Comédie
dramatique de Paul Claudel,mise en scène de David Assaraf,
avec Vincent Chatraix, Dimitri Fornasari, Maud Imbert et Noémi
Lazlo.
"L’échange"
de Claudel, écrite en 1893-94
à New-York et Boston, se joue actuellement dans pas moins
de deux théâtres parisiens : le Théâtre
de la Colline mis en scène par Yves Beaunesne et le Théâtre
du Soleil mis en scène par David Assaraf pour la Compagnie
Passeur de Rêves. Nous parlerons de la représentation
du Passeur de rêves au Théâtre du Soleil.
De quel échange s’agit-il ? A travers la rencontre
de deux couples au mode de vie opposé : celui qui vit
d’amour et de la contemplation jamais lassé de
l’univers et celui qui, tourné vers le commerce,
s’est isolé et desséché : peut-on
un peu échanger l’un pour l’autre ? Acheter
la jeunesse et la tendresse, ou se brûler les ailes à
ce qui brille et qui promet la gloire.
Louis Laine (Dimitri Fornasari) et Marthe (Maud Imbert) sont
les jeunes gens, l’espace d’une saison au service
de Thomas Pollock (Vincent Chatraix) et de Lechy (Noémi
Laszlo). Ils ont gardé la propriété au
bord de la mer : Marthe cousant, toute dévouée
et reconnaissante envers Louis de la conduire loin de chez elle,
aux abords du Nouveau monde.
Laine, ne serait-il pas un peu Verlaine, un peu Rimbaud, ému
par la nature et misanthrope. Dans son corps il vit le rythme
des saisons, dans ses cheveux le souffle des vents ; et le bleu
de la mer et du ciel a teinté ses yeux. Marthe est la
femme aimante, allégorie d’une simplicité
belle parce qu’ignorante et pure . Elle n’a pas
d’autre ambition que d’être l’Aimée
de son Louis . Mais Louis est mouvant, instable, menteur et
lâche devant l’exigence naturelle de Marthe.
Louis dont les bras ne sont jamais assez grands pour embrasser
le cosmos, terre et ciel, herbe et étoiles, résistera-t-il
au marché de Pollock, dont les mains sont toujours fichées
dans ses poches, sur une liasse de dollars, les poings et le
cœur fermé, vieux déjà. Le Louis d’or
("dort") dans la main.
Claudel qui veut tout dire, tout assembler dans les métaphores
et les comparaisons, qui fait de son écriture un univers
saisissant habité de sons, d’odeurs, de tout le
règne animal , est certainement un défi pour tout
metteur en scène , comme pour tout acteur. Trouver le
ton juste, y mettre toute sa foi, quand quelque fois le flot
des mots déborde et sature le spectateur.
Sur ce fil, nous admirons la mise en scène de David
Assaraf et le décor de Patrick
Marchand où comme les personnages, une barque
s’est enlisée. Le metteur en scène dirige
les acteurs pour les faire exister davantage comme des incarnations
poétiques que des personnages réalistes. L’osmose
avec le Théâtre du Soleil est par ailleurs parfaite,
lieu poétique par excellence, aux confins de la nuit,
dans le Bois de Vincennes.
Pour vous régénérer au ressac de la langue
claudélienne, allez profiter de ces belles représentations
de "L'échange" par la compagnie Passeur de
rêves.
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