Réalisé par Jon Avnet. USA. 2008. Avec : Robert De Niro, Al Pacino, Curtis "50 Cent" Jackson.
12 ans. 12 ans, c’est la période suffisante pour qu’une tribu de Yes-Men se décide à mettre en chantier un film avec les deux "monstres sacrés du cinéma" qui se partagent la place numéro Un : De Niro & Pacino. 12 ans en arrière, c’était Heat qui plaçait la barre très haut en opposant Flic et Voyou sur une fine ligne de convergence. On est alors en droit d’attendre de La Loi et l'Ordre un spectacle de l’échange, des situations et surtout de l’Acting. Mais on se rend vite compte que rien n’est au rendez-vous.
Al et Bob sont flics. Al a laissé son chewing-gum et mis son bagoo légèrement en retrait. Bob intimide, grosse frappe, gros dur. A l’aise au tir, les lascars s’entraînent sur des cibles en papier. Le film est à l’image de cette première scène. Sans sourciller, même à trente mètres, leur grosse mitraillette vise juste. Chacun enquille les balles au milieu de son carton. Pas de rivalité. Ces deux mecs sont inarretables. Stupéfiant. Visiblement dans le coup, Al & Bob private-jokent, parlent comme des durs, baisent comme des tordus et maltraitent leurs ouailles, comme ce pauvre Curtis "50 Cent" Jackson, caution Djeun’s sans surprise ni talent.
L’enquête autour de criminels assassinés s’enlise dans une mécanique d’auto-justice sans horizon où l’on se demande combien de temps mettront les personnages à découvrir ce que nous savons déjà, faute à un script didactique qui ne laisse aucune zone d’ombre. Passé la moitié du chemin, on décide de nous brouiller les pistes, car l’évidence n’est jamais payante doit se dire le réal. Avnet, visiblement inspiré par une esthétique télévisuelle case ici et là quelques mouvements de caméra furtifs à la Bruckheimer (caution Djeun’s encore) pour mieux retomber dans un style pantouflard, ersatz d’un Hollywood Night du samedi soir, le tout enrobé d’une gaine de maintien.
A vrai dire, La Loi et l'Ordre est si mauvais, qu’il est difficile d’en rire tant le potentiel gâché est énorme. On pense à nos deux interprêtes qui se débattent comme ils le peuvent. Mais Avnet persiste et signe une direction d’acteur qui confine à un inévitable cabotinage : Bob a droit à sa scène d’énervement, ponctuée de "f*ck" et de "motherf*cker", on croirait José Garcia, si si.
Et Pacino dans tout cela ? Il attend sagement son tour au fond des deux dernières bobines avant de pouvoir postillonner. Car toute la structure du film s’effrite autour de ce grand problème qu’est la répartition équitable des rôles. Autant sur Inside Man, le scénariste Gerwitz avait su partager la couette entre Denzel Washington et Clive Owen, la surprise de leur collaboration étant basée sur de fines nuances. Ici, que nini, le trait est poussé, grossier, "je serai toujours là pour toi" se répètent nos Bad Boys. Le reste de la distribution fait de la figuration, mention spéciale à Carla Gugino qui semble enchaîner les rôles de potiches à la superbe plastique.
Le twist final (il en faut bien un, le procédé est tellement moderne) qui n’en est pas un, repose sur un leurre et dévoile la faille immense d’un tel projet : un montage tout sauf malin qui est là pour assurer à Bob & Al ce précieux temps équitable de parole.
Si la narration d’un film se construit souvent au montage, elle s’annule ici instantanément, rend incohérentes les scènes précédentes, et se mord lamentablement la queue.
Face à tant de subtilité, le navet d’Avnet ne passe pas. Incroyable. |