec cette "Tante Olga"
sous titrée "Comment les trois sœurs ont perdu
leur vertu".
Tout commence comme un "Vingt ans après dans la
célèbre cerisaie devenue roseraie pour la circonstance,
berceau des espérances romantiques des sœurs Karamazov.
Avec le temps le délicat trio sororal s'est réduit
à un duo compassé : Olga est devenue la douairière
version vertueuse de Loubov et Irina une vielle petite fille.
De la troisième, il ne reste qu'une rejetone, Natacha,
fruit d'amours aussi coupables qu'éphémères
avec un cosaque.
L'intrigue : à l'aube de la révolution russe,
essayer de caser la jeune fille, plus délurée
qu'il n'y paraît, qui refuse tous les prétendants
et qui, entre deux lectures de romans français, joue
secrètement les Lady Chatterley avec un moujik. Mais
silence ! Tous les secrets sont bien gardés jusqu'à
l'arrivée d'un militaire, le bien nommé lieutenant
Kalachnikov, émanation russe du visiteur du "Théorème"
de Pasolini.
Michel Heim, comme à son habitude, a truffé ce
"vrai faux Tchekhov" de savoureux et hilarants détournements
et de références tant littéraires, musicales
que théâtrales, tous registres et époques
confondues sans ostracisme, de Doistoievski à Ionesco
en passant par Proust, Sagan et James Mc Cain, de "Casse
Noisette" de Tchaikovsky à "Comme un ouragan"
de Stef de monac, qui sont autant d'irrésistibles clins
d'œil que d'étincelles d'humour et d'occasions de
rire et doublent cet opus d'un étincelant jeu d'esprit.
Dans le petit décor étriqué d'une Russie
tsariste à bout de souffle, Dominique
Scheer, Aurélien Daudet,
Alexandre Gillet, et les deux sœurs,
Claude Darvy, impériale, et
Frédérique Villedent,
émouvante et désopilante, forment une distribution
épatante sous la direction de Jacques
Legré qui met en scène la comédie
avec sobriété et sérieux comme s'il s'agissait
d'un drame classique, ce qui en accentue le côté
décalé et porte les drames de la comédie
humaine aux confins du burlesque. |