Jeune quatuor lyonnais, Jade propose avec Analogic, son premier album, un trip-hop au bel appétit, désireux manifestement de ne pas s'enfermer dans le cliché des ambiances planantes, déchirées de riffs acérés et hantées par une voix féminine langoureuse.
Tout en lorgnant du côté de l'électro-pop d'outre-manche, la formation tente ainsi d'élargir ses horizons, s'assaisonnant à l'occasion de guitares plus rock (avec "Ready" ou "Voodoo love", par exemple), de quelques cordes et s'essayant parfois, le temps de quelques titres plus courts, comme le "Caroussel" d'ouverture, "Butterfly" ou encore "Woman beat box", à une exploration d'horizons bien plus larges.
Malgré tous ces efforts, on ne sort pas réellement des sentiers battus et rebattus. Appliqué jusqu'à en être scolaire, le trip hop de Jade est à l'image de la voix de Laetitia Mosca, sa chanteuse : mal à l'aise dans son accent anglais trop étroit, trop lisse, trop propre sur soi ; comme si la chaleur qu'on y devine n'avait pas le droit de s'exprimer. Thermostat réglé pour le tiède - au cas où quelqu'un aurait trop chaud, pour être sûr que personne n'ait trop froid.
Pourtant n'y avait-il pas de la fièvre, lorsqu'elle suppliait l'amour, Beth Gibbons ? La ferveur n'étreignait-elle pas l'adorateur de l'ange de Massive Attack, son sang ne bouillonnait-il pas ? N'y avait-il pas toujours à la bouche de Skye Edwards un groove chaleureux, une sensualité étourdissante ? Pour être synthétique, la musique n'en doit pas nécessairement manquer de vie.
Sans cette étincelle de sentiment, le "Sacrifice" qui clot l'album, qui aurait du être beau de dépouillement, voix et piano laissés seuls face à face, en reste tristement à l'hésitation entre instant de grâce et retour de variété.
Sans être un mauvais disque, cet Analogic manque cruellement de surface - pour ne pas dire : d'âme. Insipide plutôt que véritablement mauvais. Comme la lecture d'un texte par un acteur un fauteuil, la musique de Jade n'atteint pas encore à l'essentiel, qui permet à l'artiste de communiquer avec son spectateur : l'interprétation, qui consiste pour lui à habiter son rôle. Reste donc à espérer, à travers toutes les pistes tracées, parfois bonnes, que la formation parviendra à découvrir sa propre personnalité. |