Plus que le père, la figure maternelle demeure source d’angoisse. L’enfant est susceptible, en effet, d’éprouver de l’effroi face à ce génie "tutélaire".
Tout d’abord, à l’instar de Hadrien Laroche, je pourrais dire que le rapport entre mère et enfant est une question de filiation, et même d’héritage. Par-delà le rôle de la mère, il y a ce passé dont chacun est prisonnier et qui se prolonge dans la génération suivante. L’enfant vit le passé de sa mère, comme il vivra plus tard son passé propre.
Proust dans Le Temps Retrouvé, dernier volume du cycle À la recherche du temps perdu, répond à l’énigme de sa vie, puisque le temps n’existe pas selon lui, ne peut être qu’éternité de par cette référence obsessionnelle au passé. Bref, dans cette relation entre la mère et son enfant, nous sommes aux frontières. Malgré ce besoin de se remémorer, de se souvenir, ce dernier doit finalement vivre dans le présent.
Mais il y a, à partir du moment où l’enfant est un garçon, tout autre chose que cet unique paradoxe temporel. Entre les sexes, joue plus que la différence, une distinction qui peut rendre l’homme et la femme étrangers l’un à l’autre. C’est cette étrangeté de l’autre sexe que doit appréhender le fils à l’égard de sa mère, et réciproquement. Car il est possible que l’Autre gêne, en fin de compte, l’identité du Moi. Les rapports de force ne sont pas à écarter entre la mère et son fils. La première peut confondre le second avec elle, et le considérer, par conséquent, comme un simple prolongement d’elle-même.
Je m’oppose ainsi aux conclusions de l’ouvrage de Johan Jakob Bachofen intitulé Le Droit Maternel. Ce dernier pense que la mère symbolise la paix et l’altruisme qui auraient régné aux commencements de l’humanité. A contrario, le père est à la fois le vecteur de l’égoïsme et du communautarisme, et donc de la guerre. De tels statuts pour l’homme et la femme nient l’existence des rapports de pouvoir. La vision de Bachofen tend même à rendre crédible la dualité du bien et du mal. Or, comme l’affirme Schopenhauer dans Le Fondement de la Morale, bien et mal sont des valeurs relatives.
En bref, pour revenir au livre qui nous préoccupe, Vue sur la mère, le premier roman de Julien Almendros, il s’agit tout au plus d’une anecdote. |