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Outland  (Naïve)  septembre 2008

"Il y a plus de mérite à écrire sur une œuvre de qualité moyenne que sur un chef d’œuvre", disait en substance le dramaturge Heinrich Von Kleist dans un essai consacré à la critique d’art.

Cette réflexion nous est revenue en mémoire au moment de chroniquer cet Outland, deuxième album de Marie Modiano. Un disque "moyen", donc, en ce sens qu’il nous inspire des sentiments fort mélangés, en bien comme en mal, mais qui ont le mérite de nous interroger sur l’art (délicat) de la chanson française en général, et d’une certaine tendance "folkisante" en particulier.

Autant l’avouer d’emblée : nous n’avions pas du tout été emballés par les premières écoutes, et nous apprêtions à reléguer le disque aux oubliettes, loin derrière les intouchables You Are Free (Cat Power) ou La Disparition (Keren Ann), albums ayant contribué, aux USA et en France, à renouveler l’optique de la chanson folk en la faisant entrer de plain-pied dans le XXIe siècle, débarrassée des lourds oripeaux pattes-d’eph ou vestes à franges qu’elle traînait depuis à peu près 30 ans.

Il a fallu qu’une gentille camarade, Sandrine Gaillard, nous fasse entendre l’interview qu’elle venait de réaliser avec la dite Marie Modiano, pour insinuer un début de remord : allait-on "assassiner" une artiste si douce et timide, aussi désireuse de bien faire et parlant de sa recherche musicale avec autant d’implication et de profondeur ? La parole de la demoiselle s’avérait plus intéressante et émouvante que ce à quoi l’on s’attendait, et nous a incité in extremis à replacer l’album dans le mange-disque, afin de lui accorder une deuxième chance.

Flash-back : nous avions apprécié, voici quelques années, le premier album de la chanteuse, I’m Not a Rose, qui contenait de jolies chansons mélancoliques (en particulier "Ballad of the Lonesome Circus") et au moins un tube potentiel, le somptueux "Honolulu" qui ne trouva malheureusement pas la place qu’il aurait mérité sur les ondes. Le disque, charmant et balbutiant comme tout premier essai qui se respecte, était suffisamment prometteur pour que l’on ferme les yeux sur certains défauts mineurs (notamment la tendance, fréquente chez les français écrivant en anglais, à pondre des textes sur-signifiants, où chaque vers se veut lourd de sens et parait ignorer la suggestion).

Aujourd’hui, notre premier souci avec Outland est qu’il ne précise pas assez les choses par rapport au premier disque de la chanteuse, continue sur la même lancée et se révèle à nouveau "prometteur" à défaut d’être totalement convaincant.

En d’autres termes : Marie Modiano écrit de très belles (et parfois magnifiques) chansons, mais l’on a du mal à la cerner, lui trouver une personnalité artistique encore bien affirmée. Dans le genre néo-folk, il nous semble que des filles comme Keren  Ann ou Feist sont beaucoup plus facilement "identifiables", et apportent une touche un peu plus contemporaine.

Les chansons d’Outland, au contraire, auraient pu être écrites et arrangées 30 ans plus tôt, sans que l’on fasse véritablement la différence. Cela plaide peut-être pour l’universalité ou l’intemporalité de l’inspiration… mais dénote également une (fâcheuse ?) tendance à se couper du monde et de son époque, qui ne fait pas forcément notre affaire.

Qu’est-ce qui peut bien pousser une chanteuse actuelle à répliquer aussi fidèlement la manière et les sons d’une époque glorieuse (les années fin-60 début 70, donc), mais révolue ? Une touche aussi résolument rétro et "vintage", avec tout ce que cela suppose de boisé et de crépitant comme un feu de bois crosbystillnash&youngien, est-il le véhicule idéal pour tracer sa propre voie, affirmer sa singularité ?

Marie Modiano nous paraît encore trop dissimulée derrière les somptueux arrangements "à la façon de…" concoctés par son complice Peter Van Poehl. L’on attend d’elle qu’elle apporte une contemporanéité et une personnalité originale à cette musique, au lieu de se complaire dans des tics d’époque classieux mais un peu vains.

Cette réserve exposée, il faut tout de même reconnaître à la chanteuse-auteur-compositeur une belle faculté à pondre des chansons riches et complexes, qui ne se révèlent pas forcément à la première audition (c’est ce qui a failli nous perdre !), mais exhalent tout leur sel et déverrouillent leurs multiples tiroirs après bien des réécoutes. Mélodiquement et harmoniquement, tout cela est plus riche (et de loin !) que ce que proposent les folkeuses à succès précitées, Keren Ann ou Feist, sans même parler de l’autodidacte inspirée Carla Bruni. Mais, revers de médaille : moins évident donc moins potentiellement universel et "vendeur", aussi.

Parmi les franches réussites, on recommandera le bouleversant "Last Early Spring", chanson de départ-larmes aux yeux fredonnée d’un ton faussement détaché (mais réellement ému), culminant sur un refrain à mélodie limpide sublimé en bout de course par les chœurs d’un Van Poehl en apesanteur.

Plusieurs autres titres s’avèrent également assez prenants, à commencer par "Spider’s Touch" et son entêtant refrain sifflé, ou l’entraînant folk-soul "Butterfly Girl", qui évoque un croisement entre (au mieux) une Chan Marshall récemment décomplexée avec les musiciens de Memphis et (au pire) un ancien (bon) morceau de Texas.

Mais ces chansons excitantes ont aussi leurs revers : certains titres du disque s’avèrent bien trop doux et cotonneux, et véhiculent une atmosphère musicale un peu trop ouatée  pour ne pas faire retomber l’enthousiasme. Ainsi en va-t-il pour la très (trop ?) narrative "Martin" (on se demande pourquoi une nana de son époque, urbaine et moderne, éprouve le besoin de jouer à la moraliste cow-girl) ; ou les deux derniers morceaux, qui se perdent un peu en joliesses (il y est question de "castles made of sand" et d’"angels" un peu trop poétiquement démonstratifs pour être tout à fait convaincants).

Au final, ce beau disque soigné dresse le portrait d’une belle artiste en devenir, mais peinant encore à affirmer des partis-pris assez forts pour se distinguer véritablement du lot. L’option "folk boisé 70’s", même sertie avec une élégance au-dessus de la moyenne par un réalisateur au sommet de sa forme (et beaucoup plus inspiré ici que sur le troisième album de Vincent Delerm, soit dit en passant), s’avère tout de même un peu trop passéiste à nos oreilles, et le chatoiement éprouvé ne nous empêche pas de rêver à des tonalités plus rudes ou modernes, qui confronteraient enfin Marie Modiano à son époque, au lieu de la tenir enrubannée (trop) joliment dans un cocon référentiel.

De nos jours, la richesse d’une écriture ne suffit plus à définir complètement un artiste, et il faudra bien que la chanteuse ose dépasser le stade de chrysalide et s’affirmer enfin réellement. C’est tout le mal qu’on lui souhaite ; mais l’on garde tout de même bon espoir pour la suite de son œuvre et sa carrière, déjà bien engagées.

PS : L’on pourra également prolonger la découverte avec la chanson "Je Te Veux", participation de l’artiste au très joli projet D’1 Siècle à l’Autre paru l’an dernier, offrant des relectures modernes de grandes mélodies françaises signées Satie, Fauré ou Debussy. A notre connaissance, c’est le premier titre qu’elle chante complètement en français ("C’est Dur l’Amour", sur le premier disque, comptant pour du beurre), et cela lui sied à ravir.

 

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Nicolas Brulebois         
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